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LETTRE PHILOSOPHIQUE
TRES ESTIMEE DE CEUX
QUI SE PLAISENT AUX VERITES HERMETIQUES
MICHEL SENDIVOGE
1670
Traduite d'allemand en
français par ANTOINE DU VAL
Vous ayant vu douter d'une science
dont vous devriez être mieux persuade, il m'a semblé
nécessaire de vous en tracer les fondements, suivant que
la lecture des vrais Philosophes et l'expérience me l'ont
enseigné. Je n'use pour cet effet d'aucune Rhétorique,
jugeant superflu d'orner la matière du inonde, qui est
la plus belle de soi-même. La Sainte Ecriture, qui est dictée
par le Saint Esprit, et contient la parole du grand Dieu, méprise
l'ornement et se plaît seulement aux sentences véritables
et simples. L'ignorance, au contraire, et le mensonge, dont le
père de mensonge a jeté la semence dans les Ecoles
modernes, veut être plâtrée d'attiffets pour
cacher ses défauts ; l'art et le fard sont pour les beautés
imparfaites. Vous verrez dans la suite de cette Lettre une Physique
qui paraîtra extravagante et impertinente au sens de ces
mêmes Ecoles, et je vous dis par avance que le moindre Pédant
la condamnera aussi hardiment que s'il l'entendait très
bien et que mes sentiments seront bannis de sa raison aussi librement
qu'il pourrait faire, si notre sainte Science était soumise
à sa juridiction.
Mais je laisse à chacun
son jugement libre, et je ne veux punir les présomptueux
et les ignorants que de leurs propres qualités qu'ils garderont
pour pénitence. Aussi ne prétends-je écrire
cette lettre qu'à vous qui avez la clef pour en déchiffrer
le contenu mystérieux, afin que vous puissiez confirmer
votre connaissance et l'appuyer sur un fondement inébranlable
pour donner gloire à Dieu et servir votre prochain. Vous
trouverez la plus part de ce que je vous écris chez les
Philosophes, mais vous ne le verrez en nulle part entassé
de cette manière et en si peu de paroles. Elles sont simples,
mais importantes et véritables. Lisez, relisez et pensez
le bien, rapportant le tout à la pierre de touche qui est
la nature ; elle vous cautionnera pour moi de la vérité.
Mettez ses démarches en parallèle avec mes paroles,
et gardez pour vous-même les observations que vous en tirerez.
Afin donc de comprendre ce dont il est question, sachez que la
Physique est une science moyennant laquelle on explique les substances
naturelles en tant que naturelles avec leur harmonie ; c'est la
science de la nature ou une habitude moyennant laquelle nous connaissons
la nature et les choses qui tiennent leur être d'elle.
L'auteur de cette nature est Dieu, qui subsiste naturellement
de par soi-même, sans commencement ni fin. Il est souverainement
et uniquement Sage, Puissant et Bon. Comme il est infini, et que
nous sommes finis, nous ne pouvons rien dire de lui qui ne soit
trop au-dessous de sa gloire et perfection ; une partie ne pouvant
aucunement comprendre le tout: l'excellence de ses œuvres
le magnifie beaucoup plus que la faiblesse de notre expression.
DU CHAOS
Quand nous contemplons ses œuvres
en général, nous y observons dès leur principe,
le Chaos, les Eléments, et les choses élémentées.
Le Chaos était un composé agité de l'eau
et du feu vivifiant, à ce que toutes choses de ce monde
fussent produites par le Verbe éternel de Dieu. C'était
la matière contenant toutes les formes en pouvoir, qui
ensuite se manifestèrent quand sa volonté se réduisit
en acte. Ce corps informe était aquatique, et appelé
par les Grecs hulé, dénotant par le même mot
l'eau et la matière. Cette matière a été
distinguée de Dieu en trois classes: en Supérieure,
Moyenne et Basse région. La supérieure est absolument
illuminée, éminente et subtile : la basse absolument
ténébreuse, crasse, impure et grossière.
La moyenne est mêlée de l'une et de l'autre de ces
qualités.
La dernière classe ou région
basse contient néanmoins toutes les essences et les vertus
des Créatures de la supérieure, en sorte que ce
que les Créatures supérieures sont actuellement
en forme manifeste, les Créatures inférieures le
sont en pouvoir et en essence occulte. La classe ou région
supérieure réciproquement créée, en
sorte qu'il n'y a rien dans l'inférieure dont elle ne contienne
la nature et les vertus: ce que les essences supérieures
sont extérieurement, les inférieures le sont intérieurement.
L'une et l'autre toutefois ne peut pas agir également ;
car les Créatures supérieures intellectuelles peuvent
agir si elles le veulent, de même façon que les inférieures
; mais les inférieures sont empêchées par
la crasse ténébreuse de leur corps, d'agir comme
feraient les Anges, à moins que d'être illuminées
d'en haut et douées de vertus divines et plus qu'humaines.
En tout ce que dessus il est à remarquer que la région
inférieure n'est pas entièrement destituée
de lumière. ni la supérieure de quelque mélange
(bien que délicat) de ténèbres, n'y ayant
que le Créateur seul qui habite une lumière pure
et inaccessible. La créature, bien qu'opposée l'une
à l'autre, ne manque jamais de mélange pour procréer
par cette puissance étendue et remise, comme le bras court
et long en Géométrie ; est c'est par le moyen de
cette opération admirable que le mouvement a commandé
le Chaos. La parole éternelle du Père en ayant premièrement
séparé les éléments, et puis les choses
élémentées supérieures et inférieures,
tant terrestres que célestes et surcélestes. Car
la création du Ciel présuppose celle des habitants,
qui sont les Anges bienheureux, auxquels l'âme des hommes
devient semblable, lorsque séparée des sens matériels,
et épurée des impuretés par le Saint-Esprit,
elle s'élève en ferme foi à Dieu, cherchant
et trouvant dans le père des lumières cette clarté
surnaturelle inconnue à l'homme sensuel. Par ce chemin
la grâce du Seigneur a manifesté (Genèse,
1) à son serviteur Moïse cette réaction merveilleuse
; c'est par cette même grâce que mortifiant notre
chair perverse, et ressuscitant en une nouvelle vie, nous élevons
le vol de notre âme par-dessus tout ce qu'il y a de matériel,
pénétrant les ténèbres confuses du
chaos, pour observer, tant par la parole révélée
de Dieu, que par la lumière de sa clarté reluisante
éminemment, et en ses grandes oeuvres, et en homme créé
à sa ressemblance, les démarches de cette opération
merveilleuse, jusqu'à ce que cette étincelle de
lumière, dont nous sommes capables en cette mortalité,
vienne à croître pour nous éclairer pleinement
dans l'Eternité.
Il y a trois choses à observer
dans ce chaos: 1° l'eau première et informe: 2°
le feu vivifiant, dont l'eau a été agitée
; et 3° la façon dont les êtres particuliers
ont été produits de ce chaos ou être général.
Cette eau informe et imparfaite était incapable, sans le
feu vivifiant, de rien produire. Elle était avant l'eau
élémentaire, et contenait le corps et l'esprit qui
conspiraient ensemble à la procréation des corps
subtils et grossiers. Cette eau première était froide,
humide, crasse, impure et ténébreuse (Genèse,
I), et tenait dans la création le lieu de la femelle, de
même que le feu, dont les étincelles innombrables
comme des mâles différents, contenait autant de teintures
propres à la procréation des créatures particulières.
Ce feu qui a devancé l'élémentaire, a vivifié
tout ce qui est produit du chaos ; c'est celui de la nature, ou
pour mieux dire, l'esprit de l'Univers subtilement diffus dans
cette eau première et informe. On peut appeler ce feu la
forme, comme l'eau la matière, confondus ensemble dans
le chaos. Il ne subsistait pas séparément sans l'eau,
qui est proprement son habitacle, et la matière ou le véhicule
qui le contient. Toutefois, ce feu n'est qu'un instrument subalterne,
et qui ne peut agir en aucune façon de soi-même,
n'étant qu'un outil matériel de la grande main immatérielle
de Dieu. ou de sa parole non créée qui est issue
de lui. et en procède continuellement, comme nous voyons
au Ier et IIe chap. de la Genèse, faisant par ce feu les
impressions de diverses teintures sur diverses espèces.
J'appelle Teintures les puissances
astrales et ponctuelles. Car la teinture est comme un point essentiel,
duquel, comme du centre, sortent les rayons qui se multiplient
dans leur opération. Mais comme ces rayons ne sauraient
opérer en eux-mêmes, pour leur proximité et
ressemblance, il leur a fallu un corps aquatique dissemblable
à leurs propriétés, à ce que sa masse
par ce feu central, et moyennant la disposition de la parole de
Dieu, ainsi que les autres choses, prissent forme. Le feu n'est
pas un corps, mais il en prend un d'ailleurs, qu'il dispose à
sa fin destinée: il demeure plus volontiers dans un corps
parfait que dans un autre ; il contient les définitions
de toutes choses, et reçoit en soi, suivant les vertus
de son imagination que le verbe éternel de Dieu lui a imprimé,
les dispositions de diverses semences ; il est chaud, sec, pur
et diaphane. Ces deux dernières qualités sont les
sources de toute lumière: sa chaleur le fait agir sur l'eau,
comme étant le principe de toute la chaleur des éléments
et des choses élémentées ; sa sécheresse
est le principe de constance es créatures ; sa diaphanéité
marque sa subtilité, qui lui rend toute sorte de corps
pénétrables ; sa pureté exclut toutes imperfections,
car le feu les chasse loin de soi, et aspire à la constance
de l'Eternité, comme la fin du monde et la nouvelle création
fera voir. Aristote l'appelle assez improprement le principe du
mouvement. Le feu donc est la nature qui ne fait rien de vain.
qui ne saurait errer, et sans qui rien ne se fait. Car cet esprit
agissant, bien qu'il soit inhérent en des corps différents
de ce monde, est pourtant toujours le même ; et bien qu'il
serve è vivifier des teintures diverses, selon qu'elles
sont distinguées dans les créatures par le Créateur,
il ne fait que les disposer suivant leur capacité.
Ce chaos ainsi créé.
Dieu commença à travailler sur ce corps ténébreux,
lui infusant quelques rayons de lumière par le moyen de
l'Esprit de Dieu qui se mouvait dessus les eaux, séparant
les ténèbres de la lumière, et donnant aux
ténèbres la demeure inférieure et moyenne,
comme à la lumière la supérieure. 11 sépara
{Genèse. 1, verset 6.) les eaux d'avec les eaux, plaçant
la matérielle et la grossière dans la mer et dans
la terre, et élevant la subtile et spirituelle au-dessous
et au-dessus du firmament (Genèse, CXLVIII, verset 4.),
à ce qu'elle pût servir de véhicule, d'instrument
et de médiatrice à l'Esprit universel, pour porter
les ordres et les aides actives aux esprits passifs et particuliers
des sublunaires. Cela ne suffisant pas, Dieu donna le troisième
degré de lumière, séparant la terre, ou le
sec des eaux et de la mer, afin que la terre ne fût empêchée
par le mélange excessif des eaux, de produire les herbes
et les arbres portant fruits. 11 sépara aussi par l'étendue
des Cieux, les eaux inférieures des supérieures,
et assembla de la lumière diffuse, des luminaires pour
distinguer les temps et les saisons, afin d'opérer par
leurs rayons ou influences mesurées sur les créatures,
lesquelles il créa de leurs éléments distingués
pour vivre en iceux, et habiter cet édifice admirable dont
il donna la Seigneurie à l'homme fait à son image
et selon sa ressemblance pour le servir et bénir.
DES ELEMENTS
EN GENERAL
L'élément est un
corps séparé du chaos, afin que les choses élémentées
consistent par lui et en lui: c'est le principe d'une chose, comme
la lettre de la syllabe. La doctrine des éléments
est très importante, étant la clef des sacrés
mystères de la nature.
Les éléments conspirent ensemble, et se changent
facilement l'un en l'autre, et nous voyons la terre se changer
en eau, l'eau en air et l'air en feu. La terre se change en eau,
quand l'eau par le mouvement de la chaleur du centre de la terre
en pénètre les conduits en forme de vapeur, et en
reçoit par cette exhalaison l'essence subtile, en sorte
qu'il n'apparaît aucune différence entre l'eau et
la terre. Cette terre réduite en eau par la chaleur du
Soleil élevée en la région moyenne de l'air,
y étant quelque temps digérée, se change
en feu, et forme les tonnerres et les foudres. Celui qui connaît
le moyen de changer un élément en l'autre, et rendre
les choses pesantes légères, et les légères
pesantes, se peut dire vrai Philosophe. Cela ne se peut que moyennant
un certain chaos universel, dont le centre contient les vertus
des choses supérieures et inférieures, réduisant
la terre en eau, l'eau en air, et l'air en feu. Jamais un élément
n'est sans l'autre, car le feu sans air s'éteint, l'eau
sans air se pourrit, la terre même ne saurait faire un globe
sans l'eau, qui sans les autres éléments ne produit
quoi que ce soit. Le feu purge l'air, l'air l'eau, et l'eau la
terre, et par le mouvement du feu l'un se perfectionne dans l'autre.
Le feu est toujours le moindre en quantité, comme le premier
en qualité ; où il domine il engendre des choses
parfaites. Les éléments sont actifs, quand ils travaillent
sur un corps pour en former quelque chose de nouveau ; passifs
quand l'un souffre que l'autre en fasse quelque chose et l'un
agissant l'autre pâtit. L'eau agit sur le feu, le concentrant
par la réclusion dans son corps ; le feu travaille sur
la terre, afin de ['élever à la propre dignité,
et cela durera jusqu’à tant que tous les éléments,
par une action mutuelle, atteignent la souveraine perfection.
Les éléments supérieurs agissent bien plus
parfaitement que les inférieurs, comme il appert par les
actions du Ciel ou du feu, à cause de sa pureté
et élévation, en vertu de laquelle ils exaltent
les éléments inférieurs, comme les inférieurs
en échange abaissent ou attirent et humilient les supérieurs.
Et c'est par le moyen de cette attraction et expulsion, que le
monde respire et vit, communiquant l'être des choses supérieures
(comme dit est) aux inférieures, et ainsi réciproquement.
Cette opération merveilleuse se fait moyennant l'esprit
de l'Univers invisible et impalpable en soi, si ce n'est qu'il
se rend tel, à raison de la situation et de son véhicule.
D'autant que ce Mercure, ce messager du Ciel, et qui en porte
les ordonnances en terre, prend de certaines ailes propres à
faciliter son vol. Cet instrument est visible et palpable, mais
l'esprit en soi-même ne l'est pas, pour être d'une
nature absolument spirituelle, et dont l'essence fuit les sens.
Pour mieux comprendre ce mystère, qui est très grand
et excellent, considérons que la terre et l'eau occupent
l'habitacle inférieur, pour être moins excellent
que le Ciel, qui est le feu, et est situé au-dessus, comme
l'air qui est un élément moyen entre le feu subtil
et la terre ; et l'eau grossière se place entre-deux.
Or afin que la terre fût
exaltée par le feu et élevée à la
souveraine perfection, il était nécessaire que le
feu la repurgeât de sa crasse immonde, et qu'à cet
effet il fût posé dans son ventre pour y opérer
jusqu'à tant qu'ayant séparé toute l'impureté
de la terre, il en attirât l'essence pure et sans fèces.
Mais cette terre vierge ne pouvant agir sans les éléments
moyens, le feu agit sur l'eau, qui compose un même globe
avec la terre et ce moyennant l'air, subtilisant cette eau par
sa chaleur, et la réduisant en vapeur, unissant en même
temps la terre à sa nature. Ainsi la nature, qui procède
toujours avec ordre, tend depuis les choses basses par les moyennes
au sommet de perfection, et comme la terre est un corps compact,
l'eau ne la peut pas tout à la fois transformer en sa propre
nature: c'est pourquoi elle s'élève souvent moyennant
la chaleur du Soleil, la distillant et la renvoyant sur la terre,
afin d'y porter la vertu du feu, à ce que par ses aspersions
réitérées, la terre se résolve dans
ses semences ; car les semences de terre inhérentes, ont
en soi le feu de la nature, participant du feu céleste,
lequel résout moyennant des vapeurs très subtiles,
la terre en eau, pour pouvoir pénétrer et vivifier
les entrailles des semences. Après cela, il la convertit
par une digestion continuelle, en une huile cristalline, qui représente
l'air par sa clarté diaphane, et l'allume enfin, après
l'avoir dépouillée de toutes ses impuretés,
de sa flamme ardente, la faisant expirer de jour en jour, et monter
aux lieux supérieurs à travers de l'air, et la réduisant
à la même essence du feu. Voilà comme un élément
participe de la nature de l'autre: l'élément donc
est un corps spirituel contenant une matière et grossière
et visible ; ils ne peuvent reposer, mais sont dans un mouvement
perpétuel, pour moyenner la pro-création des choses:
les uns penchent plus dans leurs inégalités vers
la forme corporelle, les autres vers la nature spirituelle.
Quand ces éléments
seront un jour (par l'émotion nouvelle de la nouvelle création)
dénués de toute impureté, alors leur corps
et leur esprit seront en juste balance, et attachés ensemble
par le lien sacré de l'éternité ; l'inégalité
ôtée, le mouvement le sera pareillement, qui compose
le temps, et là où il n'y en a plus, l'éternité
apparaît d'elle-même. De toutes les matières
que nous connaissons, la plus également composée
est l'or, qui ayant des éléments purs et destitués
d'inégalité, approche plus de l'éternité
qu'aucune autre matière, et donne, étant rendu spirituel
et applicable au corps humain, une Médicine qui surpasse
de bien loin toutes autres Médecines. Et sans l'obstacle
de la malédiction que le péché attire et
sur nos propres éléments et sur nos aliments, cette
excellente Médicine ferait bien un autre effet encore.
Parlant tantôt de l'harmonie, je toucherai cette corde plus
distinctement, faisant voir qu'il n'est pas impossible de représenter
mécaniquement le Macrocosme avec les éléments
de cet Univers, sous la forme d'un mouvement perpétuel
; j'avoue cependant que nous ne le connaissons qu'en partie, le
péché nous ayant chassé hors du Paradis,
dont l'entrée nous est défendue en cette vie caduque
et misérable. Nous essayerons néanmoins d'attraper
quelque branche qui passe pardessus la muraille du jardin d'Eden,
et ne pouvant y entrer ni manger du fruit de l'arbre de vie, nous
tâcherons d'en avoir du moins quelque feuille, bien que
(comme dit est) séchée et corrompue par notre iniquité
malheureuse.
DES ELEMENTS
EN PARTICULIER ET DU FEU ELEMENTAIRE OU DU CIEL
Le feu et l'air sont les éléments
supérieurs. Le feu est le premier, préférablement
à tous autres, à cause de sa pureté, subtilité
et perfection causée de sa simplicité, qui le rend
plus noble et plus puissant ; l'esprit de l'Univers le possède
et fortifie merveilleusement. L'air pour être moins pur
ne le pénètre jamais à fond, ni ne s'unit
totalement à lui, si ce n'est après être purifié
de ses fèces. Le feu élémentaire n'agit que
quand il est concentré, c'est alors que ses rayons prennent
force, et jettent puissamment leurs influences. Après que
Dieu eût concentré (Genèse 1, vers. 10) et
les éléments et (vers. 11) les choses élémentées,
concentrant le feu ou le point astral dedans les semences particulières,
il concentra aussi (vers. 14) la lumière diffuse en des
certains luminaires pour envoyer (ver. 15) leurs rayons en terre,
et les y faire opérer. Quand il veut agir, il chasse (s'il
est le plus fort en un corps) les vapeurs impures et superflues
dans l'air, pour y être digérées ; s'il est
le plus faible, les vapeurs l'oppriment et le suffoquent; car
le feu tache de purifier toutes choses et les réduire û
la souveraine perfection, comme les Philosophes savent. Et tant
plus qu'un élément est pénétrant,
tant plus aussi est-il agissant. II est pur et ne souffre point
d'impureté. 11 y en a de deux sortes; car il est ou intérieur
ou extérieur: l'extérieur subvient à l'intérieur,
l'excitant pour agiter les qualités différentes
du corps qu'il pénètre, et parachever l'œuvre
de la nature ; ces deux feux sont si familiers et collatéraux,
que se rencontrant avec leurs forces en un même sujet, l'un
fortifie l'autre pour atteindre au sommet de la perfection. Le
feu est un élément qui agit dans le centre de chaque
chose, par le mouvement de la nature, qui cause l'émotion,
l'émotion l'air, l'air le feu, et le feu sépare,
purge, digère, colore et mûrit chaque semence dans
la matrice et dans la situation que le Créateur lui a assignée
dès le commencement. Cet élément ne peut
souffrir l'eau crue, mais il la chasse et réduit en vapeur
moyennant sa chaleur. Ce n'est pas qu'il soit impossible de rendre
l'eau compatible avec le feu et de la faire durer dans la plus
grande flamme jusqu'à rendre l'eau inséparable du
feu, mais le chemin en est connu à très peu de gens,
et appartient à la cabale de la Philosophie secrète.
Le feu élémentaire est le Ciel ou le firmament même
où résident les astres, dont les influences visibles
convainquent d'erreur ceux qui le nient. D contient abondamment
l'Esprit de l'Univers, qui est le feu, et se communique par le
véhicule de l'air aux choses sublunaires et leur donne
vie; car la vie n'est qu'un flux de feu naturel dans le corps
vivant.
Ceci se doit entendre de la vie
animale; car la vie de l'âme raisonnable est un flux de
feu bien plus noble et plus pur de substance sur-céleste
tirant son feu extérieur immédiatement de l'Esprit
de Dieu, qui la vivifie et purifie, commençant par l'attraction
des rayons de sa foi, et par la communication ou impression des
rayons de sa grâce et lumière, à lui inspirer
les principes de la vie éternelle, en attendant qu'accompagnée
d'un corps dépouillé de toutes impuretés,
elle puisse comparaître glorifiée devant le trône
de Dieu. Les corps qui subsistent dans le Ciel, en attirent leur
nourriture, et envoient ensuite leurs rayons ou influences sur
la terre ; pour empêcher, que par cette émission
leur vertu ne vienne à diminuir, l'Eternel a ordonné
par sa sagesse ineffable qu'ils attirassent autant d'éléments
purifiés de la terre qu'ils y en renvoient. Et c'est ainsi
que se fait la circulation admirable de la nature, dont cette
opération de rayons est la grande roue. Le feu suprême
est le Ciel empirée, où résident des Astres
spirituels, qui n'ont point de corps de lumière compacte
; ils sont d'une essence plus subtile et éminente que les
astres visibles, et ont bien plus de pouvoir: ce sont des esprits
qui représentent chacun les Forces et les Vertus de cet
Univers, jouissant à raison de leur grande simplicité,
pureté et perfection d'une béatitude permanente.
Les ténèbres qui
voilent nos âmes dans ce monde corruptible, nous rendent
les Astres, qui assistent devant la Majesté Sacrée
de l'Eternel, invisibles ; ils voient (hors du temps) en même
temps et tout à la fois, et ce que nous connaissons, et
ce que nous ne connaissons pas. Les eaux sur-célestes avec
leur air et leur feu souverainement purs, composent le Ciel empirée.
Il est parlé de ces eaux sur-célestes dans Genèse,
1 ; Daniel, 3, 6: Psalmiste, 104, 3. C'est une substance très
pure, luisante, subtile, enflammée, mais non pas consommée,
qui constitue l'habitacle des Anges (Schamaijm) et des bienheureux,
le vrai Paradis composé d'éléments incorruptibles
et parfaits, comme étaient ceux dont Adam jouissait avant
le péché. Le Macrocosme supérieur contient
tout ce qu'a l'inférieur. C'est de l'influence continuelle
de cette eau incorruptible que s'animent et disposent toutes choses
en ce bas monde. S'étant communiquée aux Astres,
visibles, elle passe des Astres en l'air, de l'air et de l'eau
et par l'eau en la terre, de sorte qu'il appert clairement que
le monde inférieur est l'image du monde supérieur.
Et comme en ce monde l'air se tient sur l'eau, et le feu sur l'air,
ainsi dans le monde Angélique, l'air sur-céleste
est par-dessus les eaux sur-célestes, et au lieu le plus
éminent est le feu souverainement pur qui compose la lumière
inaccessible, où Dieu a constitué l'habitacle de
Sa Majesté. Que personne ne nous blâme d'entamer
une matière si haute, outre qu'on ne dit rien qui soit
indigne de notre Dieu, ni qui contrarie à sa sainte Parole:
il y a une clef secrète qui ouvre la porte de ces secrets,
elle est cachée dans un corps très commun, et contemptible
aux yeux du vulgaire, mais très précieux a ceux
des vrais Philosophes.
DE L'AIR
L'air est un Elément subtil,
diaphane, léger et invisible, le lien entre les choses
supérieures et inférieures, le domicile des Météores.
Il n'y a rien au monde qui puisse se passer de cet élément.
Toutes les créatures en tirent leur vie et leur nourriture,
il fortifie l'humide radical et alimente les esprits vitaux. Rien
ne viendrait en ce monde si l'air se pénétrait et
attirait la nourriture multiplicative;
l'air contient un esprit congelé, meilleur que toute la
terre habitable ; cet élément est plus pur que l'eau
et moins pur que le Ciel; il participe de la pureté de
l'élément supérieur, et de l'impureté
des inférieurs, et est richement doué de l'Esprit
de l'Univers.
DE L'EAU
Les Eléments inférieurs
sont l'eau et la terre; leur exaltation dépend de l'éminence
des supérieurs, et il est nécessaire que, pour se
perfectionner, ils soient souvent élevés et enrichis
des vertus supérieures: il faut, dis-je, que la terre s'élève
souvent par le moyen de l'eau, afin que le feu résidant
dans les entrailles de la terre, apparaisse dans ses opérations:
l'eau ne revient jamais à la terre qu'elle ne soit amendée
et ne porte quelque nouvelle vertu. La pluie opère plus
que l'eau simple dont le jardinier arrose. L'eau ne pénétrerait
pas la terre, si elle n'était animée de la chaleur
supérieure ou inférieure, comme en Eté que
la chaleur du Soleil et la centrale subtilisent l'eau, et la font
monter par les racines dans les végétaux, pour l'achever
de digérer et réduire en plantes, fleurs et fruits;
la chaleur fait monter l'humidité de la terre en brouillard,
qui étant levé retombe en pluie par sa pesanteur,
et rend l'humidité à la terre pour la faire fructifier.
Car cette marée universelle s'engrosse du Ciel, et en rapporte
à chaque fois de nouvelles vertus.
L'eau est un élément
humide et grossier, il est l'habitacle des poissons, la nourriture
des plantes et des minéraux, le rafraîchissement
des animaux, l'aide de la génération, et le véhicule
par le moyen duquel les corps consistent es éléments
inférieurs, et reçoivent les influences du Ciel.
Cet élément contient les trois autres, et sert à
produire. conserver et augmenter tous les corps que nous voyons.
Il contient une Médecine excellente, douée des vertus
supérieures et inférieures. Heureux celui qui la
sait fixer avec son esprit. Comme le feu sépare les choses
qui sont jointes, l'eau rejoint celles qui sont séparées;
la nature joignant les choses supérieures avec les inférieures
par les moyennes, se sert de l'eau pour communiquer à la
terre ce que le feu distille en eau par le moyen de l'air; car
l'essence du feu tombant en l'air, celle de l'un et de l'autre
se jette dans l'eau, et celle-là dans la terre qui est
le réceptacle de toutes les semences; si l'eau ne passait
et repassait incessamment par les conduits de la terre, le feu
astral la consommerait par l'intempérie de son mouvement,
et en passant par la terre elle en attire la nature, s'habillant
de son essence la plus délicate, et aidant à la
putréfaction qui est la mère de la génération;
car sans eau il ne se fait point de putréfaction. Passant
par des endroits bitumineux et ensoufrés, elle en attire
cette chaleur et vertu que nous voyons aux bains chauds de Ballaruc
et ailleurs.
Passant par des veines enrichies
de minéraux ou sources métalliques, elle en attire
pareillement la vertu, et produit les eaux salutaires, dont les
fontaines se voient à Spa et ailleurs, car l'eau sent toujours
ce qui a été échauffé avec elle, comme
l'on voit dans la composition des bouillons que les cuisiniers
apprêtent tous les jours. La chaleur centrale fait (comme
dit est) tous les jours le même avec l'eau élémentaire
et les fruits des entrailles de la terre. Voilà comment
l'Econome et le Seigneur absolu du monde fait sa distillation
dans le Macrocosme; un jour sa bonté paternelle exaltera
sa Majesté glorieuse par sa toute-puissance, rehaussant
ce feu très pur qui sert de firmament aux eaux sur-célestes,
et renforçant le degré de la chaleur centrale pour
réduire toutes les eaux en air et calciner la terre, à
ce que, toutes les impuretés consommées par le feu,
il rend à la terre purifiée une eau circulée
dans l'air et pareillement purifiée pour composer un nouveau
monde, consistant en un nouveau Ciel et en une nouvelle terre
(Apocalypse 21-7) où dans des éléments souverainement
purs, immuables et exaltés, vivront les corps glorifiés
des Elus de Dieu, après qu'ils seront changés (1
Cor., 15, 51), pour être glorifiés c'est-à-dire
purifiés de la crasse périssable et peccante qui
voile nos âmes en cette vie misérable, pour la rendre
capable de jouir de la clarté divine immédiatement
(Is., 60, 19 et 20). 0 Seigneur! Quand verrons-nous ta sainte
face? Jusqu’à quand croupirons-nous dans les ténèbres
de l'ignorance où le péché nous tient enchaînés?
En somme, l'eau par un sel imperceptible aux sens, dissout les
semences que la terre contient; cette dissolution sépare
les corps, cette séparation les mène à la
putréfaction, et cette putréfaction à une
nouvelle vie.
DE LA TERRE
Le dernier élément
est la terre, dure, crasse, impure, aride, l'habitacle des animaux,
des plantes, des métaux et des minéraux, remplie
de semences infinies, moins simple que les autres éléments,
dont la terre est proprement le rebut et le réceptacle.
C'est un corps fixe qui retient les impressions des influences
d'en haut, plus parfaitement que ne font les autres éléments.
L'eau et l'air ne les retiennent pas si bien, car elles pénètrent
jusqu'au centre de la terre d'où elles reviennent copieusement
à la superficie. La terre et l'eau constituent un même
globe, et opèrent conjointement ensemble à la procréation
des animaux, des végétaux et des minéraux;
elle possède un esprit nourrissant les corps matériels;
comme il est de la nature du sel, il se dissout aisément
par l'eau qui pénètre les pores de la terre, pour
prendre la nature des végétaux. La terre consolide
les corps, tempérant l'humidité de l'eau, à
ce qu'ils prennent la forme à quoi ils sont destinés;
l'eau et le feu contestent incessamment dans cet élément
moyennant l'air: si l'eau prédomine, il en naît des
choses corruptibles;
si le feu, il en vient des choses durables. La terre enserre les
choses pesantes en soi, et jette les légères ; c'est
la mère et la matrice de toutes les semences et de toutes
les compositions. C'est, aussi bien que l'eau, la matrice de la
Médecine universelle; car l'esprit de l'Univers, se trouve
fixe en elle, mais ce n'est pas universellement et partout. Pour
cet effet, il faut changer la terre en eau, l'eau en air, et l'air
en feu. On tire de la terre qui nous vient d'en haut le mouvement
perpétuel, si elle se dissout dans son eau, moyennant le
feu Philosophique, après qu'elle a repris la forme du chaos
qu'avaient les éléments avant la séparation
des choses élémentées.
DES CHOSES
ÉLÉMENTÉES ET PREMIEREMENT DE L'ESPRIT
Ayant ainsi ébauché
le chaos et les éléments, faisons-en de même
des choses élémentées. Ce sont des substances
qui proviennent des éléments, en ont de l'affinité
avec eux; elles sont ou spirituelles, ou corporelles. Les premières
sont créées de l'essence des éléments
les plus subtils; tant plus elles sont subtiles, tant plus elles
ont de force et de pouvoir, l'excellence de l'opération
dépendant absolument de la subtilité de l'essence.
Les éléments les plus purs ont les esprits les plus
subtils, qui servent d'instrument à la parole éternelle
de Dieu. Les Esprits sont supérieurs ou inférieurs:
les premiers habitent le Ciel, et sont de la première ou
de la seconde classe. Ceux de la première sont très
purs et habitent le Ciel empirée; et comme ils sont au-dessus
du firmament et du mouvement mesuré des Astres, ils ne
sont point sujets au temps; ils entendent et comprennent les choses,
non successivement, mais tout à la fois; ils sont distingués
par Ordres et par Puissances (Cor. 1, 16), y ayant des Archanges
(1 Thess., 4,16), les Anges étant distingués des
Puissances (Rom., 8, 38). Les Esprits de la seconde classe sont
ceux qui habitent dans le Firmament es astres visibles: comme
ils président es opérations du feu astral, on les
a appelés des Salamandres; ils servent d'instruments aux
opérations que les Anges bienheureux exercent dans les
créatures basses, la lumière d'en haut parfaite
ne se communiquant à la basse imparfaite que par ce moyen
ou milieu. Ces esprits sont innombrables, et ont leurs fonctions
distinctes et déterminées comme les créatures
qui habitent le globe de la terre. Autant qu'il y a d'Etoiles
différentes au Firmament, autant y a-t-il d'ordres divers
d'Esprits: il y en a de Solaires, de Lunaires, de Saturniens,
Mercuriaux, qui dominent le globe de la terre par leur influences:
ce sont eux qui exploitent même les fonctions morales dans
l'homme, le portant aux actions de probité civile, dont
nous avons vu les Païens ornés; mais comme cela ne
vient que du Ciel subalterne, il faut des rayons de la lumière
de l'Esprit suprême pour crucifier notre propre chair, et
la sacrifier même pour la gloire divine, renonçant
à toutes nos félicités corruptibles pour
l'incorruptible, jusqu'à aimer nos ennemis, et haïr
notre propre nature corrompue. Les affections qui vont au-delà
de l'ordre de la nature, viennent immédiatement de la lumière
non créée de l'Esprit de Dieu.
Les esprits qui président
dedans l'air, consomment en eux et convertissent en leur propre
nature ce chaos qui est composé de toutes choses, dont
aucune des choses créées
ne se peut passer: ils conduisent les Météores et
produisent souvent par la volonté de souverain Créateur,
les effets prodigieux du vent et du tonnerre; ils ne sont pas
tous mauvais, ni sujets au Prince de ce monde qui règne
ibns l' ;iir. Ils ne sont point universels, mais distribués
en de certaines dispositions pour différentes fonctions.
Le rémanent des Esprits terrestres et aquatiques ont pareillement
les leurs, suivant les ordres de l'Eternel; ils sont de part et
d'autre moins puissants que les aérés. Ce que les
Esprits opèrent de bon dans le cours de la nature, provient
de ceux qui sont bons, et que Dieu a créés élémentaires
à cet effet; ce qu'il y a de mauvais et de sinistre vient
des Esprits malins jetés hors du Ciel empirée à
cause de leur rébellion, pour laquelle ils sont condamnés
de vivre, aussi bien que l'homme pécheur, au lieu des éléments
purs et incorruptibles, dans les impurs et périssables.
Les Esprits malins qui sont les diables jouent artificieusement
des éléments spirituels et corporels dans les choses
élémentées pour les ruiner, et surtout l'homme,
dans lequel ils haïssent l'image de l'Eternel, qu'ils tâchent
par une envie malicieuse de corrompre, anéantir et plonger
dans les ténèbres ; mais comme les ténèbres
ne servent qu'à rendre l'excellence de la lumière
plus apparente et plus belle, aussi leur malice noire ne fait
que servir à exalter d'autant plus la bonté et la
lumière du Tout-Puissant, qui les fait coopérer
même dans leur damnation, maigre eux, à glorifier
la Justice et la Gloire de son pouvoir infini, par leur vaine
et infructueuse résistance.
DES TROIS
PRINCIPES DE LA NATURE
Ayant traité de tout ce
que dessus, il faut descendre pour contempler les corps palpables
et sujets à nos sens. Après les Eléments
spirituels, considérons les corps tirés des Eléments
extérieurement d'une nature corporelle, intérieurement
d'une nature spirituelle; car les corps ne sont que les prisons
qui enferment les esprits intérieurs et actifs pour les
limiter ; ils sont limités de vie et de mort; tant plus
ils ont d'organes tant plus ils sont corruptibles, la seule unité
étant immortelle, car la composition présuppose
la séparation. La première chose qui se doit contempler
en ceci sont les principes hypostatiques; ce sont des substances
actives tirées des éléments convenants de
tempérament, afin de composer les choses élémentées.
Nous appelons ces trois principes le Sel, le Soufre et le Mercure.
Là où ils sont bien proportionnés, ils forment
une substance durable; là où ils ne le sont pas,
la chose est impure et périssable. La pureté consiste
dans l'harmonie et proportion des trois, l'impureté dans
l'inégalité.
DU SEL
Le Sel est la substance des choses
et un principe fixe comparable à l'élément
de la terre. Il nourrit le Soufre et le Mercure qui agissent sur
lui jusqu'à ce qu'ils l'aient rendu volatil quant à
eux, l'élevant à leur perfection. Le Sel les retient
en récompense et les coagule, leur communiquant sa nature
fixe ; et comme il est fixe et sec, il assemble ce qui est liquide
; étant dissolu dans une liqueur convenable, il aide à
dissoudre les corps solides, comme sa nature fixe d'autre part
les consolide. Sa vigueur naissante lui donne des forces alors
qu'il est dissolu par le moyen du Mercure et du Soufre. Il n'est
actif qu'en tant qu'il est rendu tel par le ministère des
deux autres principes ; alors sa puissance se réduit en
acte. Car à force que l'harmonie est grande entre les trois
principes, l'un ne saurait être ni agir sans l'autre. C'est
le Sel et le Soufre qui préservent les corps de putréfaction,
déchassant les humidités superflues capables de
causer cette pourriture. Nul corps solide n'est destitué
de sel, qui se dit le principe fixe, sec et ferme ; il est impossible
que sans ce principe on puisse former un corps. Quand on brûle
du bois, l'humidité grossièrement mercuriale et
superflue s'évapore, la matière grossièrement
sulfurée et bitumineuse se consomme par le feu et évapore
pareillement, tendant à la perfection par son élévation
; mais le Sel demeure dans les cendres avec l'humide radical fixe,
qui ne se peut consommer ni détruire.
DU SOUFRE
Le Soufre est un principe gras
et huileux qui lie les deux autres principes entièrement
différents pour l'excès de leur sécheresse
et humidité, de sorte qu'il leur sert de milieu et de ligament
pour les joindre et faire tenir ensemble: car il participe de
l'une et de l'autre substance, ayant partie de la solidité
du Sel et partie de la volatilité du Mercure; il est susceptible
du feu opérant par la dessiccation, et consomme le superflu;
c'est en vertu de cette opération qu'il coagule le Mercure,
mais il ne l'achève pas seul, car le Sel qui lui est incorporé
intimement l'assiste puissamment.
Le Soufre produit les odeurs, mais
si la substance entière du Sel fixe, tirée de l'intérieur
du Soufre, se trouve également diffuse par toutes les parties
du corps, il aura coagulé son Mercure en telle sorte que
ce corps là ne donnera nulle odeur, comme nous voyons dans
l'or et dans l'argent.
DU MERCURE
Le Mercure est une liqueur spirituelle,
aérée, rare, engrossée d'un peu de soufre,
et l'instrument le plus proche de la chaleur naturelle; il donne
vie et vigueur aux créatures sublunaires, et fortifie celles
qui sont débiles; il tient de la nature de l'air, et se
montre tel par son évaporation, alors qu'il sent la moindre
chaleur, quoiqu'il soit accomparable à l'eau par sa fluxibilité,
et ne se contient pas dans ses propres termes, mais dans des termes
étrangers, c'est-à-dire dans l'humidité;
il domine dans les corps imparfaits et corruptibles, car il possède
trop peu du sel et du soufre; mais là où il est
réduit en une même nature bien proportionnée
avec les deux autres principes, il compose un corps incorruptible,
comme nous voyons dedans l'or, dont, à cause de cette admirable
proportion, on peut tirer une médecine, très excellente
et salutaire.
DE LA GENERATION
Après la contemplation des
trois principes de la nature, il faut dire deux mots de la semence.
C'est un extrait tiré, exalté et séparé
d'un corps par le moyen d'une liqueur convenable, mûri dans
les vases propres pour la propagation de son espèce. Le
baume naturel qui est une essence spirituelle des trois principes,
un esprit céleste, cristallin et invisible, habitant d'un
corps visible, anime la semence. Cette semence, en tant que semence,
n'est pas un corps sensible, mais plutôt son réceptacle;
il se produit moyennant la chaleur, et cela non pas par l'art
mais par la nature: il ne saurait durer s'il est procréé
d'éléments corruptibles: c'est ce que devraient
noter ceux qui cherchent une Médecine incorruptible dans
des corps corruptibles et imparfaits des animaux, végétaux
et minéraux. Aucune semence ne peut croître ni multiplier
si on la prive de sa vertu active par une chaleur étrangère;
le poulet rôti n'engendre plus. Chaque semence ne se mêle
jamais hors de son règne; les métaux ne souffrent
aucun mélange des végétaux, ni les végétaux
des animaux dans leur procréation. Toutes sortes de semences
sont spirituellement instruites du Créateur pour achever
mécaniquement le cours de leur procréation du temps
déterminé, moyennant leur teinture et leur pouvoir
qui se manifeste quand les empêchements sont levés
; car il les faut ôter si une génération légitime
se doit faire, et il n'y a point de matière qui n'ait ses
vertus particulières et désignées pour coopérer
(si elle est pure) à la semence et marcher de concert avec
elle à la fin destinée par le souverain Créateur;
étant impossible que cette vertu intérieure et extérieure
demeure infructueuse, si elle est bien disposée. La semence
s habille d'un corps élémentaire propre à
soi, attirant par sa vertu magnétique la nourriture dont
elle a besoin. Tout ce que dessus agit sur les éléments
passifs, qui sont la terre, massive et grossière, et l'eau
de mêmes qualités, dont la concentration avec les
principes actifs en une même matière inséparable
est le chef-d'œuvre des Philosophes, ou plutôt de la
grâce et de la toute-puissance de l'Eternel notre Dieu.
Des trois principes de la nature ainsi ébauchés,
il y a les trois accidents de la nature es choses élémentées
à considérer, qui sont la génération,
la conservation et la destruction. La génération
de chaque corps en particulier se fait de sa propre semence, et
cela dans sa propre matrice; car si la semence n'est pas correcte,
ou la matrice pure et naturelle, il ne se peut faire aucune génération.
La semence animale requiert une matrice animale; la semence végétale
demande une matrice végétale, et la semence minérale
veut une matrice minérale, ce qui se doit bien observer
pour éviter les erreurs vulgaires; et c'est là proprement
une bonne matrice et sortable, qui répond absolument à
la semence de son règne. Et comment se pourrait-il qu'une
semence naturelle et légitime purifiée dûment
de ses accidents étrangers et nuisibles, posée ou
par la nature sans artifice ou par l'artifice selon la nature
dans sa véritable matrice, faillît à produire
son semblable? Ne voyons-nous pas journellement les jardiniers
et les laboureurs opérer en entant en greffe, et semant
en bonne terre, produire ce que ceux qui se disent à grand
tort grands Philosophes, ignorent de faire dans le règne
minéral. Mais il est aussi impossible sans la nature, d'augmenter
et de faire croître par tous les artifices imaginables un
bœuf, que de la laitue ou de l'or. Au contraire il est absolument
nécessaire, si quelque génération se doit
faire par artifice, que cet artifice se conforme totalement à
la nature, qui contient l'ordre que le Créateur éternel
a prescrit dès le commencement aux créatures; aucune
desquelles ni même les Anges bienheureux n'ont le pouvoir
de rien changer en cet ordre.
Que ceux donc qui ignorent cet
ordre l'apprennent, avant que de hasarder de rien tenter contre
cet ordre et s'ils ne peuvent le comprendre ou apprendre, ils
feront bien de laisser opérer la génération
à la nature sans eux, puisque aussi bien se fera-t-elle
sans eux, quand ils n'en seraient point d'avis. Je plains ces
misérables qui veulent copier un original qui leur est
inconnu, et travailler en une opération dont ils ne sauraient
parler seulement. Je conclus donc que ceux qui veulent opérer
en imitant la nature doivent en connaître premièrement
les semences et puis aussi les matrices, et alors s'ils choisissent
la véritable semence, telle que la nature l'a formée,
dans son habitacle, et pareillement la matrice ainsi que la nature
l'a formée, et qu'ils mettent cette semence bien purgée
et bien conditionnée dans cette matrice, remettant la décoction
à la nature du feu inhérent en eux ; alors, dis-je,
ils pourront en attendre un succès favorable. En cet article
il ne suffit pas de connaître la semence particulière
de chaque corps des trois règnes de la nature qui l'a ordinairement
inhérente en soi-même, il faut encore connaître
la semence de l'Esprit universel qu'il infuse admirablement aux
animaux, aux végétaux et aux minéraux sans
que rien ne subsiste ni ne s'engendre: car cet Esprit, ce cinquième
élément, cet instrument de l'Eternel, est absolument
requis dans la procréation des choses. Ainsi comme il contient
la teinture universelle des semences, il a pareillement le pouvoir
d'opérer sur l'universel, et doit raisonnablement servir
de base à la Médicine universelle, laquelle jamais
personne n'a tirée, ni ne tirera d'un corps particulier
des animaux, des végétaux, ni des minéraux.
Rien ne peut naître d'aucune
semence, qui ne se pourrisse moyennant une chaleur naturelle et
douée quand son sel étant résolu dans une
liqueur convenable pénètre par ce chemin la substance
de la semence à ce que l'esprit inclus se forme de sa matière
un habitacle propre à la multiplication de son espèce.
Les animaux se multiplient par les animaux, les végétaux
par les végétaux et les minéraux par les
minéraux; il faut que cela se fasse par ordre dans chaque
espèce, comme on voit que l'Eternel l'a ordonné
(Genèse, 24); il ne se fait point de putréfaction
sans solution et point de solution sans liqueur ; mais cette liqueur
doit être proportionnée à chaque espèce,
premièrement suivant son essence ou sa qualité,
après selon sa quantité.
Le second article nécessaire à cette génération
est le feu qui doit être lent et doux, à ce que la
liqueur qui contient le sel naturel de la matière ne s'en
sépare en évaporant, ce qui causerait, au lieu de
la vie la mort. La matrice contenant la semence doit être
bien fermée pour concentrer la vertu de l'esprit agissant,
et la matière ne doit point être sortie de sa matrice
où elle travaille à sa putréfaction; car
si vous sortez le grain de blé dissolu pendant sa putréfaction
en terre, il périra. La vertu des semences varie suivant
celle des matrices. Les semences doivent être égales,
tant le mâle que la femelle, sans mélange, de peur
que la confusion des espèces n'engendre des monstres. La
génération est suivie de la régénération;
elle est ou naturelle ou artificielle. La naturelle se fait par
la seule nature quand les semences mûries tombent en terre
et renaissent en se multipliant ; l'artificielle est quand l'ouvrier
opère moyennant la nature et en l'imitant et préparant
les matrices, comme fait le laboureur en bêchant, fumant,
arrosant et préparant la terre. Ainsi le Philosophe doit
traiter sa terre philosophique, dont les pores sont resserrés
et compacts, il les doit humecter, pénétrer, amollir,
rendre subtils, nourrir et faire mûrir moyennant cette nourriture,
la rendant plus que simplement parfaite et capable, moyennant
cette régénération, de se multiplier à
une seconde vie. C'est là le Phénix qui renaît
de ses cendres; c'est là la Salamandre qui subsiste dans
le feu; c'est là le Caméléon universel qui
a le pouvoir de se revêtir de toutes les couleurs et propriétés
qu'on lui oppose.
Considérez le rapport admirable
qu'ont les choses éternelles et les temporelles, les spirituelles
et corporelles, les immatérielles, et voyez suivant les
lumières que Dieu nous a données si vous ne trouverez
pas l'image, bien qu'imparfaitement, des choses supérieures
dans les inférieures. L'homme corrompu par le péché
et sujet à perdition devait, moyennant ta régénération,
remonter à la gloire de la vie éternelle et rapprocher
de la vie et clarté divine dont il était séquestré;
c'est pourquoi, pour y atteindre, il a fallu que la parole immatérielle
de Dieu descendit (à parler ainsi) du ciel et fût
faite chair afin qu'elle satisfît en cette chair parfaite,
et sacrée pour les hommes imparfaits et damnés,
lesquels, pourvu qu'ils s'incorporent, spirituellement par la
foi, la perfection et le mérite de cette parole incarnée
participent de son Eternité et de sa Gloire, là
où ceux qui n'y participent pas demeurent en perdition.
Voyez, dis-je, comment cette merveille ineffable et incompréhensible
de la sage Providence de Dieu nous est ébauchée
et dépeinte dans la créature subalterne.
Pour donner (par exemple) aux corps
imparfaits et corruptibles la perfection et la constance qui leur
manque, ne faut-il pas que l'Esprit universel et céleste
prenne leur forme et les fasse renaître pour subsister,
moyennant la régénération dans la seconde
vie, comme nous voyons journellement es règnes des animaux
et des végétaux? Et la cabale de la Philosophie
secrète ne fait-elle pas voir à ceux qui en sont
que cet Esprit universel, incorporé, par une manipulation
aussi admirable que cachée, à la terre Philosophique,
la mène par les degrés que lui dicte le cours prescrit
de la nature à cette perfection qui, étant ensuite
appréhendée par les corps défectueux et périssables
les fait renaître en une nouvelle vie, où ils sont
hors de la juridiction des éléments transitoires?
Cette réflexion a dépeint l'incarnation du Fils
Eternel de Dieu avant qu'il fût manifesté en chair
aux Philosophes païens et a obligé les Mages d'Orient
dans le temps de son apparition à distinguer et reconnaître
son étoile, et à le venir adorer à Bethléem.
Cette mûre réflexion nous doit aussi porter à
reconnaître l'harmonie mystérieuse de la parole non
créée avec la créature subalterne de la parole
révélée immédiatement et de la volonté
divine en acte médiatement, et en un mot des œuvres
spirituelles et matérielles de l'Eternel notre Dieu dont
nous devons incessamment louer la Majesté très haute
qui s'est manifestée à nous, pauvres créatures
indignes, d'une façon souverainement excellente, pour nous
préparer à le magnifier un jour dans son règne
spirituel. comme nous le magnifions maintenant imparfaitement
dans son règne matériel.
DE LA CONSERVATION
S'ensuit la conservation des créatures
élémentées qui se fait par les mêmes
choses que la génération. Mais comme cette conservation
se fait moyennant l'absorption des matières extérieures,
il y a toujours quelque matière qu'elle s'approprie et
incorpore comme convenable à sa nature, et quelque matière
qu'elle rejette comme mal propre à sa nature. La nourriture
qui opère cette conservation est spirituelle ou corporelle
; la dernière est visible et palpable, la première
invisible et impalpable, mais de deux différentes soi tes,
dont l'une inhérente à la matière nourrissante
est moins épurée, la seconde bien plus pure puisque
ce n'est que l'Esprit universel présent à toutes
choses, qui est comme le gouverneur de cet esprit particulier
et le lien qui attache le matériel visible avec le matériel
invisible, c'est-à-dire le corps avec l'Esprit ensemble.
Tant plus que les éléments
et les aliments qui nourrissent quelque corps sont purs et séquestrés
d'impuretés, tant plus que la nourriture en est-elle parfaite.
Ce qui est le plus capable de perfectionner cette nourriture est
la simplicité de sa composition quand elle n'est pas faite
de beaucoup de différentes espèces. Quand cette
nourriture est excellente, elle peut causer une rénovation
entière dans le corps qui se l'approprie. Le serpent se
renouvelle ou rajeunit en changeant de peau, l'homme en fait autant
quand par l'assomption d'une Médecine excellente et universelle,
son poil blanc se change en noir et sa peau ridée en un
teint frais. Les plantes de même reverdissent par l'application
de la Médecine universelle et l'or rajeunit alors qu'il
se change en liqueur dans le Mercure par le bénéfice
du feu. Je pourrais dire beaucoup de choses de cette conservation
si je ne craignais de faire un livre au lieu d'une lettre.
DE LA DESTRUCTION
Reste la destruction des choses
élémentées, qui se fait d'ordinaire par son
contraire, quand l'une des qualités surmonte l'autre. Elle
se fait ou par la dissolution, ou par la coagulation: cette dissolution
étant grossière, la destruction se fait par blessures,
chute, fraction, dissection ; la dissolution délicate se
fait par corrosion et par inflammation. Il y a pourtant une dissolution
douée qui se fait par le chemin de l ;i nature, et transplante
le corps à une nature plus constante et parfaite. La coagulation
cause en échange une destruction. quand le liquide se coagule
en sorte que cela tire la destruction en conséquence, alors
que les esprits et les vapeurs se dessèchent ou s'enferment
par des obstructions.
DES ASTRES
Cette considération finie,
on jette, avec justice, les yeux vers les opérations supérieures
des Etoiles destinées à infuser leurs propriétés
distinctes es trois règnes, pour la propagation de leurs
semences distinctes. La lumière inhérente en ces
corps ne peut reposer, mais elle travaille continuellement à
élever la lumière inhérente dans les corps
particuliers, comme celui-ci travaille à attirer la supérieure.
Cette influence est un esprit doué du pouvoir de se communiquer
par le moyen des rayons aux corps sublunaires. Quand ces influences
sont simples, c'est-à-dire, d'une seule Etoile, elles n'opèrent
que simplement. Mais l'influence jointe des rayons de différentes
Etoiles qui unissent leurs rayons, opère diversement es
corps inférieurs, ou pour en hâter, ou pour en empêcher
les actions. Les Etoiles fixes sont celles dont le mouvement est
moins perceptible, à raison de sa tardivité, qui
représente des intervalles et les figures toujours de même.
Pour abréger, je vous renvoie a ceux qui font profession
d'en traiter plus amplement, ne voulant dire que deux mot des
Pianotes, qui sont des Etoiles dont le mouvement est visible,
et l'effet remarquable, tant a nuire qu'à profiter : leur
aspect étant très puissant, soit qu'il soit droit
ou collatéral, qu'il opère par conjonction ou par
opposition. Les principales sont le Soleil et la Lune. dont le
premier se peut dire une source abondante de lumière et
de chaleur. L'âme du monde ou l'Esprit universel possède
puissamment cet astre, qui se décoche par ses rayons pour
donner voie et mouvement à l'Univers. Les vertus de toutes
les choses sont inhérentes au Soleil, et son mouvement
règle celui des saisons et des corps qui sont sous la classe
des saisons. Et comme Dieu a voulu que les choses supérieures
eussent leur image dans les inférieures, il se trouve qu'on
en voit une du Soleil dans l'or, qui possède les vertus
dilatées-du Soleil, resserrées dans son corps, lesquelles
si on les réduit de puissance en acte, ont de quoi rendre
largement aux corps imparfaits ou malades, la vertu solaire et
vivifiante que leur manque. Le Soleil attire par sa vertu magnétique
les esprits les plus purs, et les perfectionne pour les renvoyer
par ses rayons, afin de restaurer et faire augmenter les corps
des créatures particulières. La Lune tire sa lumière
et ses influences du Soleil les renvoyant la nuit en terre, et
marque par son mouvement raccourci les mois. Cette Eve tirée
de la côte d'Adam (ou Soleil) fait dans l'opération
susdite l'office de la femelle, et préside dans la matière
humide, féminine et passive, comme le Soleil fait dans
la matière sèche et active.
Les planètes moindres sont premièrement les Heterodromes,
qui font leur cours par un mouvement divers et inégal:
ce sont Jupiter, Saturne et Mars. Le premier achève son
cours en douze ans. le second en trente, et le troisième
en deux années.
Les Homodromes qui font leur chemin d'une vitesse presque égale,
sont Vénus et Mercure. Le premier achève son cercle
dans une année, et le second de même. Parlant des
métaux, peut-être, toucherai-je un mot de leur affinité
et harmonie avec les Planètes. Cependant laissant ù
part les Météores, je me contente de vous dire généralement
qu'ils s'engendrent dans l'air comme les minéraux en terre,
des vapeurs, et se réduisent par la vertu des Etoiles et
de certaines formes: ils sont de quatre sortes, suivant les Eléments:
les Comètes et Etoiles tombantes, qui sont des foudres,
tenant du feu ; le vent de l'air ; la pluie et la grêle,
de l'eau ; les pierres, des foudres et de la terre.
DES TROIS
REGNES DE LA NATURE DU REGNE MINERAL
Cette contemplation (où
je laisse le champ libre à vos méditations) finie,
restent à considérer les choses élémentées
inférieures qui composent les trois règnes de la
Nature, savoir: l'animal, le végétal et le minéral.
Commençons par le dernier, et observons que chaque métal
cache spirituellement tous les autres en soi, d'autant qu'ils
proviennent tous d'une même racine, savoir du soufre, du
sel et du Mercure. Le Mercure est une liqueur crasse, laquelle
bien préparée, le feu ne peut consommer ; elle est
engendrée dans les entrailles de la terre, et est spirituelle,
blanche en apparence, humide et froide, mais en effet et en pouvoir
chaude, rouge et sèche. Le Mercure reçoit volontiers
en soi les choses qui sont de sa nature et se les incorpore. Cette
eau métallique engloutit avidement les métaux parfaits
afin de se servir de leur perfection pour sa propre exaltation
; la nature lui ayant imprimé cet instinct, comme à
toutes créatures, de tendre par la voie légitime
à l'amendement et à la multiplication de son espèce.
Le soufre qui engrosse le Mercure, est le feu qui lui est inhérent
et naturel, et qui, moyennant le mouvement extérieur de
la nature, l'achève de digérer et mûrir. Il
ne fait pas un corps séparé, mais une faculté
séparée du Mercure, et lui est. inhérent
et incorporé. Le sel est une consistance sèche et
spirituelle et pareillement inhérent au Mercure et au soufre,
donnant à ce dernier le pouvoir de digérer le premier
métal.
Or comme dans le cours de la nature
ordinaire et avant la coagulation du métal, le sel est
très infirme, Dieu a inspiré aux Philosophes la
voie d'ajouter au Mercure un sel pur, fixe et parfait, pour opérer
en peu de temps ce que la nature ne fait qu'avec un travail de
plusieurs années. La génération des métaux
se fait comme il s'en suit: l'Esprit universel se mêle à
l'eau et à la terre, et en tire un esprit gras qu'il distille
dans le centre de la terre, pour le rehausser de là. et
le placer dedans sa matrice convenable, où il se digère
en Mercure, accompagné de son sel ou de son soufre, dont
ensuite se forme le métal, ce qui se fait quand la teinture
cachée dans le Mercure se montre et vient à naître,
car alors le Mercure se trouve congelé et changé
en métal. Souvent le Mercure se charge dans cette matrice
d'un soufre impur qui l'empêche de se perfectionner en pur
or ou argent, à quoi l'influence des Planètes moindres
et la constitution de la matrice contribuent, et le font devenir
plomb, ou fer, ou cuivre qui ne souffrent point l'examen du feu.
Cette décoction requiert une chaleur extérieure
continuelle et tempérée, laquelle secondée
de l'esprit métallique intérieur, atteint finalement
sa maturité. La conservation des métaux se fait
moyennant le soufre métallique intérieur, et alors
qu'ils subsistent dans un lieu qui leur est propre. La destruction
des métaux se fait par le moyen des choses qui n'ont aucune
harmonie avec eux, comme sont les eaux et matières corrosives,
ce que les curieux ont bien à noter.
L'or est un métal parfait,
et dont les éléments sont si généralement
balancés, que l'un ne prédomine point l'autre ;
c'est pourquoi les anciens Philosophes ont cherché dans
ce corps parfait une Médicine parfaite, et qui ne se trouve
en aucun autre corps sujet à être détruit
par quelque inégalité, car une chose sujette d'elle-même
à destruction, ne saurait donner à d'autres une
santé ou un amendement de conséquence. La question
est de rendre l'or vivant, spirituel, et applicable à la
nature humaine, ce qu'il n'est pas en sa nature simple et compacte:
pour parvenir à cette perfection, il doit être réduit
dans sa femelle à sa première nature, et refaire
par sa rétrogradation le chemin de la régénération,
dont j'ai parlé ci-dessus. L'or mort en soi-même
n'est bon à rien et est stérile ; mais rendu vivant,
il a de quoi germer et se multiplier. L'esprit métallique
vivifiant est caché tant qu'il réside dans un corps
compact et terrestre ; mais réduit de son pouvoir en acte,
il est capable d'opérer non seulement en la propagation
de son espèce, mais encore à cause de ses éléments'
également proportionnés, il rétablira la
santé et la vigueur dans le corps des animaux. Comme le
Soleil céleste communique sa clarté aux planètes,
ainsi l'on peut communiquer sa perfection et sa vertu aux métaux
imparfaits. C'est pourquoi les anciens Cabalistes ont désigné
les planètes et les métaux par les mêmes caractères,
et ce n'est pas sans grande raison que l'or et le soleil ont été
figurés par un cercle entier et son centre, à cause
que l'un et l'autre contient en soi les vertus de tout l'Univers:
le centre signifie la terre, le cercle le ciel. Celui qui sait
réduire les vertus centrales de l'or à sa circonférence,
acquiert les vertus de tout l'Univers dans une seule Médicine.
L'or paraît et est volatil ; cette nature spirituelle et
volatile proprement contient sa vertu médicinale et pénétrante
car sans solution il ne fait rien.
L'or a une affinité très
grande avec le Mercure, et il n'y a qu'à les joindre après
les avoir rendus purs et sans macules, pour les unir ensemble,
étant l'un et l'autre incorruptibles et parfaits: l'un
de ces corps est l'inférieur, et l'autre le supérieur,
dont parle Hermès: mais notez que l'or en sa nature compacte,
massive et corporelle, est inutile à aucune Médicine
ou transplantation. C'est pourquoi il le faut prendre en sa nature
volatile et spirituelle. La rotondité se désignant
par la perfection de l'or qui jette ses rayons diamétralement
mesurés du centre à la circonférence, et
les quatre qualités également balancées dans
l'or représentant les quatre lignes égales posées
en rectangle, qui forme le carré équilatéral,
la Cabale secrète trouve dans la matière de ce métal,
la forme probable et perceptible de la quadrature du cercle. Mais
comme peu de gens sont capables de comprendre des mystères
cachés, il n'est pas à propos de les étaler
à la vue des indignes.
L'argent, bien que plus parfait
que les autres métaux, l'est moins que l'or, il se rapporte
à la lune céleste et en possède la vertu
comme le caractère. Il est très utile en son espèce
aux Philosophes experts. Comme l'or à la signature clans
le Macrocosme, du Soleil, et dans le Microcosme, du cœur,
ainsi l'argent à la signature dans le Macrocosme, de la
Lune, et dans le Microcosme, du cerveau, dont il est une médicine
singulière, s'il est rendu spirituel et impalpable.
Les Métaux moindres sont
deux mois, à savoir le plomb et l'étain, et deux
durs à savoir le fer et le cuivre ; ils sont composés
d'un soufre impur et d'un mercure non mur. Chacun étant
doué d'un esprit limité à certain degré,
ne domine dans les cures Philosophiques que sur les maladies où
préside un esprit subalterne à celui qui est inhérent
à l'un de ces métaux.
Les pierres précieuses sont
différentes à raison de leur digestion, et sont
diaphanes à cause qu'elles sont congelées de l'eau
pure avec l'esprit de l'Univers, douées de certaines teintures,
non tout à fait dissemblables de celles des métaux,
qui leur donne et la couleur et la vertu. Les pierres communes
et non transparentes sont congelées de terre crasse et
impure mêlée d'une humidité tenace et gluante,
laquelle desséchée compose la pierre dure molle,
ou sablonneuse, plus ou moins selon la quantité ou qualité
de cette humidité.
Les Minéraux sont les matières qui ne sont ni pierre
ni métal. Le vitriol, le mercure commun et l'antimoine
participent le plus de la matière métallique. Le
dernier est la matrice et la veine de l'or et le séminaire
de sa teinture: l'un et l'autre contient une Médicine excellente.
Le sel commun, l'ammoniaque, le sel gemme, le salpêtre et
l'alun le suivent et s'engendrent des eaux salées. Le soufre
au contraire est congelé de la sécheresse pure terrestre.
Pour le bitume, il s'en trouve de plusieurs sortes ; c'est un
suc de la terre tenace et susceptible du feu: il y en a de dur
et de liquide ; le premier est l'asphalte, pissasphalte et l'ambre
jaune ; le second est oléagineux comme le naphte et l'ambre
arabique. Les minéraux de la troisième espèce
sont l'orpiment, le sandaraque, le gypse, la craie, l'argile,
la terre d'Arménie, et la terre figelée.
REGNE DES
VEGETAUX
Après la contemplation du
règne minéral ébauchée superficiellement,
il en faut autant faire, mais sommairement, du végétal,
de peur que cette lettre ne devienne insensiblement un livre entre
les mains d'un homme qui n'en fit, ni ne fera jamais. Les végétaux
sont des corps qui ont racine dans la terre et poussent leur tige,
feuilles, fruits et fleurs dans l'air. Leur semence intérieure
aidée d'une chaleur extérieure, et surtout animée
de l'Esprit universel, moyennant l'influence des Astres, se fait
voir dans la propagation de son espèce. Considérez
de votre chef dans les parties d'un végétal solides
et liquides, spirituelles ou corporelles, leur baume naturel,
qui les agite avec leur humidité, ou le Mercure qui les
humecte et soutient. Leur anatomie vous montrera dans leur solidité
leur chair, dans leurs ligaments comme les artères et les
veines qui servent aux démarches que fait en eux l'esprit
universel. Le rémanent de leurs membres sont la racine,
la tige, l'écorce, la moelle, le bois, les branches, les
feuilles, les fleurs et les fruits, la mousse, le suc, la gomme
ou racine: où votre méditation vous dictera sur
le pied de ce que j'ai dit ci-dessus, tant au sujet de l'universel
des créatures qu'à raison des créatures en
particulier ce qu'il y a ù observer concernant leur génération,
conservation et destruction. Elles sont sujettes aux saisons qui
arrêtent ou hâtent, suivant leurs propriétés,
leurs qualités inhérentes à chaque plante
séparément, pour lui faire faire son cours destiné
dès la fondation du monde. On n'aurait jamais fait parler
de leurs espèces et vertus différentes, comme aussi
de leur signature et constellation, ou bien de les distribuer
et arranger sous les Astres qui dominent chaque plante en particulier,
et démontrer aux sens que les signatures se rapportent
à diverses maladies avec l'harmonie des esprits subalternes
qui gouvernent et les perfections des plantes et les imperfections
des maladies: mais ce chemin, bien que merveilleusement beau et
agréable, est trop long, et ne le fait que tournoyer autour
du centre cabalistique, où on arrive par un sentier infiniment
plus court et aisé, si on considère exactement le
commencement et la fin de cette lettre. A mon avis, ayant la clef
de la science générale, on pénètre
aisément les propriétés des créatures
particulières, mais il est très difficile de grimper
du particulier au général, car naturellement on
descend bien plus qu'on ne monte, et la peine est toujours plus
grande de parler au Prince même qu'à ses domestiques.
DU REGNE
ANIMAL
L'animal est un corps mobile et
se nourrit des végétaux et des minéraux:
car ces deux derniers participent les uns des autres. Comme ce
serait un ouvrage ample et grand d'en déchiffrer par le
menu les parties et les espèces, je n'y toucherai qu'en
passant. Les animaux sont composés du corps et de l'âme:
le premier est proprement l'habitacle du second. Les corps sont
tous pénétrables aux âmes animales, et ont
des parties plus ou moins condensées et relatives aux éléments
du Macrocosme. Les os qui sont ce qu'il y a de plus sec sont semblables
et approchants de la terre. Les cartilages sont des parties moins
dures que les os et ployables, comme aussi les ligaments, membranes,
nerfs, artères, veines ; dont je me rapporte aux anatomistes,
aussi bien que des autres parties où nous trouverons qu'elles
se rapportent aux éléments: les sèches à
la terre, les humides à l'eau et les spirituelles à
l'air ou au feu. Les esprits animaux sont des vapeurs subtiles:
il y en a de supérieurs et d'inférieurs ; ceux-ci
sont ou aquatiques ou terrestres, et président dans les
parties du corps qui leur conviennent le plus, à l'exemple
des esprits du Macrocosme, qui contribuent leurs fonctions aux
éléments dont ils tirent leur origine. L'esprit
du feu ou céleste, réside dans le cœur et anime
les autres par son activité ; il opère proprement
dans le Microcosme ce qu'il fait dans le Macrocosme, à
le réserve de ce qu'il est particulier dans l'un, comme
il est général dans l'autre, où il a de l'attachement
avec les esprits subalternes du grand monde, chaque animal se
pouvant qualifier tel, bien que plus imparfaitement que ne fait
l'homme, fait seul à l'image de Dieu. A peine m'empêcherai-je
de parler plus que je ne voulais faire de l'âme sensitive
et de sa diversité avec la raisonnable.
L'âme sensitive est une substance
spirituelle, elle réside en tant que telle dans le cerveau,
et domine les esprits animaux, étant instruite et rendue
capable par le Créateur, de sentiment, d'appétit
et de motion. A l'appeler de son nom, c'est une étincelle
de l'esprit universel, tirée par le Souverain de l'essence
du ciel sidéré et imprimée à la semence
animale pour la régir dans la classe où elle est
posée: les rayons de cette âme n'éclairent
pas au delà des limites de leurs esprits animaux, l'homme
animal même ne comprenant point les choses qui sont de l'esprit
de Dieu ; car comme cette âme animale n'est que de la classe
sidérée, elle ne saurait élever son vol au-dessus
de sa patrie. Au contraire, il faut que toutes les facultés
animales et terminées soient comme assoupies et régénérées,
quand l'âme raisonnable s'élève à Dieu
et se prosterne devant le Trône de sa Majesté pour
en tirer les lumières spirituelles. De sorte que les rayons
de cette âme sensitive ou animale souffrent, pour résider
dans les esprits animaux et élémentaires, un mélange
très grand des ténèbres attachés à
la matière crasse et impure, ce qui la rend moins subtile
et pénétrante, l'empêchant de connaître
les choses que par la seule superficie. La réflexion de
ces rayons enflamme l'imagination, et émeut l'appétit
qui tient lieu de volonté à cette âme, et
cause l'émotion des parties corporelles, qui en dépendent,
suivant les organes et leur perfection ou défaut, d'où
vient que les unes opèrent plus ou moins parfaitement que
les autres.
L'homme est la plus parfaite des
créatures, son corps est plus excellement et délicatement
organisé que celui des autres animaux, cela étant
requis à ses fonctions dominantes. La matière de
ce corps n'est guère différent de celle des autres
animaux, mais bien la forme, des parties de laquelle je me rapporte
à ceux qui en ont composé des volumes, de peur d'en
faire un de redites.
Son âme raisonnable est de la nature sidérée,
douée par le Créateur de la faculté d'entendre
ce qui se fait sous le ciel Empiré et ce que le Macrocosme
contient. Quand le Créateur forma l'homme (Genèse,
2, v. 7) de terre, il n'est pas dit qu'il fit son âme d'aucune
matière, mais qu'il la lui infusa, soufflant es narines
d'icelui respiration de vie, dont l'homme fût fait en âme
vivante et immortelle: si elle est pure, elle est, dis-je, capable
de connaître ce qui est du Macrocosme et d'en juger. Elle
peut exercer ses opérations intellectuelles concentrée
en elle même et sans l'aide des sens extérieurs ou
matériels, ce que l'âme animale ne saurait faire,
car les sens liés, toutes ses fonctions sont accrochées.
L'âme raisonnable est un miroir qui représente les
choses fort éloignées, ce que les sens matériels
ne sauraient faire : elle pénètre même par
un raisonnement solide les choses invisibles et impalpables. Tant
qu'elle empêtre ses facultés dans les choses matérielles,
elle a peine d'élever son œil aux choses sublimes
; mais si elle est assistée de la grâce divine pour
se dépêtrer, alors elle peut employer ses forces
entières, et exploiter fortement. Car de même que
les Astres supérieurs et inférieurs, je dis les
généraux et les particuliers, tirent leur lumière
et leur vie de la lumière concentrée du Soleil,
ainsi les âmes raisonnables ne peuvent rien d'elles-mêmes
si elles ne sont illuminées des rayons de la grâce
du Soleil de Justice, notre Seigneur Jésus-Christ, par
le moyen de son Saint-Esprit.
La Providence admirable du Père de lumière a voulu
que sur la fin du troisième jour et vers le commencement
du quatrième de la création, la lumière diffuse
auparavant prît forme dans le Soleil qui éclaire
le monde temporel, et que vers la fin des trois mille années
après la création, la Majesté divine prit
chair pour éclairer et régir le monde éternel.
Et comme nos âmes sont éternelles, elles sont (je
dis celles des Elus) dès cette vie, habitacles et temples
du Saint-Esprit qui les conduit et perfectionne, comme l'esprit
de l'Univers fait les esprits matériels. 0 que nous serions
heureux si le péché maudit n'obscurcissait pas la
clarté de nos âmes, qui depuis ce malheureux accident
ne connaissent qu'en partie et certes, à la bien prendre,
assez imparfaitement. Tout, je dis absolument tout ce qui nous
reste de la lumière excellente que l'âme voit en
sa création ne nous est départi que par mesure de
la pure miséricorde de Dieu et selon son bon plaisir, sans
quoi notre âme abrutie est comme confondue avec l'animale
et sous sa domination pour vivre et mourir avec elle ; car elle
la précipite dans la mort, comme de l'autre côté
l'âme régénérée par l'esprit
de Dieu vivifie et élève l'âme animale à
la vie éternelle. Ceux donc qui voudraient perfectionner
leur âme se doivent adresser en ferme foi a Dieu, et dépouiller
par une sérieuse repentance l'ordure du péché
pour obtenir le Sains-Esprit, qui est le gage assuré de
leur salut et les conduit de grâce en grâce, et de
lumière en lumière, jusqu'à ce qu'ayant déposé
suivant l'ordre présent la crasse périssable qui
voile l'âme, ils puissent revêtir dans la seconde
vie le même corps, mais purifié et rendu spirituel,
afin de se présenter devant le Trône de l'Eternel
et de le magnifier et glorifier en toute éternité.
Sa miséricorde paternelle nous y conduise pour l'amour
de son Fils aimé, Jésus-Christ, auquel avec le Père
et le Saint-Esprit, soit honneur et gloire à tout jamais.
La génération dans
le règne animal est assez visible, et comme vous en trouvez
des descriptions amples, je m'en dispense. La conservation des
animaux se fait par le moyen des éléments, des aliments
et des médicaments, dont la quantité et la qualité
leur cause plus ou moins de bien et de mal. Leur destruction se
fait quand l'un des principes prédomine l'autre: cette
inégalité cause leur intempérie. Là
où l'humidité abonde, viennent les maladies qui
en participent, comme cathares, hydropisies ;si le feu, des fièvres
ardentes ; ce qui doit porter, dans la recherche des cures, l'esprit
des curieux vers le remède capable de remettre et conserver
cette balance des principes qui cause la santé. Reste l'harmonie
des choses qui est une matière aussi ample que belle et
utile. Tout ce que je viens de vous dire ci-dessus ne parle que
de cela, et quand je n'en dirais autre chose, je croirais y avoir
amplement satisfait. Néanmoins pour contenter votre curiosité,
je vous dirais en forme d'épilogue, que le rapport doit
être grand d'une créature à l'autre, puisque
la matière n'en diffère pas, mais seulement la forme.
Les éléments mêmes tirés d'un seul
chaos ne diffèrent entre eux qu'à raison de leur
disposition. Toutes choses sont émanées de l'unité
et y retournent. Cette contemplation est comme la clef des secrets
les plus grands de la Nature, où nous voyons que tout est
ordonné dans le temps, dans la mesure et dans le poids.
Observant la génération, la conservation et la destruction
des trois règnes de la Nature, vous verrez qu'ils conviennent
entièrement entre eux en ce point ; ils naissent des trois
principes de la Nature, où l'actif tient lieu de mâle
et le passif de femelle, et par la chaleur intérieure de
la semence et par l'extérieure de la décoction ;
n'importe que l'origine en soit différente en forme, comme
les créatures aussi le sont entre elles. Us subsistent
et sont conservés par l'attraction du baume semblable à
celui qui leur est inhérent, qui leur sert d'aliment, par
la chaleur extérieure, et qui fortifie l'intérieure,
conservant les humeurs en équilibre. Us sont détruits
par l'attraction de l'intempérie résidente es aliments
et éléments que l'Eternel a maudits (Genèse,
3, 27), à cause du péché de l'homme, par
la diminution des organes et par l'intempérie héréditaire
au sang. Il faut à chaque corps des trois règnes,
la semence, la matrice, son mouvement, sa chaleur double et proportionnée,
de sorte qu'ils ne diffèrent entre eux que par la situation
que le Créateur leur a donnée avec leur forme et
l'intention de se multiplier chacun dans son espèce (Genèse,
I, 22).
Il ne suffit pas de connaître
l'harmonie des choses terrestres essentielles, mais il faut observer
leur concert avec les supérieures. Le Soleil élémentaire
a une ressemblance très grande avec le central ; ils se
renvoient l'un à l'autre leurs rayons et attractions par
une réverbération continuelle et réciproque,
pour faciliter par ce mouvement la propagation des Créatures.
La Lune et les Etoiles ont pareillement un commerce continuel
avec les puissances astrales, inhérentes es corps sublunaires,
où résident des esprits, se rapportant de vertu
et d'inclination les uns aux autres. Considérez ensuite
l'harmonie des esprits et des corps avec leurs opérations
parallèles, comme je les ai crayonnées légèrement
ci-dessus. Et surtout admirez le rapport du monde spirituel au
matériel, l'un porte l'image de l'autre, et ce qui paraîtra
un jour exalté dans le monde supérieur, se voit
ébauché en quelque façon dans l'inférieur.
Le Soleil élémentaire préside au gouvernement
du monde périssable, et le Soleil de Justice préside
à la direction du monde éternel ; le temps étant
un mouvement, son directeur créé est mobile, et
l'Eternité consistant en un repos constant, est régie
par l'immuable qui a été, qui est, et qui sera le
même de siècle en siècle. Quand il apparaîtra
immédiatement dans la personne glorifiée de son
Verbe éternel en chair, comme il apparaît médiatement
dans les instruments matériels, disposés pour la
direction de l'œuvre admirable de la Création, sa
lumière immense ternira celle qu'il a distingué
du chaos pour régler le mouvement du temps, lequel finira
dans le même instant que le feu de cette nouvelle clarté
incompréhensible bannira le périssable et l'obscur,
exaltant nos corps à cette diaphanéité lumineuse
dont sa bonté paternelle a fait voir un échantillon
admirable (Math., 17, v. 2 et Marc.. 9, v. 3) comme aussi (2 Rois,
2, v. 11) où la présence de l'Eternel à l'enlèvement
d'Elie a opéré sur lui presque de la même
façon. Alors toutes les choses émanées de
l'unité incompréhensible de l'Eternel ayant parfait
leur cours dans l'harmonie du Macrocosme inférieur, retourneront
à cette union purifiée des ténèbres,
lesquelles tiendront lieu de terre damnée dans cette nouvelle
création, et serviront d'habitacle aux esprits des hommes
malins, exclus de la lumière et présence de l'Eternel.
Tout de même que les Anges et les hommes bienheureux habiteront
dans la gloire incompréhensible pour le louer, bénir,
et exalter à jamais. Sa Bonté et Miséricorde
paternelles nous veuillent pardonner nos offenses et nous rassasier
des biens de sa maison pour l'amour de son Fils unique, Notre-Seigneur-Jésus-Christ,
auquel, avec le Père et le Saint-Esprit, soit gloire et
honneur à tous jamais. Amen.
Voilà, Monsieur, l'extrait
de ma lecture des Philosophes, simple et sans affectation d'ornement,
ni d'ostentation, dont je vous fais présent d'aussi bon
cœur que je suis,
Monsieur,
votre, etc.
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