«Enfin le grand jour arrive où l’on procède à l’initiation»
Le rôle du parrain
Le parrain, un mot qui devrait naturellement imposer le respect, tant
il est chargé d’émotions et de souvenirs pour tout franc-maçon.
ERIC GRANDJEAN (Revue maçonnique suisse: novembre 2004)
Le parrain, c’est ce frère qui nous a un jour permis de frapper à la
porte du temple pour renaître à une vie nouvelle. Le parrain, par ce qu’il
nous a apporté tout au long de notre vie maçonnique, a naturellement une
place toute particulière au fond de notre coeur. Et pourtant…
Le parrain, non pas celui joué par Marlon Brando mais bien cet homme qui,
un beau jour, s’est dévoilé à un autre homme, un ami bien souvent, qui
errait dans les ténèbres et qui recherchait la lumière. De longues
discussions se sont indubitablement enchaînées durant de nombreuses soirées.
Des sujets graves aux thèmes plus légers, tout aura certainement été abordé
entre ces deux hommes qui, bientôt, se retrouveront frères à jamais, jusque
dans l’orient éternel.
Un chemin parcouru à deux
Après plusieurs mois destinés aux procédures administratives et aux
enquêtes effectuées sur le candidat, le grand jour enfin arriva pour chacun.
À l’un, l’on ouvrait toutes grandes les portes du temple, lui permettant
ainsi une renaissance. À l’autre, l’on offrait un redoutable cadeau, celui
de devenir parrain et d’avoir la lourde mais ô combien merveilleuse et
exaltante mission de guider un filleul - ce nouveau maillon - tout au long
de son parcours maçonnique qui le conduira plus tard à la maîtrise. Mais
avant que son filleul ne découvre les secrets du grade suprême en maçonnerie
dite bleue, le parrain devra prendre une part active, en compagnie des deux
surveillants de l’atelier notamment, à l’instruction de son nouveau frère.
Et afin de lui faire découvrir la richesse du monde maçonnique et ses
nombreux rites, le parrain n’oubliera pas d’emmener régulièrement son
filleul en visite dans d’autres loges. Ainsi, petit à petit, cette amitié
profane se modifiera en un amour fraternel qui s’affermira encore un peu
plus de jours en jours. Trois, cinq, sept, chaque âge permettra au jeune
filleul de parcourir cet univers de tolérance et consolider encore un peu
plus la chaîne universelle d’union.
Mais tous les frères ont-ils eu la chance de vivre ainsi leur renaissance
et leur parcours maçonnique? Je le leur souhaite vivement mais je sais que
les contacts entre parrains et filleuls ne se déroulent pas toujours ainsi.
Peut-être, n’ayant aucune relation parmi nos frères, un profane at- il, au
moment où il s’est décidé à faire le grand saut, simplement contacté la
chancellerie de l’Alpina? De là, on lui aura attribué un parrain que l’on
dit de «substitution». Ils ne s’étaient jamais vus, ils ne se connaissaient
pas, pourtant, ce futur parrain s’est immédiatement comporté comme s’ils
avaient toujours été de la même famille, mettant ainsi plus ou moins à
l’aise ce futur frère.
Un dialogue continu
Enfin le grand jour arrive où l’on procède à l’initiation. Qui des deux,
parrain ou filleul, est le plus anxieux mais également le plus fier?
Difficile à dire mais en salle humide, alors que tous fêtent cette nouvelle
acquisition en portant les santés rituelles adéquates, les regards complices
et fraternels se croisent entre les deux hommes. Trop de choses se sont
passées durant cette soirée et la nuit a été des plus agitée. Dès le
lendemain, le filleul inonde son parrain de questions. Pourquoi? Comment? On
dirait un enfant émerveillé… Le parrain explique, le filleul tente de
comprendre mais ce n’est guère facile. Pourtant, ce filleul a à coeur de
s’instruire consciencieusement, d’ouvrir son esprit, de vaincre ses passions
et de soumettre sa volonté. Né libre et de bonnes moeurs, il n’aura de cesse
de s’améliorer, en écoutant silencieusement, assis au septentrion, ses
frères durant tout l’apprentissage puis en partageant ses connaissances, ses
expériences et ses doutes durant le compagnonnage, après avoir vu l’étoile
flamboyante et être passé de la perpendiculaire au niveau. Enfin, viendra un
jour l’élévation à la maîtrise, cérémonie au cours de laquelle une
transformation en profondeur s’opérera secrètement. La boucle enfin sera
bouclée. En chambre du milieu, le frère devenu maître, jouissant ainsi de
tous ses droits en loge, pourra lui aussi, un jour, parrainer un profane qui
sollicite la lumière. Mais durant ce long et passionnant parcours, le
parrain, quant à lui, aura suivi, pas à pas, les progrès de son protégé,
répondant à ses questions, s’intéressant à son parcours. Petit à petit, il
aura subtilement intégré dans ses réponses de nouveaux paramètres de
réflexion, cela afin de permettre à son filleul de continuer à progresser
sur le chemin de la vérité, avec le secret espoir que l’élève dépasse un
jour le maître.
Etre à la hauteur
Cette relation quasi fusionnelle, bien des frères l’ont connue et la
vivent toujours avec leur parrain. Malheureusement, il existe également des
cas, certes plus rares, où le parrain n’a pas été à la hauteur de la charge
confiée par la loge. Très certainement, dès la présentation du dossier de
candidature, les frères de l’atelier avaient eu des doutes. Lorsque l’on
veut parrainer un profane, l’on se doit d’être un frère sans aucun reproche,
motivé et assidu en loge, désintéressé dans son engagement maçonnique. Dès
le début, ses absences continuelles et non excusées, son manque d’entrain ou
de fraternité en avaient refroidis plus d’un et beaucoup ne le voyaient pas
dans le rôle du parrain. Et pourtant, le dossier présenté paraissant si
intéressant, les frères n’ont pas voulu péjorer ou refuser une candidature
sérieuse au motif que le futur parrain ne semblait pas à même d’assumer sa
mission. Peutêtre, placé devant toutes ces nouvelles responsabilités,
allait-il ouvrir les yeux et comprendre ce que l’on demande à un
franc-maçon? Pour certains, devenir parrain leur enseigna beaucoup et ils se
réapproprièrent les vertus auxquelles les frères croient. Pour d’autres en
revanche, cet électrochoc salutaire ne vint pas, l’équerre, le niveau, la
perpendiculaire et le ciseau leur étant devenus, au fil du temps, des
instruments inconnus.
Jamais seul en maçonnerie
Est-il possible qu’un nouvel initié puisse appréhender l’univers
maçonnique sans le moindre soutien ou la plus petite explication de son
parrain sur le chemin parcouru jusqu’alors et sur la route qui lui reste à
suivre encore? Lune, soleil, sagesse, force, beauté, midi, minuit, métaux,
VITRIOL, mercure, souffre, sel, voyages, comment comprendre seul cet univers
de symboles que l’on découvre en maçonnerie? Et ces deux travaux que le
vénérable maître nous demande d’effectuer pour évoluer du statut d’apprenti
à celui de maître, est-il aisé de devoir les traiter sans aucun secours de
son parrain? A l’évidence non et fort heureusement, ce frère n’aura pas été
seul dans son parcours. D’autres frères, qu’ils soient ou non de sa loge,
auront été attentifs à son dénuement et lui auront spontanément porté
assistance, suppléant ainsi aux carences manifestes de ce parrain.
Ainsi accompagné, le filleul découvrira que la maçonnerie est une école
de vie merveilleuse où chaque jour amène son lot de découvertes et de
satisfaction. La maçonnerie n’est pas un dogme ni une doctrine, c’est une
hygiène de vie avec laquelle l’homme ne cesse de s’améliorer. On ne peut
être déçu de la maçonnerie, on ne peut l’être que de certains frères qui
l’utilisent et la fréquentent dans de sombres desseins personnels
intéressés.
Renaître grâce au parrain
Quelles que soient tes relations actuelles avec ton parrain, n’oublie
jamais que grâce à lui, un jour, tu as eu le bonheur de connaître et
d’entrer en franc-maçonnerie en frappant, dépourvu de tous métaux, de
manière profane à la porte du temple, ce lieu secret qui sert d’abri aux
maçons pour couvrir leurs travaux. Pour ma part, je tiens à remercier
chaleureusement et fraternellement mes deux parrains de coeur pour m’avoir
suivi, soutenu et guidé tout au long de ce long parcours initiatique qui
mène à la maîtrise. Tout comme le mot sacré, je ne puis prononcer leurs noms
mais ils se reconnaîtront, j’en suis certain…
Le salaire suprême pour un franc-maçon est de pouvoir un jour parrainer
un nouveau frère sur le chantier du perfectionnement qui mène à la vérité
universelle. Encore faut-il être soi-même un bon ouvrier et savoir manier
les outils à la perfection pour en apprécier toute la quintessence!
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