Thème

Constance des fondations et oeuvres maçonniques

On ne trouve pas d'ouvrages sur les fondations et oeuvres maçonniques de Suisse et probablement d'ailleurs non plus, à part éventuellement quelque opuscule à usage interne d'une obédience ou d'une loge. Ce genre de publication n'intéresse pas les lecteurs potentiels. Celles que l'on édite aujourd'hui, et elles sont pléthoriques, abordent peu voire passent sous silence cet aspect de notre fraternité. Il y aurait, semble- t-il, une réticence de la part des auteurs à s'exprimer sur des pratiques altruistes qui sont le fait de bien d'autres sociétés ou associations, et une crainte, peut-être, de traiter d'un sujet estimé terre-à-terre par rapport aux préoccupations habituelles de la franc-maçonnerie dans les domaines du symbolisme ou de la spéculation philosophique.

Jacques Tornay - Pensée et Action, Martigny

Quoi qu'il en soit, l'oeuvre de bienfaisance ne va jamais de soi. Aucun règlement ni loi n'oblige quiconque à offrir ses deniers pour soulager un tant soit peu la misère humaine. Le don a une vraie valeur lorsqu'il vient d'un sentiment de spontanéité, presque d'un instinct. S'il entre une part de raisonnement dans une action en faveur d'autrui il sera dans le meilleur des cas inhérent à une conscience dirigée vers le souci d'un mieuxêtre, auquel chacun a droit. Il s'agit d'un élan qui se suffit à lui-même, sans considération d'une rétribution en retour sous une forme ou l'autre. La générosité qui calcule est une avarice déguisée.
Permanence et pertinence des interventions

Sur la question de l'engagement philanthropique, comme sur aucune autre, la Grande Loge Suisse Alpina (GLSA) n'a pas démérité au cours de son histoire. Depuis sa création en 1844 à nos jours les initiatives sont considérables, en nombre et en qualité. En dresser la liste, ne seraitce que des principales, nécessiterait une redoutable recherche dans nos archives et cela pour un résultat somme toute discutable. Les traces des travaux accomplis se retrouvent également au sein des loges et des institutions publiques et privées de notre pays où des membres de notre ordre ont apporté leurs marques. Ce n'est pas de la complaisance d'affirmer le rôle éminent joué par les francs maçons helvétiques dans les développements social, éducatif et culturel de nos cantons et sur le plan fédéral au fil des 170 dernières années, mais la simple reconnaissance d'entreprises faites parce qu'il fallait les faire au nom de notre idéal. Elles ont servi les frères et les soeurs en humanité dans notre proximité géographique, avec un accent particulier mis sur les nouvelles générations, traditionnellement au centre de nos priorités altruistes.

Reprenons ci-après un passage du livre que Willy Russ publia en 1926, à Neuchâtel, à la mémoire de son père le célèbre chocolatier Carl Russ-Suchard (1838-1925) affilié à La Bonne Harmonie. «L'activité de l'Alliance est, d'unepart spirituelle et intime, de l'autre extérieure et visible. La première consiste à exercer sur les membres une action morale, à leur apprendre à se perfectionner, à se libérer des préjugés, des superstitions et des passions. La seconde se voue aux oeuvres charitables et philanthropiques, à la création et à l'encouragement d'ins-titutions d'utilité publique». On ne saurait mieux dire.

Un devoir indéfectible

S'il fallait absolument s'en référer à notre enseignement pour y trouver les incitations nécessaires pour aider nos semblables, on les trouve en abondance,  à commencer par la chaîne d'union qui par essence est universelle. Pensons aussi au temple de l'humanité, à ériger en soi autant que vers l'extérieur, et à ses devoirs envers la patrie. Les volumes de la loi sacrée sont parmi ceux susceptibles de nous soutenir dans nos actions caritatives. On pourrait par ailleurs évoquer la tradition de l'alchimie - art qui consis-te à changer la nature des choses. Cependant, le cœur n'a besoin d'aucune thèse pour s'affirmer. Autre extrait, tiré du livre édité en 1944 par la GLSA à l'occasion de son centenaire, celui de l'article de Charles Grec intitulé Education et Franc- Maçonnerie : «La Franc-Maçonnerie vise bien un but éducatif, mais d'une façon toute générale et avant tout pratique : les institutions pédagogiques qu'elle a fondées ou qu'elle soutient n'ont aucune tendance particulière ; elles ne voient que le développement éducatif de l'individu, sans plus. Si certains partis politiques et groupements religieux cherchent à gagner la jeunesse à leurs idéologies spéciales, sachant bien que «Qui a la jeunesse pour soi aura l'avenir», la Franc- Maçonnerie n'en a cure. Ce qui lui importe, c'est de répandre dans le monde les grandes idées humanitaires qui font les nations fortes et les peuples heureux».

Ce qui était vrai hier dans notre rapport