Histoire de la Franc-maçonnerie moderne
Tout en demeurant indissociable de ses origines plus
lointaines, l’histoire de la Franc-maçonnerie telle que nous la
connaissons aujourd’hui commence à l’aube du 18e siècle, plus
précisément le 24 juin 1717, à Londres. Ce jour-là, jour de la
Saint Jean-Baptiste, patron des Francs-maçons, quatre Loges de
Londres décident de s’unir sous la direction d’un Grand Maître
et se constituent en Grande Loge, sous le titre de "Grande Loge
de Londres". La jeune Grande Loge acquiert rapidement de la
considération, au point que six ans plus tard, en 1723, date de
la ratification de ses premières Constitutions, elle ne compte
pas moins de 45 Loges sous sa juridiction. Dès 1730, on en
trouve 106 à Londres et plus de 40 en province. Vers la fin du
siècle, en 1787, on dénombrait 529 Loges, sans compter, bien
sûr, les Loges d’Irlande et d’Ecosse où la Franc-maçonnerie
était déjà présente bien avant 1717.
A partir de 1751, se produisit un schisme qui allait diviser
les Francs-maçons anglais en "Anciens" et en "Modernes". Les
Anciens, qui n’avaient pas voulu adhérer à la Constitution de
1723, se référaient pour la plupart aux "landmarks" (règles,
obligations) de la Loge d’York, laquelle prétendait remonter au
10e siècle. Ils créèrent donc une deuxième Grande Loge, celle
des Anciens, composée en majorité d’Irlandais, pour s’opposer
aux Maçons Modernes regroupés autour de la Grande Loge de
Londres qui avait pris en 1738 le titre de Grande Loge
d’Angleterre.
Une autre opposition se manifesta encore avec la constitution
en France de degrés maçonniques, dits grades chevaleresques ou
hauts grades. Cette opposition aboutit en Angleterre à la
création, entre autres, de l’Ordre de Royal Arch. La naissance
de ces "hauts grades" et leur diversité introduisit bientôt de
nouveaux rites, dont l’application ne pouvait que contribuer à
renforcer encore les divisions au sein de cette Franc-maçonnerie
naissante.
La scission entre Anciens et Modernes dura jusqu’en 1813,
date à laquelle l’acte de fusion des deux Grandes Loges devint
officiel et la nouvelle Grande Loge se donna le titre de Grande
Loge Unie des Anciens Francs-maçons d’Angleterre (aujourd’hui,
Grande Loge Unie d’Angleterre). Il fut alors décidé qu’il n’y
aurait que trois grades dans "l’ancienne et pure maçonnerie"
(apprenti, compagnon, maître). L’Ordre de Royal Arch fut reconnu
et les tenues de Chapitres pour les grades chevaleresques
autorisées, mais sans qu’elles influent d’une quelconque façon
sur les tenues des Loges, dites bleues, des trois premiers
grades de la Franc-maçonnerie traditionnelle.
Enfin, une année plus tard, en 1814, les trois Grandes Loges
d’Angleterre, d’Irlande et d’Ecosse signèrent un acte d’alliance
pour la pratique des trois premiers grades.
L’expansion
Dès sa naissance, la franc-maçonnerie spéculative avait
trouvé dans l’ensemble de l’Europe et en Suisse, pays qui nous
concerne plus particulièrement, un terrain d’expansion tout
aussi favorable qu’en Angleterre. Et, une vingtaine d’années
plus tard, elle se répandit comme une traînée de poudre partout
dans le monde où les puissances européennes d’alors avaient des
implantations militaires ou commerciales.
Après avoir subi ses maladies de jeunesse, la
Franc-maçonnerie moderne a réussi à se structurer un peu partout
dans le monde sous forme d’obédiences nationales diverses,
indépendantes les unes des autres et regroupant chacune
plusieurs Loges, elles aussi indépendantes les unes des autres.
Cette diversité et cet aspect mosaïque des Loges sont
caractéristiques de l’esprit maçonnique qui refuse toute
ingérence dogmatique et lutte depuis toujours en faveur de la
liberté de pensée.
Répartie dans une soixantaine de pays (d’une manière
générale, les dictatures, qu’elles soient de droite ou de
gauche, condamnent la Franc-maçonnerie dont les idéaux de
liberté, d’égalité et de fraternité, par trop démocratiques,
sont jugés subversifs), la Franc-maçonnerie compte actuellement,
toutes obédiences confondues, plus de six millions de membres.
La Constitution de 1723
De même que toute association a ses règles et ses statuts, la
Franc-maçonnerie s’est dotée depuis ses origines les plus
lointaines des règlements appelés "Charges", "Devoirs" ou
"Landmarks" (ces derniers n’étant transmissibles que par
tradition orale) pour préserver ses adeptes de toute déviation
par rapport à l’antique filiation traditionnelle dont elle
procède.
Les règlements et constitutions des Loges sont d’ordre
administratif et règlent la conduite morale du Franc-maçon en
Loge, conduite qui rejaillit bien sûr sur sa vie profane. En
revanche, le Livre de la Loi sacrée (généralement la Bible) qui
figure avec l’équerre et le compas sur l’autel du Vénérable, est
d’ordre initiatique et symbolise la lumière vers laquelle tend
la quête spirituelle du Franc-maçon.
Les premiers règlements ou constitutions auxquels se réfère
aujourd’hui la Franc-maçonnerie moderne sont les Constitutions
dites d’Anderson, rédigées en 1721 par le théologien James
Anderson et le physicien Théophile Désaguliers, tous deux
cofondateurs de la Grande Loge de Londres en 1717. Elles furent
ratifiées le 17 janvier 1723 par le duc de Wharton, alors Grand
Maître de la Grande Loge de Londres.
S’il paraît évident qu’à la lecture certains passages de ces
Constitutions peuvent aujourd’hui prêter à sourire par leur côté
vieillot, reflet d’une époque ou régnaient encore en Europe des
relents d’absolutisme et d’Inquisition, il faut reconnaître que
leur teneur reste très "progressiste" pour l’époque et traduit
assez bien les idées fondamentales de la Franc-maçonnerie. Il
faut en les lisant s’attacher à l’esprit et non à la lettre.
C’est d’ailleurs pour cette raison que ces Constitutions font
aujourd’hui encore référence dans les Loges du monde entier,
bien que chaque obédience réactualise régulièrement ses propres
règlements et constitutions.
A titre de comparaison et pour illustrer ce qui précède, nous
faisons suivre le texte original des Constitutions de 1723 par
celui des Principes maçonniques généraux de la Constitution de
la Grande Loge Suisse Alpina, édition de 1999.
Les obligations d’un Franc-maçon,
extraites des anciennes archives des Loges,
au-delà des mers, et celles d’Angleterre, d’Ecosse
et d’Irlande, à l’usage de Loges de Londres ,
pour être lues
en faisant de nouveaux Frères ou quand le Maître l’ordonnera.
Concernant Dieu et la religion
Du Magistrat civil, suprême et subordonné
Des Loges
Des Maîtres, Surveillants, Compagnons et Apprentis
De la Direction du métier pendant le travail
De la Conduite, à savoir :
1. Dans la Loge quand elle est constituée.
2. Après la fermeture de la Loge et avant le départ des Frères.
3. Quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère mais
hors d’une Loge constituée.
4. En présence d’étrangers non maçons.
5. Chez vous et dans votre entourage.
6. Envers un Frère étranger.
Concernant Dieu et la Religion
Un Maçon est obligé de par sa tenure d’obéir à la loi morale
et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un athée stupide
ni un libertin irréligieux. Mais quoique dans les temps anciens
les Maçons fussent tenus dans chaque pays d’être de la religion,
quelle qu’elle fût, de ce pays ou de cette nation, néanmoins il
est maintenant considéré plus expédient de seulement les
astreindre à cette religion sur laquelle tous les hommes sont
d’accord, laissant à chacun ses propres opinions ; c’est-à-dire
d’être hommes de bien et loyaux ou hommes d’honneur et de
probité, quelles que soient les dénominations ou confessions qui
aident à les distinguer ; par suite de quoi, la Maçonnerie
devient le centre d’union et le moyen de nouer une véritable
amitié sincère entre des personnes qui n’auraient pu que rester
perpétuellement étrangères. (Traduction de Maurice Paillard)
Du magistrat civil suprême et subordonné
Un Maçon est un paisible sujet à l’égard des pouvoirs civils,
en quelque lieu qu’il réside ou travaille, et ne doit jamais
être mêlé aux complots et conspirations contre la paix et le
bien-être de la nation, ni manquer à ses devoirs envers les
magistrats inférieurs ; car la Maçonnerie a toujours pâti de la
guerre, de l’effusion de sang et du désordre ; aussi les anciens
rois et princes ont toujours été fort disposés à encourager les
Frères, en raison de leur caractère pacifique et de leur loyauté
par lesquels ils répondaient en fait aux chicanes de leurs
adversaires et défendaient l’honneur de la Fraternité qui fut
toujours florissante dans les périodes de paix.
Aussi, si un Frère devenait rebelle envers l’Etat, il ne
devrait pas être soutenu dans sa rébellion, quelle que soit la
pitié que puisse inspirer son infortune ; et s’il n’est
convaincu d’aucun autre crime, bien que la loyale Confrérie ait
le devoir et l’obligation de désavouer sa rébellion, pour ne
provoquer aucune inquiétude ni suspicion politique de la part du
gouvernement au pouvoir, il ne peut pas être chassé de la Loge
et ses relations avec elle demeurent indissolubles.
Des Loges
Une Loge est un lieu où les Maçons s’assemblent pour
travailler : d’où le nom de Loge qui est donné à l’assemblée ou
à la société de Maçons régulièrement organisée, et l’obligation
pour chaque Frère d’appartenir à l’une d’elles et de se
soumettre à ses règlements particuliers ainsi qu’aux règlement
généraux. La Loge est soit particulière, soit générale ou Grande
Loge.
Dans les temps anciens, aucun Maître ou Compagnon ne pouvait
s’en absenter, spécialement lorsqu’il y avait été convoqué, sans
encourir une sévère censure, à moins que le Maître ou les
Surveillants n’aient constaté qu’il en avait été empêché par une
impérieuse nécessité.
Les personnes admises comme membres d’une Loge doivent être
des hommes bons et loyaux, nés libres, ayant l’âge de la
maturité d’esprit et de la prudence, ni serfs, ni femmes, ni
hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation.
Des Maîtres, Surveillants, Compagnons et Apprentis
Toute promotion parmi les Maîtres Maçons est fondée
uniquement sur la valeur réelle et sur le mérite personnel ;
afin que les seigneurs puissent être bien servis, que les Frères
ne soient pas exposés à l’humiliation et que l’Art royal ne soit
point décrié : pour cela aucun Maître ou Surveillant n’est
choisi à l’ancienneté, mais bien pour son mérite. Il est
impossible de dépeindre ces choses par écrit, chaque Frère doit
rester à sa propre place et les étudier selon les méthodes
particulières de cette Confrérie. Tout ce que les candidats
peuvent savoir c’est qu’aucun Maître n’a le droit de prendre un
Apprenti s’il n’a pas un travail suffisant à lui fournir et s’il
n’est pas un jeune homme parfait ne souffrant d’aucune
mutilation ou tare physique qui puisse l’empêcher d’apprendre
l’Art et de servir le seigneur de son Maître et de devenir un
Frère, puis un Compagnon en temps voulu après avoir durant le
nombre d’années fixé par la coutume du pays ; et s’il n’est issu
de parents honnêtes ; ceci afin qu’après avoir acquis les
qualités requises il puisse parvenir à l’honneur d’être le
Surveillant, puis le Maître de la Loge, le Grand Surveillant et
enfin, selon son Mérite, le Grand Maître de toutes les Loges.
Nul Frère ne peut être Surveillant avant d’avoir passé le
degré de Compagnon ; ni Maître avant d’avoir occupé les
fonctions de Surveillant ; ni Grand Surveillant avant d’avoir
été Maître d’une Loge, ni Grand Maître s’il n’a pas été
Compagnon avant son élection. Celui-ci doit être, en outre, de
noble naissance ou gentilhomme de bonnes manières ou quelque
savant éminent ou quelque architecte distingué ou quelque autre
homme de l’Art d’une honnête ascendance et jouissant d’une
grande estime personnelle dans l’opinion des Loges. Et afin de
pouvoir s’acquitter le plus utilement, le plus aisément et le
plus honorablement de son office, le Grand Maître détient le
pouvoir de choisir son propre Député Grand Maître qui doit être
alors ou avoir été précédemment le Maître d’une Loge
particulière et qui a le privilège d’agir comme le ferait le
Grand Maître lui-même, son Commettant, sauf quand le dit
Commettant est présent ou qu’il manifeste son autorité par une
lettre.
Ces administrateurs et gouverneurs, supérieurs et subalternes
de la Loge ancienne, doivent être obéis dans leurs fonctions
respectives par tous les Frères, conformément aux Anciennes
Obligations et Règlements, en toute humilité, révérence, amour
et diligence.
De la direction du métier pendant le travail
Tous les Maçons travailleront honnêtement pendant les jours
ouvrables afin de profiter honorablement des jours de fête ; et
l’horaire prescrit par la loi du pays ou fixé par la coutume
sera respecté.
Le Compagnon Maçon le plus expert sera choisi ou délégué en
qualité de Maître ou Surintendant des travaux du seigneur ; ceux
qui travaillent sous ses ordres l’appelleront Maître. Les
ouvriers doivent éviter tout langage déplacé, et ne point se
donner entre eux de sobriquets désobligeants, mais s’appeler
Frère ou Compagnon ; et se conduire avec courtoisie à
l’intérieur de la Loge.
Le Maître, confiant en son habileté, entreprendra les travaux
du seigneur aussi raisonnablement que possible et tirera parti
des matériaux comme s’ils étaient à lui, ne donnant à aucun
Frère ou Apprenti plus que le salaire qu’il mérite vraiment.
Les Maîtres et les Maçons recevant chacun leur juste salaire
seront fidèles au seigneur et achèveront leur travail
consciencieusement, qu’il soit à la tâche ou à la journée ; et
ils n’effectueront pas à la tâche l’ouvrage qu’on a l’habitude
de faire à temps.
Nul ne se montrera envieux de la prospérité d’un Frère ni ne
le supplantera, ni ne l’écartera de son travail s’il est capable
de le mener à bien ; car personne ne peut achever le travail
d’autrui, à l’avantage du seigneur, sans être parfaitement au
courant des projets et conceptions de celui qui l’a commencé.
Quand un Compagnon Maçon est désigné comme Surveillant des
travaux sous la conduite du Maître, il sera équitable tant à
l’égard du Maître que des Compagnons, surveillera avec soin le
travail en l’absence du Maître dans l’intérêt du seigneur ; et
ses Frères lui obéiront.
Tous les Maçons employés recevront leur salaire uniment, sans
murmure ni révolte, et ne quitteront pas le Maître avant
l’achèvement du travail.
On instruira un Frère plus jeune dans le travail pour que les
matériaux ne soient point gâchés par manque d’expérience et pour
accroître et consolider l’amour fraternel.
On n’utilisera dans le travail que les outils approuvés par
la Grande Loge.
Aucun manœuvre ne sera employé aux travaux propres à la
Maçonnerie ; et les Francs-maçons ne travailleront pas avec ceux
qui ne sont pas francs, sauf nécessité impérieuse ; et ils
n’instruiront ni les manœuvres ni les maçons non acceptés, comme
ils instruiraient un Frère ou un Compagnon.
De la conduite, savoir :
Dans la Loge quand elle est constituée
Vous ne devez pas tenir de réunions privées, ni de conversations
à part sans autorisation du Maître, ni parler de choses
inopportunes ou inconvenantes ; ni interrompre le Maître, ou les
Surveillants ni aucun Frère parlant au Maître : ne vous
conduisez pas non plus de manière ridicule ou bouffonne quand la
Loge traite de choses sérieuses et solennelles ; et sous aucun
prétexte n’usez d’un langage malséant ; mais manifestez à votre
Maître, à vos Surveillants et à vos Compagnons la déférence qui
leur est due et entourez-les de respect.
Si quelque plainte est déposée, le Frère reconnu s’inclinera
devant le jugement et la décision de la Loge, qui est le seul
juge compétent pour tous ces différents (sous réserve d’appel
devant la Grande Loge), et c’est à elle qu’il doit être déféré,
à moins que le travail d’un seigneur ne risque d’en souffrir,
dans lequel cas, il serait possible de recourir à une procédure
particulière ; mais les affaires maçonniques ne doivent jamais
être portées en justice, à moins d’absolue nécessité dûment
constatée en Loge.
Après fermeture de la Loge et avant le départ des Frères
Vous pouvez jouir d’innocents plaisirs, vous traitant
réciproquement selon vos moyens, mais en évitant tout excès et
en n’incitant pas un Frère à manger ou à boire plus qu’il n’en a
envie, en ne le retenant pas lorsque ses affaires l’appellent,
en ne disant et en ne faisant rien d’offensant ou qui puisse
interdire une conversation libre et aisée ; car cela détruirait
notre harmonie, et ruinerait nos louables desseins. C’est
pourquoi aucune brouille ni querelle privée ne doit passer le
seuil de la Loge, et moins encore quelque querelle à propos de
la religion, des nations ou de la politique car comme Maçons
nous sommes seulement de la religion mentionnée ci-dessus ; nous
sommes aussi de toutes nations, idiomes, races et langages et
nous sommes résolument contre toute politique comme n’ayant
jamais contribué et ne pouvant jamais contribuer au bien être de
la Loge. Cette obligation a toujours été strictement prescrite
et respectée ; surtout depuis la Réforme en Grande-Bretagne, ou
la séparation ou la sécession de ces nations de la communion de
Rome.
Quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère, mais
hors d’une Loge constituée
Vous devez vous saluer réciproquement de manière courtoise,
comme on vous l’enseignera, vous appelant mutuellement Frère,
échangeant librement les instructions que vous jugerez utiles,
sans être vus ni entendus, sans prendre de pas l’un sur l’autre,
ni manquer aux marques de respect qui seraient dues à un Frère,
s’il n’était pas Maçon : car quoique les Maçons en tant que
Frères soient tous sur un pied d’égalité, la Maçonnerie ne prive
pas un homme des honneurs auxquels il avait droit auparavant ;
bien au contraire, elle ajoute à ces honneurs, spécialement
lorsqu’il a bien mérité de la Fraternité qui se plaît à honorer
ceux qui le méritent et à proscrire les mauvaises manières.
En présence d’étrangers non maçons
Vous serez circonspects dans vos propos et dans votre
comportement, pour que l’étranger le plus perspicace ne puisse
découvrir ni deviner ce qu’il ne doit pas connaître, et vous
aurez parfois à détourner la conversation et à la conduire
prudemment pour l’honneur de la véritable Fraternité.
Chez vous et dans votre entourage
Vous devez agir comme il convient à un homme sage et de bonnes
mœurs ; en particulier n’entretenez pas votre famille, vos amis
et voisins des affaires de la Loge, etc., mais soyez
particulièrement soucieux de votre propre honneur, et de celui
de l’ancienne Fraternité, ceci pour des raisons qui n’ont pas à
être énoncées ici. Ménagez aussi votre santé en ne restant pas
trop tard ensemble ou trop longtemps dehors, après les heures de
réunion de la Loge ; et en évitant les excès de chair ou de
boisson, afin que vos familles ne souffrent ni désaffection ni
dommage, et que vous-même ne perdiez votre capacité de travail.
Envers un Frère étranger
Vous devez l’éprouver consciencieusement de la manière que la
prudence vous inspirera, afin de ne pas vous en laisser imposer
par un imposteur ignorant, que vous devez repousser avec mépris
et dérision, en vous gardant de lui dévoiler la moindre
connaissance.
Mais si vous le reconnaissez comme un Frère authentique et
sincère, vous devez lui prodiguer le respect qu’il mérite ; et
s’il est dans le besoin, vous devez le secourir si vous le
pouvez, ou lui indiquer comment il peut être secouru : vous
devez l’employer pendant quelques jours ou le recommander pour
qu’on l’emploie.
Vous n’êtes pas obligé de faire plus que vos moyens ne vous
le permettent mais seulement dans des circonstances identiques,
de donner la préférence à un Frère pauvre, qui est un homme bon
et honnête, avant toute autre personne dans le besoin.
Enfin, toutes ces Obligations doivent être observées par
vous, de même que celles qui vous seront communiquées d’autre
manière ; cultivez l’amour fraternel, fondement et clé de voûte,
ciment et gloire de cette ancienne Fraternité, repoussez toute
dispute et querelle, toute calomnie et médisance, ne permettez
pas qu’un Frère honnête soit calomnié, mais défendez sa
réputation, et fournissez-lui tous les services que vous
pourrez, pour autant que cela soit compatible avec votre honneur
et votre sûreté, et pas au-delà. Et si l’un d’eux vous fait
tort, vous devez recourir à votre propre Loge ou à la sienne,
ensuite vous pouvez en appeler à la Grande loge en assemblée
trimestrielle, et ensuite à la grande loge annuelle, selon
l’ancienne et louable coutume de nos ancêtres dans chaque nation
; n’ayez jamais recours à un procès en justice avec des profanes
ou vous inciter à mettre un terme rapide à toutes procédures,
ceci afin que vous puissiez vous occuper des affaires de la
Maçonnerie avec plus d’alacrité et de succès ; mais en ce qui
concerne les Frères ou Compagnons en procès, le Maître et les
Frères doivent offrir bénévolement leur médiation, à laquelle
les Frères en opposition doivent se soumettre avec gratitude ;
et si cet arbitrage s’avère impraticable, ils doivent alors
poursuive leur procès ou procédure légale, sans aigreur ni
rancune (contrairement à l’ordinaire) en ne disant et en ne
faisant rien qui puisse altérer l’amour fraternel, et les bonnes
relations doivent être renouées et poursuivies ; afin que tous
puissent constater l’influence bienfaisante de la Maçonnerie,
ainsi que tous les vrais Maçons l’ont fait depuis le
commencement du monde et le feront jusqu’à la fin des temps.
Cette Constitution fut par la suite remaniée deux fois. La
première se fit lors de la réédition de 1738, quand la Grande
Loge de Londres, devenue Grande Loge d’Angleterre, se trouvait
en bute à l’opposition des "Anciens" Maçons. Cette opposition ne
s’organisera vraiment qu’en 1751, le 17 juillet, lorsque des
Francs-maçons irlandais, refusés par la Grande Loge
d’Angleterre, créèrent la Grande Loge des Anciens. Devant ces
oppositions montantes, Anderson s’attacha à mieux préciser son
texte, surtout en ce qui concerne l’article premier.
Article premier, remanié en 1738 :
Un Maçon est obligé, de par sa tenure, d’observer la Loi
morale, en tant que vrai Noachite ; et s’il comprend bien le
métier, il ne sera jamais athée stupide ni libertin irréligieux
ni n’agira à l’encontre de sa conscience. Dans les temps
anciens, les Maçons chrétiens étaient tenus de se conformer aux
coutumes chrétiennes de chaque pays où ils voyageaient ou
travaillaient. Mais la Maçonnerie existant dans toutes les
nations, même de religions diverses, ils sont maintenant
seulement tenus d’adhérer à cette religion sur laquelle tous les
hommes sont d’accord (laissant à chaque Frère ses propres
opinions) c’est-à-dire d’être hommes de bien et loyaux, hommes
d’honneur et de probité, quels que soient les noms, religions ou
confessions qui aident à les distinguer. Car tous s’accordent
sur les trois grands articles de Noé, assez pour préserver le
ciment de la Loge. Ainsi la Maçonnerie est leur Centre d’union,
et l’heureux moyen de concilier des personnes qui autrement
n’auraient pu que rester perpétuellement étrangères.
Entre 1723 et cette nouvelle rédaction de 1738, d’autres
modifications étaient intervenues dans l’évolution de la
Maçonnerie, notamment l’apparition du système à trois degrés.
Auparavant, il n’était question que des deux degrés d’Apprenti
entré et de Compagnon de métier. Il n’y avait de Maître que
celui de la Loge (l’actuel Vénérable). Le degré de Maître,
séparé de la fonction de Maître de la Loge, apparut en 1725. Par
la suite, la légende de la mort d’Hiram, propre à ce troisième
degré, prendra le pas dans les rituels sur celle de Noé qui
disparaîtra progressivement. C’est d’ailleurs cette allusion à
Noé et aux Noachites, que l’on retrouve dans la nouvelle édition
de 1738 et qui ressemble assez bien à une concession faite aux
Anciens par Anderson.
L’allusion à Noé est en effet très ancienne et on la
rencontre déjà dans le manuscrit Regius daté de 1390, au passage
relatif à la construction de la Tour de Babel. Noé et les
Noachites ont également survécu, bien que sous influence
prussienne, dans la légende du 21e degré, Noachite ou Chevalier
Prussien, du Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA).
Le troisième remaniement des Constitutions d’Anderson
intervint en 1813, à la fin de la querelle des Anciens Maçons et
des Modernes, qui se concrétisa par la fusion des deux Grandes
Loges antagonistes sous l’appellation de Grande Loge Unie
d’Angleterre. L’article premier de cette nouvelle Constitution
fait une large concession aux Anciens en prenant une tournure
nettement déiste, ce qui n’a pas été du goût de tous les Maçons
à l’époque et qui reste d’ailleurs toujours sujet à
controverses. C’est pourquoi, quand on parle de Constitution en
Maçonnerie, on pense généralement 1723.
Article premier, remanié en 1813 :
Un Maçon est obligé, de par sa tenure, d’obéir à la loi
morale et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un athée
stupide ni un libertin irréligieux. De tous les hommes, il doit
le mieux comprendre que Dieu voit autrement que l’homme, car
l’homme voit l’apparence extérieure, alors que Dieu voit le
cœur. Un Maçon est par conséquent particulièrement astreint à ne
jamais agir à l’encontre des commandements de sa conscience.
Quelle que soit la religion de l’homme ou sa manière d’adorer,
il n’est pas exclu de l’Ordre, pourvu qu’il croie au glorieux
Architecte du ciel et de la terre et qu’il pratique les devoirs
sacrés de la morale. Les Maçons s’unissent aux hommes vertueux
de toutes les croyances dans le lien solide et agréable de
l’amour fraternel, on leur apprend à voir les erreurs de
l’humanité avec compassion et à s’efforcer, par la pureté de
leur propre conduite, de démontrer la haute supériorité de la
foi particulière qu’ils professent
Pour revenir à l’esprit du texte de 1723 et mettre en
évidence son caractère éminemment "progressiste" pour l’époque,
nous vous invitons à le comparer avec les Principes généraux de
l’actuelle Constitution (édition de 1999) de la Grande Loge
Suisse Alpina.
Le manuscrit Regius
Les anciennes confréries de bâtisseurs du moyen âge, qui
réunissaient les "francs-mestiers" du bâtiment, étaient
constituées d’hommes libres, c’est-à-dire bénéficiant de
franchises fiscales et exemptions de corvées accordées par le
pouvoir royal, d’où le terme de francs-maçons qui signifie en
réalité "maçons libres". Ce terme de maçon libre ou "freemason"
est attesté en Angleterre dès 1376. On le retrouve également
dans les manuscrits médiévaux appelés "Old Charges" ou "Anciens
Devoirs", tels que le Regius et le Cooke.
Le Regius se présente sous la forme d’un long poème, rédigé
en vieil anglais, probablement vers 1390, et mentionné pour la
première fois en 1670, dans un inventaire de la bibliothèque
John Theyer qui fut vendue à Robert Scott en 1678. Par la suite,
le manuscrit devint la propriété de la Bibliothèque royale, d’où
son nom de Regius, jusqu’en 1757, quand le roi George II
d’Angleterre en fit don au British Museum.
Le manuscrit Cooke se présente comme une version parallèle du
Regius écrite en prose. Il serait daté du début du 15e siècle,
approximativement entre 1410 et 1425. Les textes de ces
manuscrits traitent de l’art de la géométrie, science à la fois
divine et terrestre, dont l’application par métier se nomme
"franc-maçonnerie". Ils donnent également des règles de conduite
et des devoirs à respecter par les gens de métier, les
"francs-maçons", envers la confrérie, la société humaine, la
religion et l’Etat.
La première partie du Regius traite de l’art de la géométrie
et de l’origine de son métier, la Franc-maçonnerie, dont il
attribue la fondation au mathématicien grec Euclide qui vivait à
Alexandrie, en Egypte, au 3e siècle avant notre ère. En voici un
extrait relatant justement cette fondation par Euclide:
On thys maner, throz good wytte of gemetry,
Bygan furst the craft of masonry :
The clerk Euclyde on thys wyse hyt fonde,
Thys craft of gemetry yn Egypte londe.
Yn Egypte he tawzhte hyt ful wyde,
Yn dyvers londe on every syde ;
Mony erys afterwarde, y understonde,
Zer that the craft com ynto thys londe.
Ainsi, du noble art de géométrie,
Naquit le métier de maçonnerie:
L’a fondé de cette façon le clerc Euclide,
Cet art de géométrie au pays d’Egypte.
Il l’enseigna dans chaque contrée de l’Egypte
Et dans nombre de pays, loin des pyramides;
Des années durant, d’après ce que j’ai compris,
Avant que ce métier ne parvienne au pays*. * l’Angleterre
Le manuscrit se poursuit par le récit, toujours en vers, de
l’introduction de la Franc-maçonnerie en Angleterre sous le
règne du roi Athelstane, puis par une énumération des Devoirs du
Franc-maçon en quinze articles et quinze points, qui reflètent
déjà l’idéal de perfection morale de la Franc-maçonnerie
moderne. Il passe ensuite au récit mythique des Quatre Couronnés
(Quatuor Coronati) et à celui de la construction de la Tour de
Babel ; il continue par la présentation des sept arts libéraux
(grammaire, dialectique, rhétorique, musique, astronomie,
arithmétique et géométrie) qui constituaient à l’époque les
bases de la connaissance, puis se prolonge par des
recommandations sur la messe et la manière de se comporter à
l’église et se termine enfin par une instruction sur les bonnes
manières.
Les légendes maçonniques
La Tour de Babel
Le manuscrit Regius (1390) relate ainsi l’édification et la
destruction de la Tour de Babel :
Ecoutez ce que j’ai lu,
Que beaucoup d’années après, à grand effroi
Le déluge de Noé eut déferlé,
La Tour de Babel fut commencée,
Le plus gros ouvrage de chaux et de pierre,
Que jamais homme ait pu voir ;
Si long et si large on l’entreprit,
Que sa hauteur faisait sept miles d’ombre,
Le roi Nabuchodonosor le fit construire
Aussi puissant pour la défense des hommes,
Que si un tel déluge survînt,
Il ne pourrait submerger l’ouvrage ;
Parce qu’ils avaient un orgueil si fier, avec grande vantardise
Tout ce travail fut ainsi perdu ;
Un ange les frappa en diversifiant leurs langues,
Si bien qu’ils ne se comprenaient plus jamais l’un l’autre.
(Traduction de Mme E.M. de Carlo)
Ce passage du Regius fait allusion à une lointaine tradition
mythique qui ferait remonter la Maçonnerie à Noé, dont les
descendants, oublieux de la promesse faite par Dieu au
patriarche, pècheront par orgueil. Cette ancienne légende, qui
semble avoir précédé celle de la mort d’Hiram dans l’ancienne
tradition maçonnique, aurait été reprise vers le milieu du 18e
siècle dans le grade de Noachite, 21e degré du Rite Ecossais
Ancien et Accepté, dont voici la légende :
"Les descendants de Noé, malgré l’arc-en-ciel qui était le
signe de réconciliation que Dieu avait donné aux hommes et par
lequel il les assurait qu’il ne se vengerait plus d’eux,
résolurent de construire une tour assez élevée pour se mettre à
l’abri de la vengeance divine. Dix ans après qu’ils eurent jeté
les bases de cet édifice, Dieu aperçut l’orgueil des hommes et
descendit sur terre pour confondre leur projet en jetant la
confusion dans les langues des ouvriers. C’est pour cette raison
qu’on appelle cette Tour, Babel, qui signifie confusion mais
dont le sens originel est Porte du Ciel et, en akkadien, Porte
des dieux. Quelque temps plus tard, le roi Nemrod y fonda une
ville qui fut appelée Babylone, c’est-à-dire enceinte de la
confusion." (Récit tiré du "Mutus Liber Latomorum", Le Livre
Muet des Francs-maçons, édité en 1993 par J.C. Bailly, Paris.)
Le mot sacré de ce grade est assez significatif, puisqu’il se
compose des trois initiales S.C.J. qui correspondent aux noms
des trois fils de Noé, Sem, Cham et Japhet, considérés comme les
ancêtres mythiques des races humaines actuelles.
Les Quatre Couronnés
La légende des quatre martyrs couronnés, ou Quatuor Coronati,
repose sur une confusion, ce qui toutefois n’enlève rien à la
qualité évocatrice de cette légende.
"Sous l’empereur Romain Dioclétien, cinq maçons tailleurs de
pierre, qui avaient refusé d’exécuter la statue d’une divinité
païenne, sont condamnés à mort. A peu de temps près, quatre
soldats ayant refusé d’encenser l’autel d’Esculape, sont
également condamnés à la peine capitale. Les neufs condamnés
seront exécutés le même jour et inhumés dans la même sépulture.
En 310, le pape Melchiade donne aux quatre soldats le titre de
Quatuor Coronati. Ils seront plus tard confondus avec les
tailleurs de pierre, leurs compagnons de supplice, et
deviendront les protecteurs du métier de la construction."
(Récit repris de "La Franc-maçonnerie", Paul Naudon, éditions
PUF, coll. Que sais-je, Paris 1984.)
Quant au Regius (1390), voici ce qu’il en dit :
"… ces quatre saints martyrs,
Qui dans ce métier furent tenus en grand honneur,
Ils étaient aussi bons maçons qu’on puisse trouver sur terre,
Sculpteurs et imagiers, ils étaient aussi,
Car ils étaient des ouvriers d’élite,
L’empereur les tenait en grande estime ;
Il désira qu’ils fissent une statue
Qu’on vénérerait en son honneur ;
En son temps, il possédait de tels monuments,
Pour détourner le peuple de la loi du Christ.
Mais eux demeuraient fermes dans la loi du Christ,
Et dans leur métier sans compromis ;
Ils aimaient bien Dieu et tout son enseignement,
Et s’étaient voués à son service pour toujours.
En ce temps-là, ils furent des hommes de vérité,
Et vécurent droitement dans la loi de Dieu ;
Ils n’entendaient point fabriquer des idoles,
Quelque bénéfice qu’ils puissent en retirer,
Ni prendre cette idole pour leur Dieu,
Ils refusèrent de le faire, malgré sa colère ;
Car ils ne voulaient pas renier leur vraie foi,
Et croire à sa fausse loi,
L’empereur les fit arrêter sans délai,
Et les mit dans un profond cachot ;
Plus cruellement il les y punissait,
Plus ils se réjouissaient dans la grâce de Dieu,
Alors, quand il vit qu’il ne pouvait plus rien,
Il les laissa alors aller à la mort ;
Celui qui voudra, trouvera dans le livre
De la légende des saints,
Les noms des quatre couronnés.
Leur fête est bien connue,
Le huitième jour après la Toussaint."
(Traduction de Mme E.M. de Carlo.)
Remarque
On trouvera sur le site http://web.club-internet.fr/chdioux une
version complète du Regius, en ancien anglais avec, en parallèle,
une traduction française très proche de l’original anglais, due
à Mme E.M. de Carlo.
La légende de la mort d’Hiram
Cette légende étant directement liée au rite de passage à la
maîtrise ou 3e degré de la Franc-maçonnerie, nous nous bornerons,
et cela bien qu’elle ait été maintes fois publiée dans son
intégralité, à n’en présenter que quelques données essentielles,
pour éviter une banalisation de ce rite de passage pouvant nuire
à sa force évocatrice.
"Maître Hiram, architecte du Temple de Salomon, avait des
milliers d’ouvriers sous ses ordres. Pour éviter toute confusion
et pouvoir les distinguer entre eux selon leurs capacités et
leur mérite, il les divisa en trois classes ou degrés :
apprentis, compagnons et maîtres. Il donna à chacun d’eux les
mots, signes et attouchements correspondant à leur degré, de
manière que l’on puisse les reconnaître et qu’ils puissent
eux-mêmes se reconnaître entre eux et faire valoir leur droit au
salaire dû à leur rang. Trois Compagnons, désireux de connaître
les signes et mots secrets des Maîtres pour accéder à un salaire
supérieur, résolurent de l’obtenir d’Hiram par la menace, et au
besoin par la force. Hiram refusa et mourut sous les coups
successifs des trois renégats. Il fut retrouvé gisant sous un
tertre sur lequel avait germé un acacia."
L’acacia, qui reste toujours vert, est perçu comme le symbole
de l’immortalité qui, dans le cas de la légende d’Hiram, peut
s’interpréter de différentes manières, suivant les convictions
religieuses ou philosophiques de chacun.
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