Aperçu de la franc-maçonnerie luxembourgeoise
C’est par le biais de loges militaires affectées à des régiments de l’armée autrichienne que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la franc-maçonnerie fait son apparition dans l’ancien Duché de Luxembourg. Les premières loges locales, à savoir « La Parfaite Union » à Luxembourg et « La Constance » à Marche-en-Famenne sont créées en 1770 et 1778. Dépendant de la Grande Loge provinciale des Pays-Bas autrichiens, ces loges qui, outre des militaires, comprenaient comme membres civils des fonctionnaires et employés publics, des bourgeois et quelques petits nobles, se mettent cependant en sommeil après 1786 comme suite à un édit de l’Empereur Joseph II (« Freimaurerpatent ») limitant le nombre de loges et les soumettant à une surveillance stricte.
C’est par le biais de loges militaires encore, que sous le premier Empire la franc-maçonnerie réapparait à Luxembourg et que le 28 mai 1803 y est installée la loge civile « Les Enfans de la Concorde Fortifiée » qui recrute ses membres dans les mêmes catégories sociales que précédemment. Après la chute de l’Empire et le rattachement politique du Duché, devenu Grand-Duché, de Luxembourg au Royaume des Pays-Bas, cette loge qui existe à ce jour et avait été constituée sous l’obédience du Grand Orient de France, passe sous celle de la Grande Loge d’administration des provinces méridionales dépendant du Grootoosten der Nederlanden. Continuant à travailler en français d’après le rite français moderne, cette loge s’établit en 1820 dans l’ancienne maison des Merciers à Luxembourg (actuellement 5, rue de la Loge) acquise par les frères en 1818, où jusqu’au départ de la garnison prussienne de la forteresse en 1867, elle offre l’hospitalité à la loge militaire « Blücher von Wahlstatt ».
Suite à la révolution belge de 1830 et à l’indépendance du Grand-Duché de Luxembourg en 1839, la franc-maçonnerie luxembourgeoise s’émancipe elle-aussi de l’autorité étrangère. Ainsi les « Enfans de la Concorde Fortifiée », au sein de laquelle se recrutent d’ailleurs bon nombre des cadres dirigeants du nouvel Etat, se constitue le 4 mai 1844 en « Loge Centrale » pour le Grand-Duché de Luxembourg avec les attributions d’une Grande Loge.
En 1849 et après la création en 1848 à Echternach de la loge militaire « L’Espérance » au sein du contingent luxembourgeois, cette « Loge Centrale » prend la dénomination de « Suprême Conseil Maçonnique », chef d’Ordre dans le Grand-Duché de Luxembourg avec juridiction à la fois sur les deux loges symboliques et le chapitre des hauts-grades. Tandis que « L’Espérance » s’éteint vers 1859, le « Suprême Conseil maçonnique » perdure jusqu’au XXe siècle où en 1926 il est scindé en une « Grande Loge » et un « Grand Chapitre », qui deviendront définitivement autonomes en 1935, tout en restant liés par un traité d’amitié. Pendant cette période et à l’instar des Grands Orients de France et de Belgique, la franc-maçonnerie luxembourgeoise se laïcise tout en nouant des contacts avec la plupart des obédiences maçonniques du continent européen et en œuvrant dans ce contexte au rapprochement franco-allemand après 1870.
Après la seconde guerre mondiale et la suspension forcée de leurs activités au cours de l’occupation nazie du pays, la Grande Loge de Luxembourg et son atelier « Les Enfans de la Concorde Fortifiée » reprennent les travaux et, en 1947, est réveillée la loge « La Parfaite Union » et en 1948 la loge « St. Jean de l’Espérance ». En même temps, la Grande Loge de Luxembourg entreprend de se rapprocher de la franc-maçonnerie anglo-saxonne et de revenir aux principes traditionnels de la régularité en rétablissant notamment l’invocation du Grand Architecte de l’Univers et l’usage de la Bible comme symbolisant le Livre de la Loi sacrée. Cette évolution est marquée par le ralliement en 1949 aux principes de la déclaration de Winterthur et par la conclusion en 1954 de la Convention de Luxembourg, mais par la suite aussi par une scission interne qui mène en 1957 à la constitution du Grand Orient de Luxembourg qui, depuis lors, poursuit son chemin maçonnique séparé. Cette même évolution aboutit en 1969 à la reconnaissance de la Grande Loge de Luxembourg par la Grande Loge Unie d’Angleterre, reconnaissance elle-même suivie par celles de l’immense majorité des autres Grandes Loges régulières de par le monde. En 1974 la Grande Loge de Luxembourg constitue la loge d’expression anglaise « Friendship » et en 1997 la loge germanophone « Zur Bruderkette ».
Le « Grand Chapitre » d’avant-guerre connaîtra de son côté une évolution parallèle à celle de la Grande Loge qui, après divers errements, mènera à la constitution le 16 octobre 1976 du « Suprême Conseil pour le Grand-Duché de Luxembourg des Souverains Grands Inspecteurs Généraux du 33e et dernier degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté ».