La chaîne d’union dans les faits et gestes chez nos voisins de France
en 2003
275 ans de présence maçonnique française
L’année qui vient de s’écouler aura vu un déploiement sans précédent
de manifestations en tous genres sur les plans régional et international
pour célébrer le 275e anniversaire de la fondation de la Maçonnerie en
France.
(Revue maçonnique suisse: janvier 2004)
Le lundi 23 juin dernier Monsieur Jacques Chirac, président de la
République, devait prononcer un discours devant de nombreux responsables de
la franc-maçonnerie et invités réunis au Palais de l’Elysée. Extraits: «Je
suis heureux de recevoir aujourd’hui les représentants d’une tradition
philosophique qui a pris une part si importante, en France et dans le monde
à l’élaboration et à la diffusion des idées républicaines. Il est des
histoires qui contribuent à forger l’histoire, des événements qui font
avancer la cause de la liberté. La création, en 1728, de la première loge
française est de ceux-là. Vous avez choisi de fêter ensemble cet événement.
Et vous avez voulu y associer les maçonneries étrangères. À toutes et à
tous, je souhaite la plus chaleureuse des bienvenues. En vous recevant
aujourd’hui, j’ai souhaité rendre hommage au rôle civique de vos sociétés de
pensée. Un rôle actif de défense et de réaffirmation des principes
républicains, un rôle de vigilance, un rôle de réflexion. Cet anniversaire
est aussi pour vous l’occasion de donner une idée juste de la
francmaçonnerie, au-delà des clichés et des idées reçues.
Vous inscrivez votre engagement dans l’héritage des Lumières. Lumières de
la raison, de la tolérance, de la solidarité humaine, lumières de la
liberté, la liberté absolue de conscience, la liberté de douter, parce que
le doute est moteur de progrès. Une liberté que résume bien le triptyque:
provoquer et non imposer, suggérer sans proclamer, interroger plutôt que
répondre. Bref, la vraie liberté de l’homme parvenu à s’affranchir tant des
passions que des carcans sociaux. (…)
Né dans les spasmes des guerres civiles et religieuses anglaises, l’idéal
maçonnique, celui d’Isaac Newton, rêvait de substituer aux dogmatismes le
débat sur le progrès scientifique, de desserrer l’étreinte, de casser les
rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index
de l’époque. Cette histoire, ces convictions, la franc-maçonnerie peut les
assumer avec fierté. Elles fondent son engagement. Elles marquent ses
traditions. Trois siècles ont passé et vous tenez à ce que vos travaux
continuent de s’accomplir dans la liberté, le refus des certitudes,
l’ouverture internationale, en recherchant toujours l’indispensable sérénité
dans laquelle doit être menée la réflexion, loin de l’agitation du monde. Sa
fidélité aux traditions, son engagement au service de l’homme, la
francmaçonnerie les a chèrement payés, persécutée par tous les
totalitarismes. (…)
Parce que les francs-maçons ont d’abord à coeur l’exigence d’humanisme,
ils sont aux avant-postes de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et
la xénophobie, contre les discriminations et tout simplement contre la
violence. Il n’est pour vous, de progrès individuel et collectif, de
véritable vivre ensemble, qu’affranchis des passions et des intérêts
particuliers, des communautarismes et des intégrismes, des ignorances et des
antagonismes qu’elles engendrent. (…) Cet anniversaire qui nous rassemble
aujourd’hui, vous le vivez, j’imagine, comme un engagement renouvelé pour
l’avenir, pour d’autres progrès, d’autres libertés. Aujourd’hui, je veux
saluer votre action qui a joué un rôle essentiel dans l’enracinement de
l’idéal républicain en France. En vous recevant toutes et tous, je souhaite
vous témoigner le respect de la Nation pour ce que vous êtes et pour ce que
vous faites. Je vous en remercie».
«S’enrichir du regard des autres»
Deux jours plus tard au Quai d’Orsay, dans la même circonstance, le
ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin devait
également apporter sa note personnelle à la commémoration. Extraits de son
intervention: «Ici réunis, vous formez le symbole de la profonde diversité
qui est la vôtre. Diversité de vos obédiences, diversité de vos écoles de
pensée, diversité géographique, puisque vous êtes issus de France, mais
aussi de toute l’Europe, du Proche et du Moyen- Orient et de l’Afrique. Mais
ce qui est remarquable, c’est de voir à quel point cette diversité s’incarne
dans un esprit commun, dans des idéaux partagés, forgés au fil des siècles
avec une constance et une fidélité particulières.
Aujourd’hui, dans un contexte de montée des peurs et de l’irrationnel,
les valeurs de progrès, de tolérance et de liberté sont plus que jamais
indispensables pour redonner à l’homme la place qui lui revient dans notre
action - la première de toutes. À l’aube d’un nouveau siècle où les
identités et les civilisations jouent un rôle chaque jour plus central, vos
idéaux sont aussi ceux qui peuvent permettre à chaque culture de s’enrichir
du regard des autres. Il est donc naturel que le ministère des Affaires
étrangères soit associé à cette commémoration. D’autant que l’histoire de
votre courant de pensée est, dès son origine, marquée par la dimension
internationale. (…) Un héritage tel que le vôtre - j’entends le mot héritage
dans son acception vivante - vous engage à apporter une contribution
essentielle aux grands enjeux du monde. La globalité des menaces auxquelles
nous sommes confrontés, du terrorisme à la prolifération des armes de
destruction massive, de la criminalité organisée à la destruction de
l’environnement, montre bien que l’humanité tout entière est aujourd’hui
embarquée dans le même navire, soumise aux mêmes intempéries, placée devant
les mêmes devoirs. À nous d’en prendre la mesure, en cherchant à définir une
nouvelle architecture internationale, qui place le respect et le dialogue au
centre de la communauté mondiale. Une architecture qui s’appuie sur une
triple exigence de justice, de solidarité et de responsabilité».
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