Mémoire d’un itinéraire
La Maçonnerie, parcours initiatique
Le parcours est un chemin, un circuit, voire une course. C’est se
déplacer dans un lieu. Tu peux aussi traverser ce lieu et même franchir une
distance donnée avec des obstacles.
ROBERT EDMOND LAVERRIÈRE (Revue maçonnique suisse: août/septembre
2004)
Pour chacun le parcours est synonyme de difficulté. Et dans la mémoire,
ce n’est pas forcément le meilleur souvenir du sportif et du soldat, c’est
selon. C’est aussi la manière de ROBERT EDMOND LAVERRIÈRE* présenter la vie
de quelqu’un. Voilà une définition rapide pour mettre en place les souvenirs
qui te viennent en mémoire ce soir. Dans l’histoire des hommes aucun
parcours initiatique ne se fait seul. C’est l’action d’être reçu dans un
groupe. Pour toi ce fut visiter dans toute son étendue la connaissance et la
pratique des mystères d’une société comme la nôtre. Ton parcours est un
itinéraire dans un monde dont tu ignorais l’existence avant de frapper à la
porte du temple. C’était hier, tu t’en souviens? Tu n’avais pu, avant,
reconnaître les lieux. Ton futur frère, ton parrain t’avait dit de ne pas
trop te faire de soucis, et pourtant! Tu partais pour un lieu inconnu, plein
de mystère et de non-dits. Ton parcours initiatique pouvait commencer.
Tu croyais aller vers quelle destination, lorsque tu es entré dans ce
local étroit et tout sombre? Comme un petit soldat qui va commencer son
parcours du combattant? Question parcours tu n’avais alors qu’une idée
d’arrêt. Ce fut ton premier obstacle, dans la nuit, cherchant tes idées à la
lumière d’une petite bougie. Tu te préparais à partir pour un lieu inconnu.
Que venais-tu faire ici? Ce n’était pas une tombe mais cela y ressemblait un
peu, non? Pourtant tu n’étais pas seul. Tu avais pour compagnon de cellule
cette tête passée dans le trépas.
Pas n’importe quel combattant
Pourquoi débuter ce parcours en pleine terre, là où des siècles avant toi
tes aïeux avaient décidé de partir du refuge qu’était la grotte? C’était
autrefois ; initiés aux mystères de cette cavité dans la montagne, tes
ancêtres avaient choisi un parcours dit initiatique pour suivre le soleil,
et les migrations de certains animaux servant à leur pitance. Ce local exigu
symbolisait donc aussi cette grotte. Celle que Platon décrira un jour pour
le bonheur des étudiants en philosophie.
Tu sortais du cabinet de réflexion, demeure alchimique, où les questions
semblent sans réponse. Savais-tu que tu quittais ton premier compagnon de
route? Petite tête de macchabée, muette certes mais qui semblait te
connaître, murmurant dans ton esprit: «bonne route!». Et aussi: «Ce que tu
vas découvrir, je l’ai connu avant toi, alors courage».
Vers quelle destination pensais-tu aller lorsque, les yeux bandés, tu
suivais ton guide? Ton parcours dans la nuit et les bruits fut parsemé
d’obstacles que ton esprit avait de la peine à matérialiser. Même ton
imagination débordante était à l’arrêt. Où étais-tu? La notion de limite
allait s’estomper. Le parcours du combattant allait commencer. Pas n’importe
quel combattant, celui dont les armes n’existent que dans l’esprit. Les
obstacles furent nombreux à appréhender. Ton combat fut contre toi-même.
Alors les voyages devinrent le début d’une initiation, le trajet du parcours
était en place. Tu allais sortir de l’ombre, découvrir la Lumière. Tu
croyais avoir déjà connu ce sentiment. Or, ici il était différent. Le
premier itinéraire était franchi.
L’émotion vraie
Ce que les anciens frères te donnent comme explication n’a de valeur que
par ta faculté d’appréhension et de par ton ressenti. Ton itinéraire est
fait d’arrêts, sortes d’obstacles symboliques chargés d’émotions.
Le parcours initiatique demande de faire de petits détours accompagnés
par des frères. Nos chemins de traverse nous conduisent vers les autres dans
des actions de solidarité et d’entraide, sur un itinéraire où se mélange
l’action profane et l’action maçonnique. Le degré de connaissance ésotérique
et symbolique n’a pas d’importance, car il s’agit d’une partie du parcours
fait en groupe. C’est l’apprentissage de la fidélité, de l’amitié et de la
fraternité. Te souviens-tu de ces instants intenses où tu partageais ces
repas ou ces agapes, et de ces frères qui debout portaient une santé à la
loge? Tu as certainement été saisi intérieurement, tant l’émotion devenait
envahissante pour toi.
Et puis ce fut ton tour de devoir parler. Alors tu as peut-être un
instant dû faire un énorme effort sur toi-même. Et ton intervention fut à la
hauteur de l’événement, simple, humble et fraternelle. Le parcours
initiatique devenait convivial. Tu avais enfin compris la notion de partage.
À chaque grade tu vas avoir un trajet différent, mais qui reste, toujours,
dans la ligne tracée. À chaque poste, à chaque charge, ton parcours
initiatique devient plus exigeant pour toi-même. Il est défini selon les
rituels, tu ne peux toutefois le connaître sans l’avoir vécu.
Comprendre les bases de l’initiation et repartir vers la lumière
Compagnon, puis maître, tu trouveras ce chemin digne d’intérêt, difficile
à décrypter au début. Ton itinéraire initiatique va te demander de t’asseoir
sur le bord du chemin. Décrypter, voilà bien le mot qui convient. Retourner
dans la crypte de l’église de Jean? Rechercher ton chemin dans
l’architecture du temple. Revenir vers l’ombre, retourner dans la grotte,
vers cette demeure sombre qui protège. Comprendre les bases de l’initiation
et repartir vers la lumière. Pourquoi vouloir retourner dans cette grotte?
Si ce n’est pour être plus fort dans tes convictions intimes. Et aussi pour
prendre le chemin du pèlerinage. Et le long de ton parcours cette question
revenait, un peu lancinante dans ton esprit. Tu te demandais pourquoi être
sorti de cette cavité originelle, de cette demeure alchimique. Un beau
matin, pourquoi l’homme a-t-il quitté son refuge, qui était la grotte?
Cherchant cette aurore qui annonce le lever du jour, et qui chasse
l’angoisse de la nuit et la solitude dans le noir. Tu as retrouvé alors le
parcours initiatique, le message, et compris le symbolisme de l’ouverture
des travaux en loge, l’éclat du soleil de midi.
L’étoile du Nord la nuit, le vol d’oiseaux blancs le jour
Au long de ton itinéraire, les obstacles placés sur tes pas lors de
l’initiation ont trouvé une résonance et des explications. Ton trajet est
devenu plus accessible. Tu as toujours eu conscience qu’aucun itinéraire
n’est simple. La vie est ainsi faite, de joie et bien souvent de difficultés
qu’il faut savoir surmonter. Le parcours initiatique maçonnique est à
l’image de la vie, mais il possède cette force de pouvoir comprendre vite,
et cette sagesse de l’écoute des autres.
Alors ton chemin t’a conduit sur un chantier très symbolique: la
construction du temple. C’est un chantier placé sur une colline, tu allais
donc connaître les notions de gravir encore quelques mètres. Monter et
descendre, passer des obstacles, le parcours du pèlerin devenait celui du
constructeur. Combien d’escaliers as-tu dû emprunter pour arriver sur le
lieu de ton travail, le compas à la main et l’équerre à la ceinture?
Ton rêve vers la beauté te demandait d’agir chaque jour pour le bien ou,
disons-le mieux, avec tes frères, et aussi à partager avec des inconnus tes
connaissances du chemin emprunté. C’est dans ton esprit que cela se passe,
le serment du secret initiatique t’interdit de donner bien des explications
aux profanes croisés sur ton itinéraire.
Tu rêves de ces navigateurs du début de l’humanité, cherchant dans la
nuit le lever du soleil, guidés par les étoiles. Parfois avionsnous
conscience que notre parcours est une sorte de jeu de l’oie. L’éternel
oiseau migrateur qui conduisait ces navigateurs affrontant les mers, dignes
descendants de Noé, notre illustre père à tous. C’est-à-dire aux nautes qui
sortirent des grottes pour découvrir le monde. Et qui inventèrent la planche
qui flotte et les outils pour la confectionner. Sur leur arche, ils ont pris
la mer vers une destination dont l’itinéraire semblait tracé par les dieux.
Et la grotte était derrière eux. Comme dans notre parcours, le cabinet de
réflexion.
L’itinéraire était donné par l’étoile du Nord la nuit, et par le vol
d’oiseaux blancs le jour. Ce bel oiseau qu’est l’oie sauvage, assimilée au
soleil a donné la Mère d’El. Soit la mère du Soleil et par tradition dans le
langage des oiseaux ou initiatique, la marelle ou le jeu de l’oie. Cette spirale
qui est notre parcours initiatique symbolisé sur les premiers vestiges de pierre
de l’humanité. La patte de l’oie est également le symbole de la coquille Saint-
Jacques sur le chemin de Compostelle.
Voilà, frère lecteur, ce parcours initiatique qui est certainement le
tien. Ton frère à tenu à partager un petit moment avec toi en évoquant ce
beau trajet que nous avons ensemble.
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