L’aboutissement d’un long processus, toujours perfectible
Une pierre blanche dans l’histoire de l’humanité
Les francs-maçons ont suffisamment été les victimes de l’arbitraire
pour connaître le prix et la valeur des droits liés à la personne. Qui
s’attache à les promouvoir renforce sa propre liberté.
Jacques Tornay, rédacteur Alpina (Revue maçonnique suisse: avril 2007)
On pourrait penser la Déclaration universelle des droits de l’homme issue
d’un collectif de juristes épris des meilleurs idéaux. En fait, ce court
texte en trente articles qui exprime une quintessence de la dignité humaine
plonge ses racines très loin dans le temps, c’est-à-dire dès que l’homme
s’est mis à penser sa relation avec un pouvoir en place. Le document de 1948
a été conçu pour une application universelle, il ne cite aucune doctrine ou
régime particuliers, situant le champ de son action sur un plan général et
considérant égaux tous les membres de la famille humaine sans distinction de
statut social, de race et de croyance. Il aura fallu des siècles pour
parvenir à une telle conception des êtres, proclamée à l’échelle
internationale, et approuvée par une majorité de pays.
On a souvent dénoncé la Déclaration comme étant un moyen de pression
occidental pour s’ingérer dans les affaires publiques d’autres Etats et, par
là, de poursuivre des visées néo-colonialistes. On se souvient en effet des
années de la Guerre froide où l’Occident brandissait régulièrement les
droits humains comme une arme idéologique à l’encontre des dictatures
communistes. À l’inverse, les opposants aux juntes militaires d’Amérique
latine ou d’ailleurs utilisaient les mêmes arguments pour dénoncer
l’oppression. En 2007 la planète compte moins de gouvernements totalitaires
qu’il y a vingt ans, et les représentants de nos démocraties hésitent
parfois à évoquer ces fameux droits, car les intérêts économiques
l’emportent souvent sur ceux des gens. La Déclaration reste cependant
d’actualité. Certains points pourront être revus et formulés différemment à
l’avenir mais sa base est intangible. Songeons seulement que ce bref écrit a
été rendu possible grâce à une horde de penseurs qui se sont succédés de
l’Antiquité à nos temps modernes. Parmi ceux qui ont fait avancer la
réflexion, on peut citer Sophocle, Socrate, Locke,Voltaire, Kant, Rousseau,
Frédérick II, Hobbes, Pestalozzi, Grotius et combien d’autres passés à la
postérité ou demeurés dans l’ombre. Religieux, hommes d’Etat, philosophes,
savants, francs-maçons, écrivains, etc. des hommes et femmes de plusieurs
courants ont apporté leur pierre à l’édifice. Aucune dénomination dans ce
domaine ne détient le monopole et c’est heureux puisque les intérêts de la
personne valent que tous se mobilisent pour les faire valoir ou les
sauvegarder.
Des propositions sur lesquelles tous les peuples devraient s’entendre
Nous devons revenir à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
adoptée par l’Assemblée nationale française le 26 août 1789 pour considérer
l’importance de cet événement. La phrase introductive de l’article premier
dit: «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits». L’accent
est mis sur la Nation, avec une majuscule, sur la société, le bien commun et
la cause publique, devant servir autant qu’être servis par l’individu. Il
faut lire ce texte dans son cadre historique pour en percevoir les limites,
néanmoins il fait date dans le mouvement des idées. Paris le réaffirmera,
compte tenu des nouvelles réalités, le 27 octobre 1946, puis douze ans plus
tard. Y sont toutefois omniprésentes les notions républicaine et
territoriale. La version onusienne annonce, elle, une vision globale des
droits en évoquant de façon plus directe et mondialiste qu’auparavant la
démocratie, la paix et la liberté. La notion capitale demeure celle de
droits «inaliénables» ou «imprescriptibles» et sur cette pierre s’édifiera
ce que l’on peut considérer comme une utopie devenue réalité car les
prérogatives humanistes, même encore trop ignorées par beaucoup,
représentent un levier pour un vrai progrès en termes de civilisation. Leur
mise en oeuvre peut s’accommoder de différences culturelles. Il est
d’ailleurs faux de leur attribuer une origine exclusivement occidentale.
D’autres peuples y ont travaillé depuis fort longtemps. Citons la Charte du
Manden, au Mali. Enfin, la célèbre maxime: «Ne fais pas à autrui ce que tu
ne voudrais pas qu’il te fasse» n’est pas de Diderot ni de Lessing mais de
Confucius.
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