Pour une responsabilité pleine et entière
Le réchauffement climatique, mythe ou réalité ?
La Grande Loge Suisse Alpina nous a proposé d’entreprendre
une réflexion sur le réchauffement climatique
et le changement de mentalité. Il convient de séparer
cette réflexion en trois phases : l’une sur les données
scientifiques, la deuxième sur les prévisions, et la troisième
sur les conclusions à en tirer.
Stéphane Pannatier – Loge Pensée et Action, Martigny (Revue maçonnique suisse:
décembre 2008)
Nous nous permettons de revenir sur les données scientifiques car il est
primordial de bien comprendre ce qui nous attend afin de mieux cibler
notre action politique. Au cours des 140 dernières années, la température
moyenne à la surface de la planète a augmenté de 0,5 à 0,7°C. La dernière
décennie du XXe siècle (1990-2000) a été la plus chaude depuis 1000 ans.
Ces chiffres ne paraissent pas dramatiques au premier abord, mais quand
on sait que lors de la dernière glaciation il y a 18 000 ans, la température
était seulement de 4 à 5°C inférieure à la température actuelle, on
comprend mieux qu’un changement de température apparemment infime
mène à de profonds bouleversements climatiques à l’échelle planétaire.
À titre d’exemple, l’augmentation de température constatée depuis la
Deuxième Guerre mondiale a engendré une diminution de la banquise
arctique de plus de 40%.
En parallèle, on observe que le CO2 a augmenté de 30% en 250 ans et le
méthane de 140% ! En 2001, dans un troisième rapport (Third Assessment
Report, Summary for Policymarkers), les experts mondiaux du Groupe
d’Experts intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) ont révélé que
le niveau de concentration en CO2 n’a très vraisemblablement jamais été
aussi important depuis 20 millions d’années et que de nombreux autres gaz
à effet de serre ont atteint un niveau sans équivalent connu.
Si la Terre il y a quelques millions d’années a connu des concentrations de
gaz à effet de serre plus élevées qu’aujourd’hui, le climat était également
totalement différent du nôtre. Mais personne ne sait si l’homme aurait
pu survivre à un tel climat, le premier Homo Sapiens étant apparu il y a
seulement 250 000 ans et l’homme de Cro-Magnon, notre ancêtre direct, il
y a tout juste 50 000 ans. Et c’est bien là le problème : quoi qu’il arrive avec
le réchauffement climatique, la Terre s’en remettra. Mais nous, allons-nous
y survivre ?
Que va-t-il se passer ?
Les scientifiques estiment que la Terre va se réchauffer de 1 à 5°C au cours du
21e siècle, atteignant ainsi son seuil le plus chaud depuis 135 000 ans. Mais
deux nouvelles études indépendantes de l’ONU concluaient en avril 2002
que le réchauffement climatique avait vraisemblablement été sousestimé et
se situerait plutôt entre 5,8 et 6,9°C vers 2100. Cela pourrait impliquer le
retour du paludisme dans des régions comme l’Europe. En outre, les 95%
des glaciers alpins sont appelés à disparaître d’ici 100 ans.
Le réchauffement climatique s’accompagne également de phénomènes
météorologiques extrêmes. Depuis 1998 nous avons pu observer une
recrudescence des catastrophes climatiques dans le monde, parmi
lesquelles : inondations en Chine et au Moyen-Orient; gigantesques
incendies en Indonésie, au Brésil et en Australie; cyclones en Amérique
centrale; sécheresses en Mongolie et au Texas; tempêtes en Europe
(Lothar, Martin…).
En Suisse
Il y a quelques années, la perspective d’un climat plus méditerranéen
réjouissait beaucoup de gens, qui s’imaginaient sous les parasols au bord
de la Grande Bleue…
Un climat plus méditerranéen, cela signifie des étés plus chauds et plus
secs, et des hivers davantage pluvieux qu’auparavant. Concrètement,
cela veut dire que la limite des chutes de neige est en train de monter,
condamnant déjà la pratique des sports de glisse dans certaines de nos
stations de moyenne altitude (1000 m). En revanche, au-dessus de cette
limite il va neiger davantage, avec un risque accru d’avalanches. Quant au
recul des glaciers, il pourrait avoir une incidence sur l’écoulement de l’eau
dans les rivières et, à long terme, sur le remplissage des barrages, donc sur
notre approvisionnement en énergie hydraulique.
Actuellement à une certaine altitude, aux environs de 3000 m, mais
aussi beaucoup plus bas dans des zones constamment à l’ombre, le sol
est gelé en permanence. C’est ce qu’on appelle le pergélisol (permafrost
en anglais), qui garantit la stabilité du sol. Avec le réchauffement le sol a
tendance à se dégeler et sa cohésion n’est plus assurée. On peut donc
s’attendre à des glissements de terrain ainsi qu’à des coulées de boue et
de lave torrentielles.
Quels sont ces gaz à effet de serre qui nous posent problème ?
CO2, méthane, protoxyde d’azote, ozone, dioxyde de souffre, CFC, HFC,
PFC, SF6, HFE. Tous ces gaz sont responsables à des degrés divers de
l’effet de serre. Ils n’ont pas tous la même durée de vie dans l’atmosphère.
Le CO2 a une durée de vie d’environ 200 ans alors que le groupe des PFC
peut aller jusqu’à 50 000 ans, avec un pouvoir de réchauffement 9000 fois
supérieur à celui du CO2. De ce fait, nos efforts ne doivent pas se focaliser
uniquement sur le gaz carbonique, mais doivent également prendre en
compte les autres gaz.
On produit chaque année 7 milliards de tonnes de CO2, alors que le système
terrestre ne peut en absorber que 4 milliards. Pour arriver au taux des années
1950 et donc à un certain équilibre, il faudrait réduire nos émissions actuelles
de moitié.
Protocole de Kyoto
En 1992, une première convention sur les changements climatiques a été
adoptée à New York. Ce texte précisait que «(...) l’absence de certitude
scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l’adoption
de mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des
changements climatiques et en limiter les effets néfastes». Plus de 124 pays
ont signé le Protocole de Kyoto, qui stipule en substance que d’ici 2008 les
Etats signataires devront revenir au niveau d’émissions de gaz à effet de
serre de 1990 et les réduire encore de 5% dans la période 2008-2012.
La Suisse et l’Europe se sont engagées à abaisser entre 2008 et 2012 les
émissions de 6 gaz à effet de serre de 8% par rapport à la situation de 1990.
Si ces objectifs ne sont pas atteints la Suisse instaurera une taxe sur le CO2,
au plus tôt en 2004. Cette redevance s’élèvera au maximum à 50 centimes
par litre de carburant. L’intégralité de son produit sera reversée aux citoyens
et à l’économie.
C’est maintenant qu’il faut agir
M. Rudolf Kellenberger, membre du comité exécutif de la Suisse de
Réassurance, résume très bien la situation dans la brochure Climat et
risques. «(...) Plus le climat subit des modifications rapides et en profondeur,
plus nous courrons le risque de voir des situations météorologiques extrêmes
s’accompagner de dommages inassurables, ne pouvant plus être pris en
charge ni par les assureurs privés, ni par les fonds d’indemnisation publics.
Dommages qui ne constituent plus un danger pour des citoyens isolés, des
familles ou des entreprises, mais qui mettent en péril des villes, des pans de
l’économie et qui, d’une manière globale, menacent l’existence d’Etats et
de sociétés tout entiers. Bref, ces dommages, mieux vaut ne pas en courir
le risque parce qu’ils ne sont plus maîtrisables. La publication de Climat et
risques, de la Suisse de Réassurance, ne manquera pas de semer le trouble.
Or le calme qui règne encore ne serait-il pas le calme avant la tempête ?»
Le changement climatique n’appartient pas à l’avenir, il concerne le présent.
C’est maintenant qu’il faut agir ! Le fait de persister dans l’attente ne va
pas réduire l’incertitude. Tandis que les dommages potentiels vont, eux,
augmenter à coup sûr. Et lorsque nous serons certains de ce qui peut arriver,
il sera déjà trop tard.
Si l’on se veut responsable, nous ne pouvons rester indifférents face à de
tels enjeux. Nous oeuvrons à l’édification du Temple lors de nos travaux, mais
ne devons-nous pas aussi oeuvrer à l’extérieur pour une responsabilisation
de nos concitoyens ? Chacun peut agir, que ce soit dans ses déplacements,
à son domicile ou sur sa place de travail. Pourquoi ne pas choisir une
voiture adaptée réellement à ses besoins quotidiens plutôt que déplacer
2,5 tonnes de carrosserie pour une ou deux personnes ? Faut-il réellement
aller chercher son pain en voiture le dimanche matin ? Ne pourrions-nous
pas prendre un bon bol d’air en y allant à pied ? Nous pouvons également
consommer des produits élaborés près de chez nous. Ainsi, non seulement
nous revaloriserions nos propres productions, mais encore nous polluerions
moins. Les carottes suisses sont-elles moins bonnes que celles d’Afrique
du Sud ? Renonçons-nous vraiment à notre confort en consommant
intelligemment ?
La franc-maçonnerie se doit de croire en la responsabilisation individuelle
de ses membres et des citoyens dans leur mode de consommation. Cela
pour éviter d’en arriver aux seules mesures de contraintes qui restreindraient
d’autant nos libertés individuelles.
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