Thème
Le Maçon dans le temple et la vie profane
L’engagement et le comportement du
maître maçon en loge et dans la vie profane
se trouvent notamment consignés
dans le Code maçonnique en vigueur au
sein de la GLSA, document remis à chaque
nouvel apprenti au terme de son
initiation. J'admets ne pas le consulter
souvent et pourtant sa lecture, même
espacée dans le temps, nous permet
d’évaluer l’état de nos qualités et
défauts, par conséquent d’évoluer.
Bernard Demont - Progrès et Vérité, Bex (Revue maçonnique suisse: mars 2009)
Notre but est en définitive un développement
personnel constant afin
de participer à la construction du temple
idéal de l’humanité. L’engagement ne
serait-il pas avant tout l’attitude d’un
homme libre et de bonnes moeurs qui,
prenant conscience du monde dans
lequel il vit, renonce à en être un simple
spectateur et met sa pensée, ses connaissances
et toute son énergie au service
d'une cause profitant à l'individu en particulier
et à l’humanité en général ? Selon
les Constitutions d’Anderson la loge est
un lieu où les maçons s’assemblent et travaillent.
J’insiste sur le mot travail, celuici
devant se poursuivre impérativement
en dehors de l'atelier.
Participer aux travaux et rencontrer ses
frères est un chose, appliquer dans le
monde profane ce qui a été appris en est
une autre. Et si l’apprenti et le compagnon
sont en droit de s'interroger sur les enseignements
qui leur ont été inculqués, le maître,
lui, s'engage à faire chaque soir le bilan
de ce qu’il sème, non seulement en loge
mais encore et surtout à l'extérieur, là où
l’essentiel de son existence se déroule.
Faire surgir la réalité sous le fatras
La franc-maçonnerie sera condamnée le
jour où ses maîtres n’auront plus l'envie
de se surpasser et de semer dans le monde
profane. Certes, chaque maître essaie
d'agir de son mieux et il ne lui est pas
demandé d'accomplir des exploits. Il n’a
pas l’obligation de réussir, mais celle de
faire son possible. Qu’est-ce donc qui l'incite
à se lever le matin pour entreprendre
sa tâche, consentir à des efforts, qu’estce
qui le pousse vers l'action ? Ce sont évidemment
ses devoirs familiaux et professionnels,
ainsi que sa volonté de poursuivre
son propre perfectionnement, celui
de ses frères, sachant que l’ont peut
beaucoup apprendre de l’autre et avec la
motivation nécessaire contribuer à l’édification
d’un monde meilleur. Le comportement
du maître dans la loge consiste
avant tout à communiquer. Cela dans le
but d'informer, d'enseigner, de transmettre,
d'échanger. La communication signifie
savoir être en relation. En l’absence de
tout dialogue s’installe le silence, et comment
connaître les aspirations et les
attentes des autres si l'on ne sait les
écouter et les comprendre ? En intégrant
notre fraternité on aspire à découvrir ce
qui nous interpelle dans le coeur ou l’âme
et nous pousse à tout remettre en question,
à vouloir changer, à vivre autrement
dans un monde basé sur les valeurs
les plus élevées. Nous sommes venus
chercher la lumière en frappant à l’huis
du temple, mais nous serions de piètres
serviteurs si nous la gardions égoïstement
pour nous-mêmes.
Lorsque l’on nous confie la pierre brute à
laquelle nous devons travailler à l’aide du
maillet et du ciseau, on nous fournit l’emblème,
l’image de l’état d’imperfection
dans lequel on se trouve. Cette pierre
informe représente par conséquent tout le
travail à accomplir sur soi en vue de faire
surgir la réalité cachée sous le fatras des
illusions accumulées depuis longtemps.
Ne pas se laisser circonvenir par les idées
toutes faites
Afin d’édifier le temple idéal de l’humanité
et, plus prosaïquement, d’améliorer
un tant soit peu le monde dans lequel
nous vivons la franc-maçonnerie doit
pouvoir compter sur des membres qui
tiennent leurs promesses faites à l’égard
de leurs semblables, et cela par leurs
actions dans la vie courante.
Tout commence dans le cercle familial de
chacun, par le respect de chacune de ses
composantes et le souci permanent
d’éduquer nos enfants en accord avec les
valeurs fondamentales de l’humanité
auxquelles nous avons souscrits. Elargissons
la famille à la société dans laquelle
nous évoluons, en prenant part à la vie
associative, en assistant ceux et celles
dans la nécessité, en s’engageant dans
des activités sociales, professionnelles,
politiques ou culturelles. De telles implications
présentent une attitude résolument
maçonnique.
Il importe de mettre en pratique une
certaine aptitude à l’ouverture et à la
compréhension des autres et de leurs
problèmes. Exprimons-les au travers
d’actes empreints d’abnégation et conformément
à nos choix éthiques plutôt
que par de beaux discours. Ces aide et
compassion que nous apportons à nos
semblables, ne serait-ce que par l’exemple,
inscrivons-les dans une perspective
de justice. Allons au-delà de
nos préjugés, exerçons la charité et
offrons notre amour à toute personne,
quelles que soient sa condition, son
appartenance ethnique et sa religion.
Ne nous laissons pas circonvenir par les
idées toutes faites et posons-nous les
bonnes questions, évitons d’asséner nos
propres vérités et laissons la porte
ouverte aux avis d’autrui. En présence
de situations conflictuelles le francmaçon
aura à coeur dans toute la
mesure du possible et de par sa capacité
de pondération d’apporter calme et
apaisement. Plus généralement, essayons
à notre niveau et avec les moyens
non-négligeables à notre disposition de
lutter contre l’envahissement de notre
société par les valeurs fallacieuses de
l’argent et de l’individualisme forcené.
Si nous sommes vraiment désireux de
combattre l’injustice et de faire respecter
la dignité humaine en tout temps,
lieu et circonstance, que chacun de
nous dès lors commence dans l’immédiat
à faire ce qu’il peut.
Ce bonheur de vivre qui semblait nous
échapper
Qu'en est-il ainsi du maçon dans le temple
et la vie profane ? Y répondre correspond
exactement à la quête initiatique
: même interrogation, même réponse.
L’une et l’autre focalisent la réflexion sur
soi ; l’une et l’autre invitent à chercher
au-delà des apparences la réalité
authentique de notre moi. Nous sommes
en effet entrés en maçonnerie parce que
nous étions dans les ténèbres et avons
désiré la lumière. Un tel énoncé revient à
reconnaître qu'avant notre initiation
nous étions dans l’aveuglement sur notre
propre identité et notre véritable destinée.
Aveugle, donc ignorant, enchaîné à
ses passions, préjugés, conformismes,
ambitions et vanités ; vulnérable de par
notre affectivité (le coeur à découvert) et
de ce fait boiteux car tiraillé entre des
aspirations et des exigences contraires.
Pareil état symbolise, en le caricaturant,
celui que nous étions à notre entrée en
maçonnerie. Parvenu au milieu de notre
vie (à midi), ayant réglé de façon plus ou
moins heureuse nos problèmes majeurs
(insertion dans la société, famille, profession,
vie affective, etc), nous éprouvons
malgré tout une insatisfaction diffuse
et inexplicable, une forme de culpabilité
par rapport à ce qu’aurait pu
être notre vie.
Nous pressentons avec une acuité variable
que nos réussites et nos échecs
n’avaient qu’une importance relative,
parce que nous ne savions pas les inscrire
dans une perspective véridique, parce
que nous n’avions pas trouvé le sens de
la vie.
Cela explique que nous avons à un
moment entendu l’invitation d’un ami,
qui plus que tout autre paraissait «bien
dans sa peau», à le suivre dans une aventure
nouvelle, totalement gratuite et susceptible
de nous apporter ce bonheur de
vivre qui semblait nous échapper. Nous
avons symboliquement reçu la lumière,
c’est-à-dire qu’il nous importe de comprendre
ce qui nous est effectivement
arrivé. Une longue pratique de l’Art Royal
est nécessaire pour espérer saisir en quoi
consiste la dite lumière.
Plusieurs lignes de solidarités
La prise de conscience immédiate que
nous ne sommes pas seuls, isolés, prisonniers
de notre ego, mais au contraire le
maillon d’une chaîne de solidarités horizontales
et verticales, cette conscience
donne déjà, avec la joie de la découverte
de la nouvelle fraternité, le sens vers
lequel cheminer pour accomplir notre
démarche vitale et essentielle.
Auparavant, un avertissement nous avait
été donné dans le cabinet de réflexion
par l'appel : «Visite l’intérieur de la terre
et en rectifiant, tu trouveras la pierre
cachée». Pour se connaître soi-même,
conformément à la prescription de toutes
les formes d’initiation, il importe de descendre
au plus intime de soi et ne pas se
contenter de notions complaisantes ni
d’apparences superficielles. Chacun se
perçoit comme un individu ayant ses
caractères propres et une destinée particulière
: double erreur de perspective car
de même le point en soi n’existe pas mais
prend réalité par le croisement de deux
droites, de même notre individualité
n’existe et ne prend de sens que par le
croisement de plusieurs lignes de solidarités.
La conscience de celles-ci, loin de
la diminuer ou de la retrancher, donne au
contraire à notre individualité sa véritable
dimension, son utilité et sa fécondité.
La solidarité horizontale est évidente :
celle de l’espèce humaine qui a ses côtés
négatif (les contraintes que cette promiscuité
nous impose) et positif (le fruit
d’échanges gratifiants et le bonheur que
l’ont peut en recevoir et y apporter). La
solidarité verticale est moins perceptible
: nous sommes le produit de notre
histoire avec ses divers considérants.
L’histoire de la vie, donc de l’humanité,
est elle-même orientée vers une spiritualité
croissante ; si nous voulons que notre
vie ait un sens, il convient de l’inscrire
dans la vocation de l’humanité. Terminons
par ces vers anglais du XVIIIe siècle :
Grand Architecte de l’Univers, Dirigenous
par un effet de Ta Miséricorde la plus
grande. Fais que par nos vies et par nos
actes, Nous puissions convaincre les profanes
de la foi qui est en nous Et que le
Métier puisse en être plus honoré.
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