Thème
Notre responsabilité dans
le domaine social
Cette responsabilité? Mais elle est
ancrée dans les Principes généraux de
la Grande Loge Suisse Alpina. Plus précisément,
dans son article troisième :
«L'Alliance maçonnique a pour but le
développement moral de ses membres
et la pratique des principes humanitaires.
Plus loin il est question de l'émulation
au devoir social par le bon exemple
personnel et l'exercice de la bienfaisance.
Roger Jomini - Tolérance et Fraternité,
Genève (Revue maçonnique suisse:
octobre 2010)
O n sait que deux maçons suisses
reçurent le Prix Nobel de la Paix.
L'un, Henry Dunant, initié en Algérie,
l'autre Elie Ducommun, d'un atelier
genevois. La revue Alpina a consacré au
second un numéro entier voici quelque
temps. Né à Genève en 1828, Henri (ou
Henry) Dunant entre dans l'histoire un
peu par hasard. Quand il part pour l'Italie
à la fin du printemps 1859 il n'imagine
pas qu'il va bouleverser les mentalités
de son temps. Le but de son voyage
est d'obtenir de Napoléon III, qui se bat
en Lombardie, les terres et les points
d'eau pour développer ses affaires en
Algérie. Ses créanciers le harcèlent, et
ses employés indigènes sont sur le point
de se révolter. De surcroît, au-delà des
contingences matérielles qui le menacent
de la banqueroute, le jeune colon
risque de faillir à une autre promesse:
celle d'établir sur ses terres une ère de
concorde et d'avenir radieux. Mais en
Italie, face à la souffrance des blessés
qu'on laisse à leur tris te sort sur le bascôté
des chemins, son coeur ne peut
rester indifférent. Heurtent son esprit
les images des victimes de Solférino,
l'odeur atroce des corps en décomposition,
lesmouches qui tournoient, les larges
traînées brunâtres du sang desséché.
À défaut de pouvoir soulager les
blessés il rédige pour eux des lettres
qu'il promet d'adresser à leurs familles.
Dunant publie, à ses frais, en 1862 Un
souvenir de Solférino qui suscite un
formidable élan. À Genève, un Comité
des sages met sur pied les modalités
d'une conférence internationale.
Dunant invite les cours d'Europe à
signer une convention qui légiférera en
matière de secours aux blessés de
guerre. Il réussit pleinement. Mais il
doit rapidement quitter Genève et fuir
ses créanciers. La jeune Croix-Rouge
dont il est l'inventeur et le secrétaire a
choisi de se séparer de lui. C'est en
paria, à Heiden, qu'il va vivre les trente
prochaines années de sa vie. Heureusement,
loin de l'ingrate Genève il est
redécouvert par des étrangers. Recevant
le Prix Nobel, il en fait verser l'argent
à ses créanciers.
Longue cohorte des crimes de guerre
Les Conventions de Genève sont censées
être appliquées par les 194 Etats les
ayant ratifiées. Le premier texte, intitulé
la Convention pour l'amélioration du
sort des blessés dans les armées de campagne,
date de 1864. Mais devant les
avancées technologiques destinées à
donner la mort, ce document n'a cessé
d'être complété. En 1899, la deuxième
convention porte sur les lois et coutumes
de la guerre sur terre, alors que la
troisième est une adaptation à la guerre
sur mer. Une nouvelle révision sort en
1906. En 1925, au lendemain de la Première
Guerre mondiale, le premier protocole
additionnel interdit «l'emploi des
gaz asphyxiants, toxiques ou similaires,
et les moyens bactériologiques». En
1929 les travaux portent sur la question
des prisonniers de guerre. Tous ces documents sont révisés en 1949, et forment
les quatre Conventions de Genève,
la dernière traitant du cas des civils. Elle
sont complétées en 1977 et 2005 par
des protocoles additionnels. Le nonrespect
de ces mesures est passible de la
Cour pénale internationale, ou de la
Cour internationale de justice qui, toutes
deux, siègent à la Haye, en Hollande.
Pour l'anecdote, voici plus de six cents
ans, en 1393 très précisément, que la
confédération des huit cantons d'alors
fit imposer une loi militaire révolutionnaire,
dite loi de Sempach, qui assurait
protection aux civils.
Durant la Deuxième Guerre mondiale les
populations sont prises pour cible par les
belligérants. En France, en Angleterre,
en Allemagne, en Union soviétique, au
Japon, pas de pitié pour les enfants, les
femmes et les vieillards. Les bombardements
sont apocalyptiques. Qu'en est-il
aujourd'hui? Le fossé est encore
immense entre le noble idéal helvétique
et la situation sur le terrain. Lugubre
énumération : les génocides au Rwanda
et les viols en série en Bosnie durant les
années 90. Et Guantanamo. Plus proches,
les violences commises sur les
civils au Darfour, au Tchad ou au Congo.
Et la bande de Gaza, le Sri Lanka. Les
conflits qui s'éternisent en Irak et en
Afghanistan. Rien de nouveau sous le
soleil, aurait dit le roi Salomon, l'un des
mythiques fondateurs de la francmaçonnerie.
La Bible nous apprend que bien avant
notre ère les tribus israélites ne faisaient
pas de quartier à leurs adversaires vaincus,
les Madianites par exemple. On leur
prit 675 000 moutons, 72 000 boeufs, 61
000 ânes et 32 000 femmes vierges. Les
mâles et les femmes non vierges furent
exterminés. Beaucoup plus tard, les
campagnes de Napoléon furent si féroces
qu'au Congrès de Vienne la France
dut restituer la plupart des biens volés
en Europe, mais pas en Egypte. L'Allemagne
a dû rendre la plupart des biens
volés par les nazis sur le sol européen.
Par leur engagement social, les deux
hommes parmi les plus riches du monde,
Bill Gates deMicrosoft et Warren Buffet
ont bien assimilé le message. Ils font
mentir le dicton suisse selon lequel le
social c'est «quand les pauvres des pays
riches donnent aux riches des pays
pauvres».
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