Thème
Pensées pour nos frères illustres
«Celui qui dans la vie est parti de zéro pour n'arriver à rien dans l'existence, n'a de merci à dire à personne» Pierre Dac (1895-1975), franc-maçon et humoriste, ce qui n'est pas incompatible.
Roger Jomini - Tolérance et Fraternité, Genève
L e 20 juillet 1969, deux hommes sortent de
la navette Apollo, et sont les premiers à poser
le pied sur la lune. Le premier s'appelle Neil
Armstrong, il plante le drapeau américain. Le
second se nomme Buzz Aldrin, il plante le fanion
de sa loge maçonnique.
Remontons dans le temps, un peu plus de deux
siècles. Ce 4 juin 1783, la place du marché à
Annonay, non loin de Paris, est noire de monde.
De simples curieux, mais aussi des gens
importants venus de la capitale. Sur une
plateforme surélevée brûle un feu qui produit
beaucoup de fumée, car alimenté par de la paille
mouillée et de vieilles étoffes. Par-dessus, un
immense sac de taffetas, un ballon d'une dizaine
de mètres de diamètre. Sous les applaudissements,
cette «machine de l'aérostat» est libérée de ses
liens, et s'élève lentement, majestueusement,
vers le ciel. Elle monte à près de deux mille
mètres, puis atterrit à plusieurs kilomètres de
là dans un champ. Elle y est accueillie par de
nombreux paysans munis de fourches ; ils
détruisent la machine en laquelle ils voient la
main du diable. Telle est la première ascension
d'un ballon, un premier pas dans l'histoire d'un
vol humain. Se trouve réalisé, avec succès, le
rêve d'Icare.
Le progrès des Lumières
Le célèbre franc-maçon américain Benjamin
Franklin est parmi les spectateurs. Le génial
inventeur du cerf-volant, du paratonnerre, du
fourneau à bois, et des lunettes à double foyer.
Un badaud lui demande : «À quoi bon cette
machine ?». Avec sa bonhommie accoutumée
Franklin répond : «Eh, à quoi bon l'enfant qui
vient de naître?». Et dans son journal personnel
il écrit : «Ce ballon ouvrira les cieux à
l'humanité».
Un an auparavant, confortablement assis
devant sa cheminée, un homme méditait. Cet homme,
c'est Joseph-Michel de Montgolfier, membre de la
prestigieuse loge maçonnique «Les Neuf Soeurs»,
à l'Orient de Paris. Il est le fils d'un riche
fabricant de papier. Il s'interroge. Si la fumée
s'élève vers le ciel, pourquoi ne pas tenter de
la capturer, la mettre dans un sac, et voir si
le sac s'élève, en emportant même quelque chose
ou quelqu'un avec lui ? Il en parle à son jeune
frère Etienne, féru comme lui des progrès
apportés par le siècle des Lumières. Et peu de
mois après Annonay, le 21 novembre 1783, un
premier homme monte à bord d'une montgolfière,
comme on les baptise désormais. C'est un jeune
chimiste, Jean-François Pilâtre de Rozier. Au
Bois de Boulogne à Paris, voici un magnifique
ballon décoré des signes du zodiaque et du
monogramme royal. Il s'élève plus haut que les
arbres et les églises, pour redescendre au-delà
de la Seine, à huit kilomètres de distance. Les
frères Montgolfier meurent plus tard
tranquillement dans leur lit. Quant à Pilâtre de
Rozier, en 1785 il succombe dans un ballon en
flammes en tentant de traverser la Manche.
Chaque année à Albuquerque, au Nouveau- Mexique
(USA), des milliers d'aérostiers se rassemblent,
certains venus d'Europe. C'est le plus grand
meeting de ce genre. On peut y voir des
aérostats de tout style, classiques comme la
première montgolfière, mais aussi en forme
d'animaux, et de toutes sortes d'objets.
Au matin du 21 mai 1927, une foule immense
est réunie sur le petit aéroport du Bourget,
près de Paris. On scrute le ciel avec attention.
Et voici que se pose sur le terrain Charles
Lindbergh, qui vient de réussir le premier vol
transatlantique, en 34 heures sans escale. Sans
co-pilote, ni radio, ni fenêtre de protection.
Il tient à la main un étrange petit drapeau : le
fanion de sa loge maçonnique, la «Keystone» No
24 de Saint-Louis, au Missouri.
Ayons la mémoire longue
Nous, francs-maçons, montrons-nous de la
gratitude envers les nôtres qui ont oeuvré pour
le progrès, et dissipé l'obscurité ?
Redescendons sur terre, au propre comme au
figuré. Dans un magazine féminin à grand tirage,
une lectrice a écrit récemment ceci : «Je suis
toujours la première à me plier en quatre pour
ma famille, mes parents, mes frères et soeurs,
mes enfants qui sont grands maintenant, et même
mes amis. Je me dépense sans compter pour eux,
je propose systématiquement mon aide et, au
final, je me rends compte qu'il n'y a jamais de
retour, que c'est toujours à sens unique, que je
me décarcasse et que je n'ai droit à aucune
gratitude. Parfois, j'ai même droit à des
critiques du genre «ménage-toi. Tu en fais trop
!». Je ne demande pas une médaille, mais de
simples remerciements. Que dois-je faire pour
que cela change ?». Et la réponse de la
rédactrice spécialisée : «Vous êtes une femme
généreuse, et vous savez bien que la vraie
générosité est un don de soi qui n'attend rien
en échange... Si cela vous pèse, si vous
souhaitez un changement, la première chose à
faire, c'est de prendre en compte les réactions
de ceux pour qui vous vous pliez en quatre.
Quand vos proches vous disent que vous en faites
trop, écoutez-les ! Au lieu de devancer leurs
demandes, attendez qu'ils vous sollicitent. Il
n'est jamais bon d'aider ceux qui n'ont rien
demandé, que ce soit dans la sphère familiale,
amicale ou professionnelle, car ils ont
l'impression d'être «pris en otage», par cette
générosité intempestive. Quand vos proches
s'apercevront que vous ne volez plus
systématiquement à leur secours, que le
distributeur automatique de services est en
panne, ils mesureront à quel point c'était
agréable de pouvoir compter sur votre aide et
penseront peut-être à vous en exprimer de la
gratitude».
Innombrables sont les francs-maçons qui ont
fortement contribué au progrès de l'humanité :
des médecins, des patriotes, des inventeurs, des
artistes, des philanthropes. Lorsqu'en loge ou
ailleurs nous écoutons de la musique maçonnique
ou non, mais composée par d'illustres
compositeurs francs-maçons, quand nous
fredonnons des airs empruntés au jazz, mais
aussi à des chanteurs contemporains, tous maçons,
avons-nous une pensée de gratitude à leur égard
?
Faut-il rappeler que les deux premiers
lauréats du Nobel de la Paix en 1901 furent
Henri Dunant, initié à Bône en Algérie, et en
1902 Elie Ducommun, initié à Genève ? «La
reconnaissance a la mémoire courte», a dit le
maçon Benjamin Constant, d'habitude mieux
inspiré. Peut-être sortait-il d'une de ses
nombreuses querelles avec Germaine de Staël ? En
tout cas, efforçons-nous de le détromper !
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