Thème
Qu’est-ce que la vérité ?
Tel est le thème qui a préoccupé
l’humanité depuis deuxmille cinq cents ans et
sur lequel la quasi-totalité des chercheurs,
penseurs, philosophes et hommes d’Eglise se sont
penchés, laissant derrière eux une telle
quantité d’ouvrages que le recensement en est
impossible. Et pourtant... Existe-t-il une
notion plus simple, plus évidente que celle de
la vérité ?
Philippe Vauthier, Tradition - Lausanne
Il s’agit
là en réalité d’un invariant de la pensée,
complètement étranger à l’idée même d’une
définition, aussi évident que «deux plus deux
font quatre», quasiment une loi de la nature,
une entité qui se suffit à elle-même, que
vouloir la définir, lui ajouter ou lui enlever
un élément, aussi infime soit-il, constitue un
véritable sacrilège : la vérité est la vérité
dans toute sa beauté et, sans cela, elle n’a
même pas d’existence. Songeons au formel des
tribunaux (américains en particulier) qui
exigent d’un citoyen appelé à témoigner dans un
procès la déclaration : «Jurez de dire la
vérité, toute la vérité, rien que la vérité». Je
pense que tout ce qui peut être dit au sujet de
la vérité, de son intangibilité et de sa
prédestination à former un tout est contenu dans
cette déclaration.
Dès que
l’on se met à détailler la vérité, à la découper
en tranches suivant les doctrines, la
philosophie ou la religion que l’on pratique,
cela ne constitue rien d’autre que la négation
même de la vérité ! Cela fait furieusement
penser à ce coureur cycliste que l’on
interrogeait au sujet de son dopage éventuel et
qui répondit : «J’ai été drogué à l’insu de mon
plein gré». Non, il est indispensable et urgent
de revenir à une vision plus simple – et plus
réaliste – de la vérité, ne serait-ce que pour
faire comprendre à tout un chacun l’importance
et la valeur de la vérité pour lui en
particulier. Pour situer cette valeur, il est
indispensable de rappeler le lien indissoluble
de la vérité avec la réalité : ces deux notions
– ces deux faits en réalité - . La vérité se
doit d’être la photocopie parfaite de la
réalité, sans quoi elle n’existe tout simplement
pas. Et comme rappelé ci-dessus, la vérité ne
peut pas être découpée en tranches, des tranches
qui ne s’appliqueraient qu’à un domaine
particulier de l’activité et de la pensée
humaine. Bien sûr, ce principe est trop souvent
mis à mal dans la réalité : en définitive, on
peut même affirmer que seules des sciences
telles que les mathématiques et la géométrie le
respectent intégralement, cela parce que ces
sciences échappent totalement à l’influence
humaine : la circonférence d’un cercle sera
toujours égale à son diamètre multiplié par
π, le théorème de
Pythagore conservera toujours son exactitude et
son enseignement, quelle que soit la langue ou
le système de notation utilisés pour l’exprimer.
Mais attention ! Dès que l’esprit de l’homme
intervient dans un raisonnement, ceci même dans
le domaine des sciences, le mensonge, c’est-à
dire le contraire de la vérité, fait son entrée
en scène. Songeons à ce savant effectuant des
recherches dans un domaine quelconque de la
science et maquillant le résultat de ses
expériences pour les faire correspondre à la
thèse qu’il cherche à prouver, ce qui, en cas de
réussite, lui ouvrirait toutes grandes les
portes du professorat dans une prestigieuse
université américaine. À part ces sciences
mathématiques on peut affirmer sans crainte de
se tromper que le mensonge règne partout et que
la vérité n’exerce qu’une influence
insignifiante sur la vie de l’homme.
Des
exemples ? On en trouvera dans tous les domaines
de l’activité humaine : songez simplement aux
mondes des affaires, politique, religieux,
judiciaire, artistique, médiatique, militaire.
Le
reflet exact de la réalité
Il y a
heureusement quelques exceptions à cet usage
immodéré du mensonge. Citons à titre d’exemple
Winston Churchill (le Frère Churchill) qui,
après la victoire britannique dans la Bataille
d’Angleterre, répondit à quelqu’un lui affirmant
que cet événement marquait la fin proche de la
guerre : «Non, ce n’est pas le début de la fin,
mais la fin du début». Et d’ajouter: «Je vous
promets encore du sang, de la sueur et des
larmes».La vérité est quelque chose
d’extrêmement simple, en définitive. Elle
consiste à se conformer toujours et partout à la
réalité, qui est finalement la pierre de touche
de toute attitude se voulant honnête et, en ce
qui nous concerne directement, conforme à nos
principes maçonniques. La vérité se situe donc
sur deux plans : 1) le plan mathématique et
géométrique, grand invariant de l’Univers et
pour lequel il n’y a pas à tergiverser un seul
instant – la vérité y est également un
invariant; 2) le plan humain au sens restrictif
du terme, c’est-à-dire celui sur lequel se
situent les relations entre deux ou plusieurs
individus, qui sont en principe d’une honnêteté
totale. Sur ce plan, la vérité est ou n’est pas.
Elle ne supporte aucune érosion, aucune
interprétation, aucune limitation. Ce qui est
dit est et doit rester le reflet exact de la
réalité, et rien ne peut l’altérer (j’allais
ajouter «dans ce séjour»). En dehors des deux
plans évoqués ci-dessus, la vérité ne semble
jouer aucun rôle important dans les relations
humaines ou sociétales, comme mentionné plus
haut, et toutes les dérives semblent permises
dans ce contexte à tout un chacun sans que cela
ne soulève un émoi ou une répulsion
particuliers.
Tâchons de
rester simples, humains en un mot. Si la vérité
est une notion particulièrement difficile à
définir – si ce n’est à décrire – il s’agit
malgré tout d’un fondamental essentiel dont tout
individu a assurément une idée et une
compréhension parfaitement justes, et tout aussi
justes assurément que le débordement littéraire
et plus ou moins philosophique qu’elle traîne
derrière elle depuis des siècles.
Universelle dans son essence
Il n’y a
pas lieu de rechercher les critères et les
modalités de la vérité car, comme j’ai tenté de
le démontrer, cette vérité est une et
indivisible, la même pour tous et sans modalités
particulières à un individu ou à un groupe
d’individus donné. Nous ne devrions pas être en
quête d’une certaine vérité, puisque celle-ci
est universelle dans son essence ; et arrivés à
l’âge adulte et bénéficiant de la lumière de la
maçonnerie, nous possédons cette vérité et la
comprenons pleinement ! Il n’y a pas davantage
lieu de chercher à en fournir une définition,
car celle-ci ne pourrait être qu’une redite à
peine améliorée de tout ce qui a été écrit sur
les millions de pages consacrées à son sujet.
Non plus de chercher à s’en approcher le plus
près possible, ce qui serait pour nous maçons
une mission impossible car, comme je l’ai déjà
dit, tout homme de bonnes moeurs et de bonne
réputation ne peut plus vivre sans la vérité,
cette vérité qui se présente à nous comme un
bloc immuable avec lequel il est impossible de
transiger.
Finalement,
pour prouver - si cela était encore nécessaire -
la réalité de cette vérité, son immutabilité
existentielle, je pense que nous devrions agir
comme Zénon d’Élée face à une foule d’auditeurs
sceptiques quant à sa théorie du passage à la
limite (les Grecs de l’époque ne pouvaient
admettre que quelque chose d’existant puisse
subitement disparaître), se borna à se lever et
à faire trois pas (en référence au dilemme
d’Achille et de la tortue). Imitons Zénon d’Élée
et prouvons l’existence de la vérité une et
indivisible en l’appliquant nous-mêmes partout
et en toute circonstance.
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