Thème
Considérations sur le salaire maçonnique
Quelles que soient les époques, les
formes que revêt la franc-maçonnerie et la
manière dont on accorde un salaire, sa valeur
est partout et constamment identique. Il ne sera
ni plus bas ni plus élevé ici ou là puisque son
montant n'est pas quantifiable.
Jacques Tornay - Pensée et Action, Martigny
Il dépend de la seule vertu de celui qui le
reçoit. Nous pouvons dans ce sens parler d'un
gage de confiance que les membres de la loge
présentent au récipiendaire ayant fait ses
preuves au grade précédent. Par ce geste ils
l'encouragent à persévérer sur la voie de la
perfection qui est la sienne, ils lui témoignent
leur satisfaction et lui ouvrent la porte
suivante. Ainsi, depuis le temps qu'existent les
trois paliers dans l'acquisition du Métier, on
apprend aux plus jeunes venus la façon de se
servir des outils afin qu'ils produisent les
meilleurs résultats souhaitables. Grâce à eux,
les débutants apprennent par dévoilements
successifs le contenu réel de notre maçonnerie
de Saint-Jean, par conséquent les moyens de
réaliser concrètement cette fraternité idéale à
laquelle nous aspirons.
Le désir est en l'occurrence le maître mot.
C'est en effet par une volonté agissante que
l'on atteint ses objectifs. L'initié fraîchement
émoulu s'en convainc immédiatement, de façon
intuitive, sitôt qu'il frappe la première fois
la pierre brute, dans le temple.
La juste filiation
L'augmentation du salaire est autant la
reconnaissance du travail effectué qu'une
incitation à entreprendre celui à venir. Qui a
fait bien peut faire mieux. Et quand le maçon
sera en pleine possession de ses atouts sur le
plan de la connaissance symbolique, qu'il aura
acquis la maturité lui permettant de juger et de
travailler par lui-même, il n'aura plus à
attendre de salaire de quiconque, sinon celui de
sa conscience.
Une promotion, une élévation ne se demandent
pas, elles s'obtiennent. Là où dans le monde
profane la rétribution accroît le bien-être
matériel, en francmaçonnerie elle bénéficie à
l'esprit du récipiendaire. Franchir les premiers
stades de la vie initiatique s'apparente à des
réveils. Ceux-ci, on en conviendra, ne doivent
pas être brusques pour être efficaces et
producteurs. Un lent mûrissement est préférable
à une révélation intempestive. Un labeur patient
met en évidence ce qu'il nous importe de savoir.
Le principal intéressé va découvrir ses propres
ressources intérieures, il se reconnaîtra
progressivement une capacité à entrevoir des
domaines différents de ceux auxquels il était
habitué. Il sera encouragé dans la poursuite de
sa quête. Tout ce processus de décantation
s'inscrit dans un contexte de fraternité active,
facilitant au mieux le développement individuel
de la personne. Est-il indispensable de recourir
au terme de salaire avec sa connotation
d'espèces sonnantes et trébuchantes ? Ne
pourraiton en lieu et place proposer un titre
d'honneur de type académique ? Nullement.
D'abord parce que la franc-maçonnerie n'a pas de
hiérarchie dans l'acception courante du terme,
ses membres ont des fonctions, des charges,
aucun n'est subordonné à un autre. Tous ses
mâillons sont égaux en droits et en devoirs.
Ensuite, notre filiation directe étant celle des
bâtisseurs du moyen âge nous en gardons un
certain nombre de coutumes qui transposées sur
le plan symbolique fondent notre raison-d'être,
dont celle du paiement des ouvriers.
Indissociable du travail
«Tout travail mérite salaire», dit-on
communément. L'inverse est vrai aussi, à savoir
que toucher une rémunération pour une activité
non accomplie serait dans le meilleur des cas
incongru, et dans le pire : trompeur. L'on sait
que des obédiences font, au cours d'une même
journée, accéder un candidat aux trois grades de
la maçonnerie traditionnelle. Nous oeuvrons sur
le symbolisme, or celui-ci s'acquiert sur une
durée plus ou moins longue. Autrefois - et
peut-être aujourd'hui encore en quelques
endroits - il arrivait que plusieurs années
séparaient un grade du suivant. De nos jours, on
compte en général douze mois entre deux étapes,
ce qui est relativement court, d'où l'importance
d'encadrer comme il convient l'Apprenti puis le
Compagnon. Il pourra dès lors tirer le maximum
de l'enseignement prodigué, car il ne faudrait
pas non plus prendre trop d'aise avec le temps,
fuyant plus vite qu'on ne le pense. Dans ces
conditions, ne lésinons pas sur les séances
d'instruction, les conseils de lecture et les
rencontres informelles. L'ensemble de l'atelier
a sa part de responsabilité dans la formation du
Frère, basée de préférence davantage sur un
accompagnement attentif plutôt que sur une
approche didactique. Le salaire est
indissociable du travail. Par ricochet, l'étude
et la pratique du symbolisme sont en étroite
corrélation avec la dimension fraternelle de
notre société.
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