Alpina 6-7/2000
Il a fallu que le catharisme soit davantage qu'une secte et sa doctrine
plus qu'une divergence de vues par rapport à l'Eglise apostolique romaine
pour justifier le formidable déploiement de force qui a fini par l'abattre.
Un esprit nouveau naissait dans le Midi, comme ailleurs où le mouvement
avait quelque assise auprès de la population. Les croyances et attitudes des
cathares étaient modernes pour l'époque, la femme est considérée comme un
être à part entière, la création artistique sort des poncifs, le noble
côtoie l'artisan, le commerce se libéralise. L'homme s'extrait lentement des
peurs qui lui ont été inculquées pour mieux le dominer. Les exemples sont
nombreux qui montrent combien l'influence des bons hommes agit dans le sens
d'une ouverture.
Ce fut trop d'indépendance pour la papauté alliée au roi de
France Louis VIII, et la raison d'Etat l'emportera. Malgré quelques actions
de défense réussies de la part des seigneurs protégeant les cathares, dès le
début c'était le pot de terre contre le pot de fer. Alors l'Inquisition
mettra en place un instrument de terreur systématique et inégalé.
L'expansion justifie la conquête, et cette dernière les massacres. Mais
comme le dit Roger Mages, de Lux in Tenebris à Morges: Le sort de l'Eglise
cathare était lié à la structure de la société féodale. L'un des aspects les
plus sympathiques des cathares est leur non-violence érigée en article de
foi. On ne peut cependant s'empêcher de s'imaginer ce qu'il serait advenu du
mouvement si les choses avaient tourné en sa faveur. L'Europe aurait-elle
connu un développement tous azimuts lui faisant faire ainsi l'économie d'une
encore longue période d'absolutisme? Peut-être. Le catharisme aurait-il
donné lieu à un autre fanatisme, aussi intransigeant que l'ancien? Aucune
croyance, aucune idéologie, si pure soit-elle au départ, n'est à l'abri de
la corruption par certains qui se prétendent ses plus fervents zélateurs. On
le voit hélas trop souvent. Le côté historique mis à part, restent
l'ésotérisme, la spiritualité, les mystères cathares. Le peu que nous en
savons a pourtant servi de base à une grande bibliographie et l'intéressé
n'aura aucune peine à trouver en librairie l'ouvrage qui lui conviendra. Les
rayons des bibliothèques sont encombrés d'essais multiples sur cette
tragédie faite d'espoirs, de mysticisme et de pouvoirs divers , souligne
Robert Laverrière de Flumen Fraternitatis à Genève. La participation à notre
thème de ce mois a dépassé nos espérances... et la capacité d'accueil de nos
colonnes. Nous avons dû ainsi procéder à de douloureux raccourcissements. Il
en reste heureusement assez pour éclairer nos lanternes.
Jacques Tornay
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