Alpina 11/2002

Alchimie, rêve ancien chargé de toutes les promesses que l'homme souhaite voir se réaliser, miroir de ses aspirations et désirs les plus ancrés qui vont de la fabrication de métaux précieux à l'immortalité physique en passant par un état de pureté absolu. Dans tous les cas il s'agit d'accéder à une connaissance intégrale des phénomènes qui régissent le visible et l'invisible. Aujourd'hui, les adeptes de l'art d'Hermès font sourire bien des savants, le lent déclin des sciences traditionnelles amorcé au début de l'ère industrielle ont eu raison de tout un ensemble de procédés complexes pratiqués dans un but de perfection. La relation de l'individu face à la nature a par ailleurs changé. Elle représentait autrefois un monde imprégné de mystères duquel on tirait des enseignements. La modernité en a fait un domaine rationnel exploitable à merci.

L'âge d'or, si l'on peut dire, de l'alchimie occidentale est associé aux temps médiévaux. Prendre cette époque de l'histoire pour référence c'est remonter très loin sur les traces des précurseurs. Des érudits ont démontré combien les Egyptiens et les Grecs de l'Antiquité cachaient des formules alchimiques sous diverses métaphores. Une tablette cunéiforme du deuxième millénaire avant JC rend compte de pratiques métallurgiques et d'opérations chimiques. Pour le curieux, faire ce voyage aux sources revient à croiser nombre de mythologies, de cultes et de croyances archaïques dont nous ne savons presque plus rien. C'est dire que la notion d'alchimie englobe une réalité aussi vaste que l'humanité; on la détecte dans les religions; la philosophie, la science et les arts en sont teintés. Ses rapports avec les sociétés ésotériques et en particulier la franc-maçonnerie sont évidents mais il fallait les rappeler. Nos auteurs de ce mois les mettent en avant, essayant de dépasser une certaine image d'Epinal, simpliste, de l'alchimiste devant son athanor. Cela dit, la fabrication de l'or n'est pas du tout une chimère. Quelques années en arrière un frère de la GLSA m'invitait chez lui et m'expliquait en détail comment, muni d'une installation somme toute rudimentaire, il était parvenu à produire du métal jaune. J'admirais, incrédule, les paillettes d'or fin qu'il avait obtenues.

Le vrai travail alchimique est une leçon d'équilibre. La vie n'est pas uniquement spirituelle ou guidée par l'intellect, des opérations concrètes attendent d'être réalisées, qui exigent méthode, rigueur, et concentration. Le spéculatif et l'opératif s'accompagnent mutuellement.

Jacques Tornay

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