Alpina 1/2005
Comme tous les ouvrages de pierre et d’autres matières naturelles, l’art
de la mosaïque est connu depuis la plus haute antiquité. Ces assemblages de
pièces de dimensions et de couleurs variées permettent d’illustrer des
scènes de la nature ou de la vie des hommes. Le pavé ou pavement mosaïque
tel que nous le connaissons dans nos temples est dit provenir des temps
bibliques. L’espace composé de dalles alternativement noires et blanches est
l’un des principaux éléments immobiles de la loge, recouvrant une partie de
son sol ou l’intégralité de celui-ci à l’exemple, selon une légende, du
Temple de Salomon. D’autres affirment que le motif en damier, appelé aussi
«pavage», n’est proéminent dans les édifices sacrés qu’à partir de l’époque
romaine. Quel qu’en soit l’origine, la taille, la forme et son
emplacement en fonction des différents rites maçonniques, ses significations
demeurent ce qu’elles sont et il est étonnant qu’une conception aussi simple
que celle-là puisse donner lieu à un champ de réflexions quasi illimité. La
première idée est le système binaire qu’il représente, tout d’abord
l’opposition lumière-ténèbre. Yasar Berker, de «Pensée et Action» à Martigny
écrit: Avec mes jours avec mes nuits/Avec mes joies et mes ennuis/Dans ma
mémoire et mes oublis/Je vis le pavé mosaïque. Toutes les dualités sont ici
concevables, même s’il faut prévoir des nuances car peu de choses sont
complètement noires ou blanches. Il s’agit pour le maçon non pas de nier ce
qui le rattache aux réalités terrestres mais d’en faire un tout harmonieux
afin d’aller plus loin. Et d’élaborer par lui-même la suite, le reste du
pavé mosaïque.
Il n’y a donc rien de statique dans le dallage bicolore.
Nous parlerons davantage de complémentarités que de contraires
irréductibles. Avec ma tête avec mon coeur/Dans le bien-être et dans
l’ardeur/Avec mes frères avec mes soeurs/Je vis le pavé mosaïque. Ce travail
de conciliation est le plus ardu que nous ayons à faire, il nous mobilise en
permanence, requiert une détermination sans faille et dans le même temps
suscite de multiples interrogations. N’y a-t-il pas dans le pavé une
ouverture sur quatre côtés, et chacun des carrés qui le forme n’est-il pas
un monde en soi en attente d’être exploré? Lié à la science des nombres, le
thème de ce mois est un concept universel, qui révèle bien plus qu’il ne
dissimule. Souhaitons que les textes ci-après aident chacun à mieux
l’appréhender.
Jacques Tornay
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