Alpina 2/2006

Les idées fausses véhiculées sur la franc-maçonnerie ne sont pas toujours le fait de ses opposants. Il y eut au sein des loges des personnages qui se sont plu à ternir l’image de la société à laquelle ils avaient adhéré, atteignant parfois le comble du grotesque. L’un des exemples parmi les plus tristement célèbres est Léo Taxil, ancien élève des jésuites avant de se faire initier puis expulser. Sa vengeance fut le montage de l’imposture que l’on sait. On aimerait croire que les mentalités depuis le XIXe siècle ont évolué, que l’esprit critique est de nos jours si largement répandu qu’il ne laisse plus passer les calembredaines et billevesées grosses comme des montagnes. Pourtant, la propagande des systèmes totalitaires d’il n’y a pas si longtemps reprenait les mêmes thèses que leurs prédécesseurs, laïcs ou religieux, en les amplifiant.

Lorsque la Gestapo s’empara des listes de francs-maçons dans Paris occupé, elle était persuadée détenir dans le même filet tout ce que la capitale comptait de personnages influents. Leur surprise fut de taille de constater que dans leur grande majorité les francs-maçons parisiens étaient des gens ordinaires. Ainsi subsiste chez certains la conviction que l’entrée en maçonnerie est liée à un intérêt personnel et on évacue volontairement les apports spirituels, moraux et philosophiques de l’Ordre, parce qu’ils gênent, ne cadrent pas avec leurs fixations.

Il est des milieux anglophobes, antisémites, ou simplement formés d’individus qui ne comprennent ou n’acceptent pas le fait initiatique, prêts à exploiter les mêmes malhonnêtetés intellectuelles auprès d’esprits facilement influençables. Et aucun ouvrage sérieux, aucune discussion ouverte ne modifiera l’opinion d’un être ancré dans sa mauvaise foi. De même l’on ne pourra convaincre l’obstiné que la maçonnerie traditionnelle n’a jamais été et n’est pas anticléricale. Si les hostilités n’ont plus la virulence de jadis, il importe néanmoins de tempérer son optimisme quant à la dissipation des préjugés. En revanche nous pouvons, nous devons informer au mieux ceux et celles qui désirent connaître les buts et activités de la maçonnerie. À cet égard il convient de saluer les efforts louables entrepris dans ce sens par la Grande Loge Suisse Alpina, ces dernières années surtout. Un climat d’ouverture s’est instauré grâce à un nombre considérable d’expositions, de conférences, de débats, de visites et autres manifestations au cours desquels beaucoup de frères n’ont pas ménagé leurs peines. Ces efforts ne sont pas l’effet d’une mode; ils répondent à une nécessité de notre temps et il est permis d’espérer qu’ils participent à un éclaircissement profitable à tous.

Jacques Tornay

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