Alpina 5/2006
«La terre ne nous appartient pas; nous lui appartenons»,
affirme un vieil adage amérindien. La sagesse de la formule s’allie aux
conceptions de terremère ou terre nourricière et aux mythes et croyances qui
les accompagnent chez les peuples primitifs. Ils traduisent une manière
d’être immémoriale. Les sciences modernes, les découvertes et les techniques
ont passablement modifié la donne. L’homme est parti à la conquête de
l’espace et rien désormais ne l’arrêtera plus dans son irrépressible soif à
déchiffrer l’inconnu. Cependant, à supposer que d’autres mondes nous
seraient praticables en dehors du nôtre à lointaine échéance, l’objectif
numéro un consiste à maintenir comme une richesse unique cette planète sur
laquelle nos premiers ancêtres sont venus il y a deux ou trois millions
d’années.
Il s’agit de la préserver même si elle devait disparaître
demain matin par la folie des hommes, quelque phénomène extérieur ou une
logique interne à la nature. Nous nous rendons compte aujourd’hui combien
est fragile, précaire, notre équilibre ici-bas. Les catastrophes naturelles
de ces derniers temps nous montrent à nouveau à quel point nous sommes
vulnérables et démunis devant des situations impossibles à maîtriser. Il est
en revanche de notre ressort de gérer les ressources et moyens qui dépendent
de notre volonté afin d’en assurer la meilleure utilisation sur le long
terme.
Ce que nous appelons le développement durable représente un
immense projet autant qu’un formidable défi parce que pour la première fois
dans l’histoire semble poindre le souci de s’occuper ensemble de l’état de
notre planète. Les enjeux dépassent les frontières idéologiques et
culturelles tout en respectant les spécificités là où des programmes
scientifiques sont appliqués. La communauté des savants n’est plus seule à
se préoccuper de l’avenir de notre biosphère, les opinions publiques sont
largement informées des lacunes à combler et des buts à atteindre en matière
de sauvegarde. Il s’agit d’une nouvelle éthique proposée à chacun de nous
pour l’amélioration concrète de la qualité de vie, d’une action solidaire
touchant l’humain, le monde animal et l’environnement en ses multiples
composantes. Le respect des droits et libertés des individus sont
indissociables d’une telle entreprise, corollaire essentiel à tout progrès,
et la citation de François Rabelais: «science sans conscience n’est que
ruine de l’âme» trouve ici toute son acuité. Sauronsnous être à la hauteur
d’une mission devant mobiliser nos énergies dans une perspective générale?
Nous savons les égoïsmes sectoriels tenaces, les préjugés farouches, et la
difficulté à promouvoir une vision d’équité. Malgré les entraves, la notion
de développement durable prend son essor. Ses résultats réjouissants en de
nombreux domaines au cours des dernières décennies sont autant de raisons
d’espérer.
Jacques Tornay
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