Alpina 8-9/2006
Les auteurs du thème d’étude publiés ici offrent un panorama
aussi complet que possible des tenants et aboutissants des voyages à
vocation initiatique. On ne fera cependant jamais le tour du sujet. Il y a
autant de voyages initiatiques différents que les individus qui les
entreprennent. Hormis certains points communs, chacun effectue son parcours.
Tel itinéraire pourra ressembler à tel autre mais ne lui sera en aucun cas
semblable. Depuis les débuts de la parole écrite en plusieurs lieux du
monde, une vaste littérature nous invite à suivre les péripéties de
personnages réels ou imaginaires partis à la découverte d’horizons nouveaux,
de secrets présumés, ou d’eux-mêmes.
N’est-il pas étonnant de constater aujourd’hui que malgré
nos conforts matériel et intellectuel, nos certitudes, nos logiques, ce sont
encore et toujours le récit d’aventures extraordinaires qui captive la
plupart d’entre nous? Le besoin de comprendre le monde par le recours à
l’allégorie, à la fable, l’envie de sonder son univers intérieur nous
fascinent parce qu’ils se confondent avec le hasard de notre séjour
terrestre. La démarche initiatique a donc un bel avenir devant elle. Il est
vrai qu’une fois mise en mouvement notre soif de connaître est insatiable.
Toutefois, la vraie question demeure: que faire de nos savoirs, découvertes
et acquis obtenus par nos pérégrinations, les garder jalousement en soi ou
les mettre au service d’un rayonnement afin que nos semblables en profitent?
Le partage est l’attitude juste. Rappelons aussi que l’initiation digne de
ce nom est transmise, le demandeur la reçoit, il ne peut se l’inculquer,
d’où la nécessité d’un passeur. Celui-ci indiquera au néophyte quelques
jalons, il conseillera ses premiers pas et son rôle s’arrêtera là. On ne
peut voyager initiatiquement par procuration, le candidat affronte lui-même
les épreuves, il est seul sur la route même s’il retrouve ses compagnons aux
étapes ou en cas d’adversité. Seul comme devant la mort.
Le voyage initiatique exige courage et confiance, les deux
s’épaulant mutuellement. On se lance dans l’inconnu, certes avec un degré de
préparation mais qui ne laisse rien présumer du déroulement de l’entreprise.
Seule condition préalable: éprouver en soi suffisamment de désir. Désir d’un
supplément et d’une amélioration que l’on fera fructifier sa vie durant.
Sous de tels auspices les déplacements deviennent authentiquement
initiatiques. Ce n’est qu’avec le recul du temps que l’on mesurera le sens
de la décision prise et du cheminement effectué. En attendant, il s’agit de
poursuivre le périple. Un vieux texte brahmanique termine chacun de ses
paragraphes par l’injonction: Chemine! Nous sommes des êtres complexes en
recherche de simplicité, quand bien même rien ne se laisse facilement
déchiffrer dans la nature ni dans l’esprit humain. La meilleure façon de
voyager loin et longtemps nous semble être dans la légèreté, c’est-à-dire
dépouillés des charges inutiles qui alourdissent notre marche. Les poids
indésirables sont des entraves, la boursouflure de l’ego n’en étant pas le
moindre...
Jacques Tornay
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