Hiérarchie maçonnique et démocratie
(Alpina 8-9/2008)
Hiérarchie et démocratie: deux termes de prime abord abstraits, par
conséquent malléables à merci, sujets à plusieurs interprétations et
complaisances. Le premier donne une idée de pouvoir, tandis que le second
fait penser à la liberté. Les deux sont pourtant liés dans toute société
moderne et développée, de sorte que l’on n’imagine pas l’un sans l’autre, le
tout étant de bien s’entendre sur le vrai sens de ces mots, de ce qu’ils
recouvrent dans la réalité quotidienne, et plus encore lorsqu’il s’agit de
la franc-maçonnerie dont le mécanisme harmonieux dépend de chacun de ses
membres. Ici, hiérarchie et démocratie ne se situent pas dans une sphère
extérieure, sur laquelle le citoyen influe périodiquement par le biais de
son vote, elles nous sont au contraire une préoccupation constante puisque
nous fréquentons régulièrement la loge et ces notions complémentaires sont
présentes à chacune de nos séances et tenues. Tout groupement à caractère initiatique, spirituel ou philosophique se
dote d’un organigramme en vue de son bon fonctionnement. Les taches et les
responsabilités sont réparties au mieux, une structure est mise en place
afin d’assurer une efficacité d’ensemble visant à parvenir aux objectifs
désignés. Il est à ce titre intéressant de lire les textes fondateurs de la
maçonnerie opérative pour voir comment et à quelles fins s’organisait le
travail chez nos devanciers les bâtisseurs. Les postes étaient confiés aux
individus selon leurs connaissances techniques et leurs mérites personnels.
Les assemblées des gens du Métier s’articulaient en fonction des critères de
leur temps, critères qui pouvaient varier d’un chantier à l’autre. Le mode
spéculatif a modifié les conditions alors en vigueur mais certains
paramètres sont toutefois restés, qui font partie de la tradition
maçonnique.
Aujourd’hui également, dans notre ordre, la valeur du Frère demeure seule
déterminante pour l’attribution d’une fonction spécifique, sur le plan de
l’atelier comme sur celui de l’obédience. Notre conception de la hiérarchie
ne repose pas sur l’obéissance mais sur l’estime mutuelle, et la conscience
de participer à une oeuvre commune avec les droits et les devoirs qui lui
sont liés. Dans ces conditions, l’exercice démocratique ne peut qu’aller de
soi. De fait, en franc-maçonnerie la hiérarchie et la démocratie se résument
à un seul mot: fraternité.
Jacques Tornay |