Que signifie l’échec?
(Alpina 2/2009)
Le thème de l'échec peut être considéré
comme le versant opposé à celui du bonheur,
sujet central de notre précédente édition,
sauf que connaître l'échec ne signifie
pas nécessairement être malheureux et que
réussir ne signifie pas non plus être heureux.
Il est des échecs de moindre importance qui
néanmoins nous paraissent graves et que
l'on a de la peine à relativiser lorsqu'ils nous
arrivent. Ce sont plutôt des revers, des
déconvenues, et nous en souffrons parce
qu'ils blessent notre orgueil. Notre éducation
nous apprend à avoir honte de nos
manquements au lieu de nous inculquer
une confiance en nos propres moyens pour
sortir des ornières. Les erreurs sont salutaires
si elles nous font gagner en sagesse et
nous évitent de retomber dans les travers.
Admirable est la fameuse phrase de Guillaume
d'Orange : «Il n'est pas nécessaire
d'espérer pour entreprendre ni de réussir
pour persévérer». En tout état de cause et
quelle que soit la nature de nos échecs, on
n'en ressort pas indemne. Mais il est rare
qu'une seule personne soit responsable
d'une défaite, et il est rare aussi qu'une
seule personne la subisse. Une conjonction
de circonstances, parfois imprévisibles, préside
à un échec. Toujours est-il qu'une
solide philosophie de l'existence s'avère
essentielle pour parer à l'adversité. À ce titre
on peut souhaiter que le franc-maçon sera
mieux armé que d'autres pour affronter les
difficultés, grâce notamment à son sens critique
et à un certain nombre de valeurs lui
permettant de distinguer le substantiel de
l'accessoire. Il est toutefois des échecs qui
pèsent longtemps sur la conscience des
hommes. Ils sont pathétiques parce que liés
à un sentiment d'injustice. Que l'on songe
à tous les innocents condamnés à la peine
capitale devant les tribunaux malgré les
efforts de leurs défenseurs, aux négociations
entre parties adverses qui pourraient
sauver des vies et n'aboutissent pas, aux
tractations humanitaires sans résultats
tangibles en temps de guerre. Pensons également
aux êtres qui leur vie durant se vouent
corps et âme à un idéal élevé au service
de leurs semblables et voient leurs entreprises
échouer. Certes, bien des actions participent
à rendre notre monde meilleur et
cela suffit à maintenir l'espoir. Toujours estil
que la lumière du coeur et de l'esprit est
lente à se propager, sa diffusion est laborieuse,
soumise à tant d'impondérables. Mais
l'important est qu'elle ne s'immobilise pas.
Jacques Tornay
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