Les «bonnes moeurs» hier et aujourd'hui
(Alpina 1/2013)
La formule «être libre et de bonnes moeurs» est parfaitement actuelle et le restera. Elle figure d'ailleurs dans nos rituels, alors par quoi la remplacerions-nous ? Les deux termes constituent les premières conditions pour être reçu au sein de la fraternité maçonnique. Chaque candidat, sans exception, doit les remplir s'il désire franchir le seuil du temple. Aucune dérogation possible. Il y a d'abord l'exigence de présenter l'extrait du casier judiciaire délivré par l'autorité compétente, ensuite les enquêtes menées depuis la loge auprès et autour du demandeur. Celuici sera, au terme du processus, estimé digne ou non de faire partie de la franc-maçonnerie, en fonction des critères de morale et de probité recueillis. On a beaucoup glosé sur ce qu'il faudrait entendre par les mots «libre» et «bonnes moeurs» et s'il n'y aurait pas lieu de les modifier. Leur signification de jadis n'est pas celle d'aujourd'hui, leur sens a évolué depuis le début du XVIIIe siècle parce que les sociétés changent et avec elles les codes, les lois, les usages et les acceptions. Certaines catégories de personnes n'étaient tout bonnement pas considérées comme initiables en raison principalement de leur état. Des ouvrages ont été écrits à ce sujet et on les consultera pour connaître les normes en vigueur dans les premiers temps de la maçonnerie et le pourquoi de leur application. La situation était contrastée d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre, parfois même à l'intérieur d'une obédience. Quoi qu'il en soit il serait impensable en 2013 de ne pas considérer une candidature sur la base, par exemple, de l'appartenance religieuse du profane ou de sa condition modeste. Il est heureux que les avancées démocratiques, auxquelles ont participé de nombreux francs-maçons - quand ils ne les ont pas anticipées -, se soient concrétisées dans la réalité quotidienne avec suffisamment de conviction. Les termes «libres et de bonnes moeurs» n'en restent pas moins valides. Le franc-maçon doit disposer de son plein entendement, n'être à charge de quiconque, exempt de préjugé handicapant, homme de parole autant que de pensée. Sans déviation de caractère ni de comportement. Ce sont là des valeurs universelles et intemporelles. Et après sa réception, le nouveau maîllon devrait s'engager en lui-même à une liberté plus grande et à de meilleures mœurs qu'auparavant.
Jacques Tornay
|