Les différences entre le sacré et le profane
(Alpina 6-7/2013)
En franc-maçonnerie, comme pour d'autres communautés,
le profane et le sacré sont clairement délimités.
Utilisé en tant que nom ou adjectif, le mot «profane»
désigne celui ou ce qui se trouve à l'extérieur du
temple et reste devant ses portes - idée au moins aussi
ancienne que Platon lui-même. Cette séparation procède
de la tradition, elle est un état de fait, d'ailleurs
les lieux de rencontres exclusifs existent également
dans la sphère profane. Les deux domaines ne sont jamais
d'une étanchéité absolue, les exemples sont nombreux où
ils cohabitent, ainsi au moyen âge un espace de la
cathédrale était-il dévolu au commerce, et de nos jours
bien des loges organisent des soirées accessibles aux
non-membres.
N'est-ce pas en fin de compte une vue simpliste que
de ranger systématiquement le sacré dans le spirituel et
le profane dans le matériel ? On sait que des éléments
de l'un se retrouvent chez l'autre, et puis nous ne
sommes plus au temps d'Augustin qui distinguait la cité
terrestre de la Cité de Dieu. Des aspects profanes
entrent en effet dans le religieux et inversé ment. On
peut être excellent maçon sans adhérer à aucune notion
d'Etre supérieur comme l'on peut être croyant sincère et
bon vivant. Manifester une spiritualité ou se préoccuper
de métaphysique ne signifient pas grand-chose si des
actes concrets ne suivent pas.
Le franc-maçon vit et agit dans le monde, il professe
des opinions, se soucie de ses proches, entretient ses
amitiés et n'a prononcé aucun voeu d'abstinence d'aucune
sorte ni de pauvreté. Il est semblable à la grande
majorité de ses concitoyens. Seulement, il a rejoint une
fraternité auprès de laquelle il se ressource, qui
sustente sa vie intérieure par un perfectionnement de
soi et une pratique constante des valeurs de l'esprit.
Que celles-ci soient appelées spirituelles, humanistes
ou philosophiques importe peu, l'essentiel étant le sens
qu'il donne à son engagement.
En somme, ce qui est vraiment profane n'est pas
tellement la matière en soi, qui rappelons-le assure
notre subsistance quotidienne, que le climat délétère
que font régner certains, la bêtise, la volonté de
nuisance, finalement cette violence qui nous entoure
sous toutes ses formes perverses et dont on désespère de
jamais voir la fin.
Jacques Tornay
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