Alpina 3/2002

Parler de violence c’est d’abord parler de soi-même, de ces atteintes et blessures que nous nous infligeons quotidiennement sans même le savoir lorsque l’instinct s’exprime plus fort que la raison, et qui rejaillissent sur l’entourage, sur les autres. Dans son livre «Contre le nouvel obscurantisme» l’écrivain vaudois Etienne Barilier fait remarquer : «Le contraire de la violence n’est pas la douceur, c’est la pensée». Pour cela sans doute «Le penseur» d’Auguste Rodin illustre notre couverture de mars. Mars, dieu romain de la guerre, de la destruction, mais étant également celui de l’éclosion des premiers bourgeons il est l’une des figures symboliques de l’éveil et de la prospérité dans la nature.

La pensée, pour être productive, doit cependant respecter certaines règles élémentaires de probité, puis encourager une action qui lui soit conforme. N’est-ce pas ce à quoi s’emploie le franc-maçon dès le départ en dégrossissant la pierre brute? Labeur jamais terminé parce que les mauvais penchants ont la vie dure. D’autres accomplissent ce même travail sur soi par des moyens différents; l’important est d’accepter un changement qui puisse nous rendre meilleur et nous diriger vers davantage de conscience.

Le thème de ce numéro est la violence dans la société actuelle. Ses formes sont tellement nombreuses que leur liste serait forcément incomplète. Dans un monde où presque tout est agressions, luttes et conflits – d’une dispute pour une place de parc jusqu’à la guerre entre nations – les hommes et les femmes animés d’altruisme semblent bien démunis. Qu’elle émane d’un Etat ou d’un mouvement d’opposition, d’une autorité légitime ou d’un individu isolé, la violence trouve toujours à se justifier. Ceux qui la commettent se drapent en général de leur bon droit. C’est pourtant grâce à un petit nombre de personnes agissant dans le sens de la concorde et de la réparation que l’espoir a toujours été et reste possible. Quelles sont les violences inévitables, avec lesquels il nous faut composer, et les autres, que nous pouvons et devons combattre ? Nos auteurs tentent d’y répondre, en ramifiant le débat au fil d’autres questions sur ce sujet crucial. On a raison d’affirmer que la violence débute par un malaise personnel, et aussi de souligner les rôles primordiaux de l’instruction et de l’éducation dans ce processus. Nous devons à tout prix éviter que le recours à la force aveugle devienne une fatalité. Le règne des pulsions débridées aurait alors sonné. Les valeurs de progrès et de liberté, si chèrement acquises, valent que l’on se mobilisent sans relâche pour elles.

Jacques Tornay

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