Alpina 1/2004
Il est évident que la chaîne d'union occupe une place centrale dans le
travail maçonnique même si elle se tient à la fin de la cérémonie. Nous
n'allons pas résumer ce que disent avec talent les auteurs qui ont planché
sur ce premier thème de l'année 2004. Ils expliquent pourquoi cette partie
du rituel est fondamentale et les raisons que nous avons de la considérer
comme telle. La chaîne d'union justifie en quelque sorte les paroles et
gestes qui l'ont précédé, elle forme à la fois une conclusion et une
ouverture.
Le premier élément à considérer à son sujet est le cercle,
le cercle d'alliance et son riche symbolisme avec ses points de convergence,
ses repères et ses références obligatoires liés à la tradition. Parmi ses
propriétés à caractère universel on note l'homogénéité, l'absence de
division - donc l’unité -, et une aspiration commune dirigée vers la
perfection de soi et de toute chose. Les participants tendent à ne former
qu’un seul corps, une force unique dans laquelle convergent les énergies de
la terre et du ciel. Le temple convient particulièrement à cette opération
puisqu’il a été bâti en fonction de lois cosmiques connues et qu’il reflète
concrètement en son sommet un univers sans exclusive. Ce que les frères font
à ce moment précis de la tenue, où ils sont liés physiquement l’un à l’autre
par la chaleur des mains, est désigné par la voûte immensément céleste
au-dessus de leurs têtes, espace démesuré que l’on imagine peuplé d’astres
différents de par leurs natures, compositions, fonctions et en mouvement
perpétuel. Les uns sont le miroir des autres. L’identification est possible
grâce à cette projection hors de soi vers l’illimité. La division entre le
haut et le bas s’abolit d’elle-même et l’individu regagne pour un instant sa
pleine intégrité.
Il est relativement facile de s’abîmer dans l’infini, il
l’est moins de se pencher sur son frère avec la sollicitude que nous lui
devons. Sur ce plan très tactile de la chaîne les divisions n’existent pas
non plus car nous voici réunis, solidaires, en nos grades et qualités,
chacun nanti de son parcours de vie aussi différent qu’une étoile l’est de
sa voisine, alourdi peut-être d’un souci que nous allégeons en atelier.
Doigts et paumes apportent et transmettent une confiance qui anime le
cercle. Ainsi, au terme d’une tenue qui nous a demandé un effort
d’attention, voilà que la chaîne d’union exige de chacun un effort encore
plus grand, un recueillement actif et une réflexion d’autant plus profonde
qu’elle sera de courte durée! Et l’on s’en souvient longtemps après la
sortie du temple… Il n’est pas inutile de rappeler que si la chaîne d’union
s’enracine dans le carré long de nos rencontres et nous concerne en premier
lieu, elle doit aller plus loin et englober l’humanité, où trop d’êtres
anonymes et inconnus ont besoin de fraternité, ne serait-ce qu’en pensée.
Pour cela nous devons absolument croire au pouvoir des ondes bienfaisantes.
Jacques Tornay
|