Alpina 5/2004
Les notions réunies de liberté, égalité et fraternité ont été énoncées en
France avant les événements de 1789 mais par ceux-ci elles se sont inscrites
pour la première fois dans une Constitution d’Etat. C’était la naissance de
la république philosophique moderne. Savoir dans quelle mesure la célèbre
devise a été transposée dans la réalité n’est pas notre propos. Nous tenons
en revanche à comprendre ce qu’elle signifie en 2004, abordée sous l’angle
maçonnique en particulier. Signalons pour l’anecdote que pendant le régime
de Vichy les substantifs en question étaient remplacés par ceux de: travail
- famille - patrie. Des valeurs universelles étaient détournées au profit
d’une vision très ciblée. L’idéal devenait idéologie. S’il faut se garder de dogmatiser l’exclamation républicaine
il importe autant de ne pas la relativiser, et de remettre ainsi en cause
l’humanisme qui la soutient. Afin de ne pas y voir une formule ou un slogan
usé par l’habitude il convient de prendre chacun des trois mots séparément
et d’en approfondir la signification. La liberté est d’abord celle de la
pensée, de la conscience, le droit de poser un regard critique et
constructif sur toute chose nous concernant. Trop d’hommes et de femmes
aujourd’hui ne disposent toujours pas de cette possibilité. La liberté dans
le sens de la dignité humaine est semblable pour tous. Qui oserait la
réclamer pour soi et la refuser à d’autres? La liberté consiste à
reconnaître que nous sommes égaux en droits et en devoirs. Aucune
considération arbitraire ne doit, dans cette logique, séparer les individus.
Transiger sur ce principe c’est revenir à un système de castes où la raison
du plus fort ou du plus malin dicte sa loi. L’égalité consiste aussi à aider
le maîllon faible à se maintenir dans la chaîne d’union. Quant à la
fraternité, pour le franc-maçon elle commence dans son milieu, se renforce
dans la loge et s’étend à l’ensemble de la famille humaine. Nous savons ce
qu’elle implique de solidarité active.
Personne ne songe à nier les excès commis au nom du trinôme
qui fait l’objet de notre thème d’étude, mais toutes les grandes idées
n’ont- lles pas, à un moment ou l’autre, été dévoyées par des hommes de
pouvoir? Il serait vain également d’envisager la liberté, l’égalité et la
fraternité de manière absolue, rien de ce que nous faisons sur terre ne
pouvant avoir valeur d’absolu puisque nous sommes imparfaits. Nous devons
par contre oeuvrer à l’accomplissement des idéaux dans ce qu’ils ont de
fondamental.
Jacques Tornay
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