Alpina 2/2005
L’idée du pacifisme est relativement récente, elle s’est formée et a pris
consistance lorsque l’individu a réalisé qu’il pouvait s’opposer à la guerre
au nom de principes qu’il plaçait au-dessus de tous les autres dans la
hiérarchie de sa conscience. Au cours de l’Histoire il était impensable de
s’opposer à la logique si profondément enracinée du conflit entre les
nations, et pour cause : on a lié le bellicisme au courage, à l’honneur, à
la virilité, à la noblesse d’âme, etc, vertus dont l’exact contraire était
attribué aux pacifistes. On le sait trop bien, les batailles sont menées avec les
meilleures intentions du monde, il suffit de les rendre légitimes et
nécessaires. La dérive fatale de la guerre moderne est qu’elle fait
désormais davantage de victimes parmi les civils que dans les rangs
militaires. Il est tellement plus facile de détruire que de bâtir. Lorsque
l’on sait avec quelle fulgurance on peut anéantir une vie humaine dont
l’éducation aura exigé tant d’années d’efforts et d’abnégation, on en reste
sans voix. A ce titre, chacun serait bien inspiré de suivre attentivement
les multiples commémorations qui ont lieu partout en 2005 pour marquer la
fin de la Deuxième Guerre mondiale. Celle-ci, dans son horreur absolue,
aurait dû servir de leçon et dissuader les fauteurs d’atrocités ultérieures.
Il n’en a rien été. Evitons toutefois l’angélisme : il est des cas où le
pacifisme n’a pas sa raison d’être et la loi de la défense impose alors ses
règles. Mais le fait même qu’il faille être constamment sur ses gardes,
prêts à en découdre, démontre à l’envi que la Terre vit en état de jungle.
Dans tous les conflits il y a cependant des gens admirables
qui oeuvrent pour en atténuer les effets ou fléchir les circonstances dans
le sens de la paix. L’esprit de la franc-maçonnerie tend à la concorde, au
règlement pacifique des antagonismes. Plusieurs Prix Nobel de la Paix
étaient maçons, ainsi que d’autres, anonymes, qui ont agi comme il le
fallait. Soulignons-le, le pacifisme véritable ne consiste pas à se croiser
les bras, il est action, engagement altruiste, solidarité, porteur d’espoir.
Nul ne contredira qu’un climat de calme et de tranquillité est indispensable
aux meilleures avancées dans les domaines de la science, de la création
artistique et du progrès social. Mais pour que les choses fonctionnent en
grand, encore faut-il qu’elles fonctionnent en petit. Que chacun commence
donc par balayer devant sa porte…
Jacques Tornay
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