Alpina 5/2005
S’il est un secret en franc-maçonnerie il ne faut le chercher nulle part
ailleurs que dans le symbolisme qui la fonde. Liés à la construction, nos
symboles représentent l’histoire, l’essence et la signification de l’Ordre.
Hors de ceux-ci, point de rituels ni de philosophie tels que nous les
pratiquons. Les outils reflètent la partie visible du métier puisqu’ils sont
tangi b l e s , également ils reflètent sa partie invisible puisqu’ils
permettent d’élaborer tout un enseignement théorique. Puisque la maçonnerie
est dépourvue de dogmes elle a forcément dû s’appuyer sur des valeurs pour
forger une identité à même de perdurer. Les gestes des bâtisseurs et la
dimension métaphysique leur étant attachée ont fourni les bases nécessaires
à une entreprise se réclamant de l’universel.
Citons le chevalier Ramsay: «Nous av o n s des secrets, ce
sont des signes figuratifs et des paroles sacrées qui com - posent un
langage tantôt muet, tantôt très éloquent, pour le communiquer et pour
reconnaître nos Confrères, de quelque langue qu’ils soient». Le secret
repose dans l’utilisation d’un symbolisme qu’il s’agit non de recevoir mais
d’acquérir, de conquérir, par ses propres efforts sur la durée. Un secret ne
peut être transmis de but en blanc. On l’ap p r e n d , comme on s’exerce à
une profession, avec patience et application, et l’apprentissage s’étend sur
une vie entière.
Le secret ne nous place pas au-dessus ou à l’écart du lot
commun à la condition humaine. Si tel était le cas ce serait la ruine de
l’idéal de fraternité. Le maçon s’efforce de mettre en oeuvre son
perfectionnement. En ce sens le secret a une fonction spécifique dès lors
que nous l’entretenons à l’abri de qui ne l’a pas sollicité. Il n’est pas
fondamentalement autre que celui de l’adepte d’une discipline méditative ou
d’un système doctrinal traditionnels. Son détenteur possède une connaissance
que tous n’ont pas. Il faut se préparer à accueillir un secret et,
rappelons- le, c’est l’aff a i r e d’une existence. On le poursuit davantage
qu’on le détient. Ce qu’il renferme se bonifie à mesure qu’il est
approfondi. L’ultime secret ne seraitil pas en fin de compte celui qui nous
aiderait à mourir bien comme nous avons essayé de vivre bien?
Jacques Tornay
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