Alpina 8-9/2005

La franc-maçonnerie féminine demeure trop peu connue. Elle a pourtant une longue histoire, ses figures de proue, ses grandes dates, et ne s’est jamais mise à l’écart du monde dans lequel ses loges évoluaient. Nombre de ses membres, en France notamment, ont dès la première heure participé aux combats des droits civiques et de l’émancipation. On a beaucoup écrit sur le rôle prédominant de la femme dans les mystères antiques et le monde des traditions spirituelles. On en trouvera quelques échos dans les articles de la présente édition.

Les ouvrages sur le sujet ne manquent d’ailleurs pas. Ainsi, il y a un an la revue La Chaîne d’Union présentait un dossier intitulé Lumière sur l’initiation au féminin, preuve de l’actualité d’un thème dont on commence à mesurer la portée. Autre signe, plus conséquent: la Grande Loge Unie d’Angleterre reconnaît désormais le fait maçonnique féminin dans sa juridiction en nouant des relations bilatérales avec une obédience anglaise composée uniquement de dames. Ne nous y trompons pas, il s’agit de liens d’amitié sans intervisites, donc différents dans la pratique de ceux qu’entretiennent entre elles des Grandes Loges reconnues, mais cette initiative nous paraît tout à fait légitime et, nous semble-t-il, appelée à s’étendre. Soyons clair: les obédiences féminines ne sont pas demandeuses. Leur avenir n’est pas en mains d’hommes mais de femmes, car seule une femme peut pleinement instruire une autre.Trop soucieuses d’une indépendance chèrement acquise, nous ne croyons pas qu’une seule obédience féminine accepterait de se diluer dans un organisme où leur autonomie d’action et de pensée pourrait être compromise. Pour qui désire travailler au symbolisme côte à côte avec l’autre genre il existe des obédiences mixtes, qui elles aussi ont leur histoire. La question centrale est d’oser se parler. Faire prévaloir le dialogue en toute circonstance pour aller plus loin ensemble. Comme le souligne Marie-Françoise Rast dans l’entretien qu’elle a bien voulu nous accorder: «La symbolique maçonnique est avant tout un outil de travail qui s’applique aussi bien aux Frères qu’aux Soeurs». «Soeurs», ce mot figure dans plusieurs textes de corporations et de guildes anglaises du Métier au 14e siècle déjà. Anderson, qu’il faut lire dans le contexte de son époque, n’envisageait pas l’admission des esclaves ni des femmes en franc-maçonnerie. En 2005 les loges de Prince Hall et féminines affirment des présences fortes de par le monde. Il importe à chacun d’aller vers l’autre. Mieux vaut bâtir des ponts que des remparts. Bonne continuation dans l’été à toutes et à tous.

Jacques Tornay

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