Alpina 12/2006
Cette année 2006 marque le centenaire de la disparition
d’Elie Ducommun, né à Genève le 19 février 1833. Décédé à 73 ans, soit avant
d’atteindre ce qu’il est convenu d’appeler le grand âge, il fut Prix Nobel
de la Paix en 1902. D’une manière générale, un franc-maçon récipiendaire de
la fameuse distinction scandinave justifierait déjà que la revue Alpina lui
consacre un thème d’étude. À plus forte raison lorsque le personnage est du
pays et ancien Grand Maître de la Grande Loge Suisse Alpina, comme ce fut le
cas d’Elie Ducommun qui présida aux destinées de notre obédience de 1890 à
1895. Il fut initié le 11 avril 1856 - relativement jeune puisqu’il n’avait
que 23 ans - au sein de l’atelier genevois La Prudence dont il occupera
successivement les postes de secrétaire, d’orateur, de vénérable puis de
maître député. Tout cela en moins d’une décennie seulement. Ses obligations
professionnelles l’appelant à résider à Berne, il s’affiliera à la loge Zur
Hoffnung.
Son parcours maçonnique d’un demi-siècle se traduit par un
engagement indéfectible. Les idéaux de l’ordre concordent avec les siens.
Très tôt, Elie Ducommun forge sa propre vision de l’homme et de la société.
Il était en quelque sorte écrit que sa vie se déroulerait au service de ses
semblables. Peut-être a-t-il estimé que rejoindre la maçonnerie incarnerait
davantage encore son action humaniste, voyant éventuellement dans
l’assemblée des frères un microcosme d’entente et d’harmonie susceptible
d’être reproduit à l’extérieur sur une plus large échelle. La loge lui aura
aussi été, probablement, un hâvre de paix, loin des tumultes des affaires
publiques, un lieu de ressourcement, où reprendre des forces en vue des
nouveaux combats à mener qui furent les siens.
Il est de ces rares hommes dont le rayonnement est naturel,
inhérent à sa personnalité profonde. On ne discerne pas chez lui de calcul
stratégique étroit ni de plan de carrière personnelle mais plutôt une
volonté tenace en direction des objectifs qu’il s’assigne, décidé à tout
mettre en oeuvre pour les faire aboutir contre vents et marées. Cet homme de
concorde a un tempérament de lutteur. Son charisme opère où qu’il se trouve
: dans le monde, le milieu maçonnique, sa famille. De coeur sensible, l’âme
conquérante, Elie Ducommun exerce son influence en quelque secteur où il
évolue, il convainc sans imposer, accepte les échecs sans amertume parce
qu’il est porteur d’aspirations orientées vers le bien commun. La
franc-maçonnerie peut se montrer fière de l’avoir compté dans ses rangs.
Grâce à de tels êtres les principes de notre institution prennent une forte
résonance hors de nos temples. Dans son faible égocentrisme, Elie Ducommun
n’aurait certainement pas voulu être pris pour modèle. Aujourd’hui pourtant,
cent ans après sa mort, il ne cesse de nous parler. Et nous nous adressons
également à lui par le biais de notre revue dont il fut un temps le
responsable.
Jacques Tornay
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