Alpina 2/2007
Les anciens textes de la maçonnerie opérative font
d’abondantes mentions de «Dieu», du «Seigneur», de la «Sainte Eglise». Les
références à la Bible y figurent en grand nombre. Le Regius de 1390 stipule
que «le compagnon se doit d’assister avec assiduité à la messe(...)». Telle
est la toile de fond qui servira en partie à l’élaboration de la maçonnerie
spéculative. Comme en d’autres cas, on peut se demander quelle était la part
de foi authentique des bâtisseurs d’antan et celle de leur allégeance de
principe à une institution ecclésiale omniprésente. Toujours est-il que la
franc-maçonnerie - société à vocation initiatique, il est bon de le rappeler
– présente depuis ses débuts des éléments religieux de plusieurs sources
mais ils ne sauraient faire de notre ordre une religion au sens habituel,
c’est-à-dire ayant une révélation divine accompagnée d’une dogmatique à
suivre impérativement.
La reconnaissance d’une puissance supérieure, indépendamment
d’une dénomination particulière, suffit à assurer à la franc-maçonnerie son
caractère spirituel. Le point IV des principes généraux de la Grande Loge
Suisse Alpina est clair à cet égard: «L’Alliance maçonnique travaille à la
Gloire du Grand Architecte de l’Univers. Elle affirme la liberté de
conscience, de croyance et de pensée et repousse toute entrave à ces
libertés. Elle respecte toutes les convictions sincères et réprouve toute
opposition à la liberté de pensée». Cette notion de liberté de conscience et
de croyance fait la différence dans le sujet qui nous occupe. Si elle
n’existait pas, la maçonnerie telle que nous la comprenons et pratiquons à
l’heure actuelle n’existerait pas non plus. Nous connaissons tous des frères
d’éducation chrétienne, juive, musulmane ou autre pour lesquels la question
de l’appartenance ou non à leur religion d’origine ne se pose pas du fait
qu’elle ne joue aucun rôle significatif dans leur vie ni dans la structure
de leur pensée. En revanche d’autres frères, conjointement au travail dans
nos temples, observent les rites et prescriptions de leur croyance et s’en
portent bien. Quelques-uns, cependant, peuvent se sentir en porte-à-faux et
louvoyer entre la libre réflexion et l’adhésion à un dogme. Il importe
finalement à chacun de trouver son équilibre intérieur selon ses choix et
moyens, car dans ce domaine l’enseignement maçonnique s’interdit de
trancher. Il serait impensable, et pour le moins contradictoire, qu’une
obédience ou qu’une loge dûment constituée incite ses membres à suivre une
religion ou, au contraire, à s’en abstenir formellement.
L’inverse, malheureusement, est vrai. Hier comme aujourd’hui
des chefs religieux mettent leurs fidèles en garde contre la
franc-maçonnerie.
Pour nous, répétons-le, il s’agit d’une option individuelle. Mais il reste à
savoir comment concilier notre recherche de la vérité avec une institution
qui
prétend l’avoir trouvée.
Jacques Tornay
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