Alpina 3/2007
Les vrais enjeux de la franc-maçonnerie sont davantage à
l’extérieur qu’à l’intérieur de nos temples. Le comportement du maçon hors
de sa loge témoigne de l’enseignement qu’il a reçu. Avant de frapper à notre
porte le candidat doit évidemment posséder les qualités de tolérance,
d’altruisme et de probité que nous recherchons. Cependant, une fois admis il
se fera une obligation personnelle de les manifester en permanence et à tous
égards. Ce qui avant son entrée n’était peut-être qu’une série de bonnes
dispositions devient ensuite un engagement plein et entier, concrétisant
ainsi l’idéal auquel il aura librement souscrit.
L’ouverture d’esprit, l’écoute attentive, le respect des
opinions différentes des siennes sont choses relativement aisées entre nous,
dans l’atelier, puisque tout nous y porte et qu’un manquement aux règles de
bienséance qui sont les nôtres ne passe pas inaperçu. Il en va autrement
lorsque nous évoluons dans nos sphères familiale, professionnelle, dans nos
activités les plus quotidiennes où souvent la tentation est grande de se
laisser aller à un mouvement d’humeur au lieu d’instaurer un dialogue
constructif, de contourner un obstacle au lieu de l’affronter, de réfuter
plutôt que de raisonner. Dans notre vie de tous les jours nos principes
doivent s’affirmer avec une détermination particulière et, nous le savons,
ce n’est guère facile. Face aux préjugés et aux idées communément admises
nous hésitons parfois à faire valoir haut et fort notre point de vue, parce
qu’aller à contre-courant pourrait nous marginaliser. Le franc-maçon digne
de son appartenance ne devrait toutefois pas hésiter à se démarquer d’une
majorité. Il doit oeuvrer malgré tout dans le sens de ce qu’il estime juste,
et combattre ce sentiment d’indifférence qui, sournoisement, peut l’induire
à l’inaction. Un ami canadien me confiait récemment une phrase qui s’est
gravée en moi: People don’t care how much you know until they know how much
you care. Traduction libre: l’autre ne s’intéressera à nous que dans la
mesure où nous nous intéresserons à lui. Cela est valable aussi dans nos
loges où nous côtoyons régulièrement nos frères mais peut-être sans les
connaître vraiment, sans chercher à savoir qui ils sont dans leur
personnalité profonde. Nous vivons dans un monde où règne le superficiel. Il
incombe par conséquent à chacun de nous de briser nos écrans de surface, nos
valeurs s’en raffermiront d’autant à l’intérieur comme à l’extérieur du
temple.
Jacques Tornay
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