Tradition et progrès dans le contexte maçonnique
(Alpina 6-7/2007)

Tradition et progrès sont-ils incompatibles ou complémentaires? La tradition se transmet et le progrès s’invente. Dans l’idéal, ces deux notions vont de soi et se mettent en place le plus naturellement du monde. Ce fut le cas pour les initiateurs de la franc-maçonnerie spéculative. Il s’agissait de raviver et d’assurer la pérennité d’un certain nombre de connaissances, en priorité celles liées au symbolisme de la construction. Concernant le progrès, ils semblent ne pas avoir achoppé sur ce faux dilemme qui oppose hier à aujourd’hui. Leur option était évidente et s’imposait d’elle-même car il fallait être modernes, résolument ancrés dans l’époque.

Et nous devons l’être pareillement aujourd’hui en 2007. L’idée signifie ne pas se contenter d’être de son temps – ce à quoi nous sommes tous obligés bon gré mal gré – mais entrevoir ce qui se profile à l’horizon, les enjeux majeurs qui se présenteront à nous et s’apprêter à y répondre selon nos principes. Enjeux individuels et collectifs, les deux étant indissociables à moins de se replier sur soi-même et ne plus vouloir le monde./p>

Tout n’est pas bon à prendre dans le progrès. Longtemps, le mot en soi a eu une résonance presque mystique. S’opposer au progrès c’était s’opposer au genre humain et à son évolution, ce qui dans un certain sens tenait la route,mais lorsque de nouvelles applications scientifiques ou supposées telles mettent nos existences et celles des générations futures en péril il y a lieu de s’interroger. Progrès et perfection ne vont pas forcément de pair. Tout n’est pas bon à prendre non plus dans les valeurs du passé ou traditionnelles. Certaines d’entre elles peuvent conduire à un conservatisme desséchant, à l’aveuglement et au fanatisme.

Quant à la Tradition, avec ou sans majuscule, il convient de la définir avant de l’évoquer à tort et à travers, et surtout de savoir ce qu’elle implique pour nous francs-maçons, héritiers philosophiques de bâtisseurs. Chacun en son for intérieur est voué à l’exercice de la corde raide, à savoir: la loi du juste équilibre entre ce qui nous a constitué et ce que l’on bâtit à présent dans une perspective future. Tout est mouvement. La nostalgie est aussi trompeuse que l’utopie. À nous de faire que nos désirs et nos réalités soient au diapason les unes des autres.

Jacques Tornay

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