Les responsabilités du franc-maçon
(Alpina 8-9/2007)

Depuis l’introduction du thème d’étude mensuel dans notre revue, il y a douze ans, jamais encore nous n’avions reçu autant de contributions que pour celui-ci: les responsabilités du franc-maçon. Ainsi reviendrons-nous sur le sujet en octobre, voire ultérieurement, avec de nouvelles planches. La question des responsabilités restera sans doute toujours d’actualité, et chaque jour ou presque nous y sommes confrontés à l’un ou l’autre stade de nos faits et gestes. Sur le plan strictement maçonnique nous pourrions résumer la situation en quelques mots: le maçon responsable connaît nos principes et s’y conforme en permanence.

Cependant, le terme responsabilités n’est suivi d’un adjectif que s’il désigne un secteur particulier, sur le plan philosophique il est universel et s’applique à tous les humains parce qu’il est indissociable de la conscience. Etre responsable consiste d’abord à instaurer en soi-même un ordre de valeurs morales, se disposer à le respecter en toute circonstance, et aussi se sentir libre d’agir et de s’exprimer en s’imposant les restrictions d’usage vis-à-vis d’autrui.

Reportons-nous aux spectacles pitoyables offerts par les grands criminels de guerre du siècle écoulé, lorsqu’après leur jugement ils ne s’estimaient coupables de rien du tout puisque n’ayant fait qu’obéir aux ordres de leurs chefs sanguinaires. Nous revenions aux temps reculés des hordes barbares où la violence aveugle fait office de loi. La notion de responsabilité est au contraire civilisatrice, garante de progrès éthique, de justice, et nos systèmes éducatifs ne l’inculqueront jamais assez dès l’âge de raison. Nous devons répondre de nos actes face à nos semblables dès que nos décisions influencent leur vie. Etre responsable signifie le respect mutuel, un sens du partage, l’égalité au-delà des différences, des droits et devoirs du citoyen face aux pouvoirs légitimes ainsi que l’inverse. Cela implique naturellement la nécessité de reconnaître ses égarements, d’assumer ses erreurs, avec la volonté de les réparer. Parce que la difficulté est grande, parce qu’il n’est guère évident de constamment savoir mesurer la portée de ses actions et de son langage, la responsabilité reste une tache ardue. Dans sa plus haute définition, peut-être relève-t-elle de l’utopie. Elle n’en demeure pas moins une exigence indiscutable, et pour nous francs-maçons elle trouve son application première dans le dégrossissage de notre pierre brute.

Jacques Tornay

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