La Franc-Maçonnerie en temps de guerre
(Alpina 11/2007)
Parler du franc-maçon en temps de guerre revient à évoquer
ses idéaux de fraternité et de justice mis à mal par le bruit des armes.
S’il est fidèle à sa conscience, ses valeurs resteront identiques et
guideront ses actes dans le sens du secours, du dévouement et des bons
offices. Au milieu de la folie meurtrière il ne renoncera pas à sa vision
d’un monde réconcilié. Sous les décombres il gardera l’instinct de la
construction. L’adversité guerrière révèle la nature profonde des hommes,
elle est un filtre, une mise à l’épreuve inutile autant que douloureuse du
caractère de chacun. Des ressorts inattendus se déclenchent, ainsi le
pleutre peut devenir brave et le prétendu courageux se montrer défaitiste.
Toujours motivés par un atavisme de conquête chez les
assaillants, les conflits armés civils ou entre nations suscitent
l’incompréhension de par leur absurdité. Cependant, au cours de l’histoire
presque toujours des francsmaçons se sont retrouvés dans des camps opposés
et la chronique ne manque pas d’exemples concrets où l’intérêt humanitaire a
supplanté les enjeux des rivalités par l’intervention de frères «ennemis» en
position de jouer un rôle de médiation.
Le franc-maçon aime son pays et promet de le servir avec
loyauté. Cela est bel et bien dans un contexte de démocratie, mais le
sentiment patriotique résiste-t-il face aux gouvernements qui brident leurs
citoyens et bafouent leurs aspirations les plus élémentaires? On a donc vu
des francs-maçons entrer en résistance active ou dans des mouvements de
libération, parfois à des postes de commandement, ceux du moins restés
vivants car il n’est pas superflu de rappeler combien les maçons ont été
opprimés par les totalitarismes de tout bord. Une étude sur la répression
anti-maçonniques dans le monde, ne serait-ce qu’au vingtième siècle,
livrerait des chiffres éloquents. Espace de liberté par excellence, la loge
devient vite intolérable à l’esprit inquisiteur.
Le franc-maçon n’a pas pour vocation d’être un héros, moins
encore un martyre. Il se contente d’être un homme droit dans ses convictions
de fraternité humaine et n’hésitera pas à tout mettre en oeuvre pour la
faire prévaloir lorsque les circonstances l’exigent. On sait combien il est
facile de détruire, à quel point des notions pernicieuses peuvent s’emparer
des cerveaux et les conduire à la haine. En revanche, bâtir et oeuvrer
ensemble dans la concorde sont des tâches ardues. Elles requièrent nos
meilleures forces et c’est pourquoi nous les avons choisies.
Jacques Tornay
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