La Franc-Maçonnerie en temps de guerre
(Alpina 12/2007)
Ce thème de la présence extérieure du franc-maçon met le
discours à l’épreuve de la réalité. C’est par les actes et seulement par eux
que l’on vérifie si l’enseignement reçu en loge porte ses fruits ou reste
lettre morte. Des valeurs cultivées en vase clos, sans lumière du dehors et
isolées des événements, se dessèchent et ne sont au final bonnes qu’à
flatter son ego. Peu de sociétés, à l’instar de la nôtre, demandent à leurs
membres une édification intérieure avec, dans un même mouvement, une
projection vers les autres. En maçonnerie nous sommes appelés en permanence
à relever ce double défi dans lequel nous devons être capables d’appréhender
à la fois le singulier et le pluriel, le relatif et l’absolu. L’équilibre idéal entre le perfectionnement de soi et celui
de notre environnement dans tous les sens du terme relève peut-être de la
gageure. D’aucuns parmi nous sont davantage enclins à l’introspection qu’à
l’action sur le terrain et vice versa, mais que l’on perde de vue l’une de
ces deux composantes et notre engagement maçonnique sera incomplet. Nous
sommes un ordre initiatique et devons par conséquent remplir vis-à-vis de
nous-mêmes ce que notre appartenance implique en fait de développement
personnel. Etant également une communauté, de surcroît fraternelle, nous
avons le devoir d’envisager le monde au-delà de notre individualité
restreinte. L’un des moments rituels forts à l’appui d’une telle vision est
la Chaîne d’Union, elle qui nous relie ici, maintenant, et cependant nous
rattache à nos prédécesseurs par la pensée active. Souvenons-nous encore que
ce geste d’unité s’adresse à l’ensemble de la famille humaine, car nous
parlons de construire le temple de l’humanité, dans sa pleine diversité,
puisque nous sommes destinés à bâtir dans la plus large perspective
possible.
Quelle forme, alors, donner à notre présence à l’extérieur?
Là comme ailleurs la maçonnerie ne dispense pas de mot d’ordre. Il s’agit de
rester soi-même, avec ce que l’on possède, en se souvenant en toute occasion
de nos principes, peu nombreux, raison supplémentaire pour les appliquer
sans faille puisqu’ils sont plus nécessaires que jamais dans l’actuel climat
de déréliction sociale. Il n’est que d’extérioriser la tolérance,
l’ouverture et la fraternité tant que faire se peut, sans s’attendre à la
réciproque, et même si nos intérêts individuels s’en trouveraient lésés.
Nous devons avoir gain de cause non pas contre l’autre, mais en notre âme et
conscience.
Jacques Tornay
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