Mon Frère - mon ami
(Alpina 10/2008)

Dans l’idéal, l’amitié et la fraternité devraient aller de pair. À première vue rien ne les sépare. Elles semblent former un couple indissociable car qui est incapable d’amitié sera de même incapable de fraternité. Toutefois, dans la réalité les choses peuvent se configurer autrement. On le dit souvent : on choisit ses amis, pas sa famille. Or, la franc-maçonnerie est une famille dans le sens où nous nous reconnaissons des idéaux et un symbolisme communs. Cependant, l’immense majorité des frères répartis dans le monde nous resterons à jamais inconnus et pourtant, si l’un de ces anonymes demandait notre assistance humanitaire, un soin, un secours, un soutien, nous nous devrions de le lui apporter.

D’ailleurs, cette aide nous avons l’obligation individuelle et morale de la fournir quand nous l’estimons nécessaire à toute personne nous la sollicitant. Une fraternité qui s’arrêterait à l’appartenance maçonnique ne serait que l’ombre d’elle-même. Cela, nous le savons tous, néanmoins il n’est pas inutile de le répéter. Il n’y a donc pas à se gargariser du mot fraternité mais à l’appliquer lorsque les circonstances l’exigent. Une petite action concrète vaut mieux qu’un grand discours abstrait. En tant que francs-maçons nous avons des exigences et c’est en leur donnant corps que nous aurons quelque chance d’améliorer le monde.

L’amitié aussi demande beaucoup de notre part. Les vrais amis, ceux auxquel nous pouvons nous confier sans crainte, sont au contraire peu nombreux. Ils ne sont pas anonymes, eux, et le plus souvent une solide amitié se crée en accomplissant ensemble quelque chose d’important : des études, un apprentissage, le service militaire, une équipée sportive, etc. Là où des épreuves sont en jeu. En maçonnerie, l’initiation est notre expérience identique. À ce titre, les membres d’une loge devraient tous être des amis autant que des frères. Il n’en va malheureusement pas toujours ainsi. Dans un cas comme dans l’autre il importe de manifester de l’attachement, de l’estime, de la disponibilité, autant de qualités précieuses qu’il nous incombe de cultiver. Nul ne pourra se plaindre d’un manque d’attention si lui-même n’en témoigne pas aux autres. Enfin, l’amitié et la fraternité ont des ennemis communs: les métaux. En clair, tout ce que l’on désigne sous le terme de profane. Des liens dévoyés par une connivence matérielle ne feront pas long feu et chacun d’entre nous a au moins un exemple d’ami perdu ou de frère démissionnaire parce qu’un conflit d’argent ou de sensualité est venu brouiller le jugement et obscurcir la vision. Non, de l’amitié comme de la fraternité il faut en connaître la haute valeur afin de n’être jamais tenté de la brader.

Jacques Tornay

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