Le franc-maçon et l'engagement politique
(Alpina 10/2009)

Il est aujourd'hui de bon ton chez certains de dénigrer la politique, ainsi que ceux et celles qui en sont les acteurs. Cela ressemble à un dynamitage en douceur des institutions qui fondent notre Etat de droit. C'est aussi oublier que depuis la première république d'Athène, la politique est la seule façon de construire à plusieurs la cité visible, concrète, d'assurer par et pour les citoyens des structures et des paramètres permettant de vivre ensemble dans les meilleures conditions possibles. Honnêtement menée, la politique signifie vouloir participer aujourd'hui et là où l'on vit à l'action publique sur la base de convictions affirmées. Il faut pour cela vouloir être de son époque, bâtir et entreprendre dans l'espace et le temps qui nous sont impartis. Si nombre de nos précurseurs francsmaçons ne s'étaient pas investis dans des questions réelles touchant leur communauté, leur pays ou au-delà, s'ils s'étaient réfugiés en des chimères au lieu de s'attaquer à de vrais problèmes de société, la franc-maçonnerie ne se serait sans doute guère développée. Peut-être n'existeraitt- elle plus. Les exemples abondent de maçons dévoués à de nobles causes qui ont lutté dans le monde en général et dans notre Confédération en particulier afin d'assurer nos libertés individuelles et des conditions de vie décente pour tous. Il faut se souvenir également de la part prise par beaucoup d'entre eux un peu partout pour secouer le joug de l'iniquité et contrer l'injustice de régimes pervers, sacrifiant parfois leur vie. Que nous le voulions ou non, tout est politique. Même l'abstention est une tendance qui s'inscrit dans l'échiquier et dénote une idéologie. D'aucuns, rebutés par l'affiliation à un parti spécifique et la défense de ses idées, abordent la politique sous l'angle d'une philosophie au quotidien qui privilégierait le dialogue et la libre discussion sur des thèmes d'intérêt général. Elle consisterait alors à s'intéresser aux choses, aux événements et aux affaires de notre société, avec le désir d'intervenir lors d'enjeux dépassant les clivages traditionnels comme l'environnement, la santé, ou l'emploi. Quelle que soit la forme de son implication, il est revigorant de rencontrer des maçons engagés au service d'un objectif choisi profitable à autrui, se portant ainsi au-delà de leur petit univers personnel. Tout vaut mieux que l'indifférence. Ainsi, en participant au mouvement de la collectivité reflèterons-nous les vertus cultivées dans le temple. Que seraient de belles paroles non traduites dans la réalité ? Elles seraient lettres mortes.

Jacques Tornay

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