Comment affronter les préjugées?
(Alpina 12/2009)
Qui pourrait se targuer de n'avoir aucun
préjugé ? Certainement personne, à
part sans doute certains mystiques et
contemplatifs qui auraient poussé leur
détachement du monde jusqu'à anihiler en
eux le jugement sur autrui. Autrement,
tout un chacun a consciemment ou non
des préjugés de nature diverse. Il en est de
si bien ancrés dans l'esprit des hommes
qu'ils sont devenus des vérités indiscutables,
intangibles comme une montagne.
Une simple rumeur suffit à créer un préjugé
en temps record. C'est ainsi que des
sophismes sans nombre circulent et se
répandent tous les jours à la surface du
globe. On sait combien il est difficile de
contrer une idée fausse dès qu'elle est diffusée.
Il est des préjugés dangereux. Poussés
à l'extrême ils deviennent mortifères.
Avancer des préjugés c'est vouloir se satisfaire
d'une explication simple sur un sujet
donné, un peuple, une personne. Par là on
se refuse à la réalité, dont l'essence est
complexe, on s'épargne l'analyse, on se
détourne de la profondeur pour demeurer
à la surface des choses et s'y complaire. Au
lieu de percevoir les nuances d'une situation,
celle-ci est perçue d'un bloc, telle une
pierre brute. Combien de mésententes, de
conflits et de haines tenaces pour un jugement
à l'emporte-pièce inlassablement
répété, un verdict prononcé à la légère ?
Fort de cette largesse de vues qui devrait
être la sienne, le franc-maçon est idéalement
outillé pour combattre les préjugés
de tous ordres. Il importe d'abord de ne pas
trancher une question dans le vif avant
d'en posséder la pleine connaissance.
L'ignorance nous fait trébucher le plus.
S'abstenir aussi d'émettre un avis de but
en blanc si l'on n'a pas une vue d'ensemble
du problème, de décider de manière
péremptoire de ce qu'il convient de dire,
de faire ou de penser. Enfin, prendre la
peine de vérifier le bien-fondé ou non
d'une assertion. Vu qu'une partie de nos
préjugés provient de notre éducation, il est
d'autant plus nécessaire de nous employer,
pour le moins, à les équilibrer. Connaître
les causes ne nous permet-t-il pas de corriger
des effets négatifs ? Si l'on est enclin
à entretenir un préjugé mineur, cela ne
portera guère à conséquence, car il en est
de bénins, qui ne heurtent pas d'autres
sensibilités. En revanche, si le préjugé est
important, un sérieux travail sur soi s'impose.
En clair, ne rien admettre pour définitif
sans avoir examiné le plus de paramètres
possibles. Cependant, il existe également
des préjugés favorables mais,
curieusement, on en parle peu tant ils sont
discrets...
Jacques Tornay
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