La joie. Avoir, donner, trouver de la joie
(Alpina 1/2010)

La joie a plusieurs visages. Tous entretiennent un lien de parenté entre eux, les différences résident dans la nature et la profondeur du sentiment qui s'exprime. Les différentes manifestations de la vraie joie réunissent au moins deux points communs : elle provient de l'intérieur et elle est communicative. On confond trop souvent la joie avec la gaieté, qui en est une forme subalterne, ou avec la liesse collective qui se donne libre cours lors d'une fête populaire, d'une victoire sportive, d'un anniversaire, d'une commémoration. Pareille joie peut atteindre à l'exaltation comme on le voit lorsqu'une guerre se termine, un peuple se libère de ses chaînes, ou s'effondre un mur qui divisait une société. Elle prend alors volontiers des allures d'ivresse, de débordement qui toutefois retombe plus vite qu'on ne le pensait, ainsi des feux après la fête, et ce qui avait soudé une communauté humaine a tendance à se fissurer déjà. On parle également de joie mystique, avec ses aspects de béatitude, d'extase, dont sont généralement exclus ceux qui ne la ressentent pas. Il n'en demeure pas moins que toute joie vient de l'âme et qu'elle embrase le coeur dans un même mouvement. On ne peut intellectualiser pareille émotion, elle échappe à l'analyse, défie le calcul car son essence est irrationnelle. Certes, on pourra se mettre dans une disposition favorable à son avènement, mais il est impossible d'obtenir une joie authentique sur commande. Il est vain de vouloir la créer de toutes pièces, auquel cas elle sera artifice. Il est des joies bruyantes, d'autres sont discrètes voire silencieuses. Ces dernières durent le plus longtemps. La joie véritable est ce qui maintient dans l'espérance quand le malheur nous arrive. Elle est inexplicable autant que la douleur, elle descend au fond de notre être et s'en empare. L'idéal serait de garder en soi une joie permanente plutôt que d'en subir les fluctuations. Les personnes au bénéfice de cette humeur constante ne sont guère nombreuses - au cas contraire notre monde irait mieux qu'il ne va - et ne font pas grand tapage autour d'elles mais il en émane une force d'attraction particulière que chacun devrait s'efforcer d'atteindre. La joie durable ne serait-elle pas simplement la sérénité ? Certains affirment qu'offrir procure davantage de joie que recevoir et ils ont raison. Tout comme le franc-maçon se doit de servir plutôt que de se faire servir.

Jacques Tornay

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