La spiritualité. Est-elle encore d'actualité?
(Alpina 3/2010)
Qui mettrait en doute la valeur et, pour
certains, la nécessité d'une spiritualité ? À condition
évidemment que celle-ci se tende vers l'amour et la
lumière, non vers la haine et l'obscur car lorsqu'on
parle de spiritualité toutes les dénominations sont
possibles, y compris les plus négatives.
Il en est qui sont prêts à
tuer leur prochain au nom de leur conception du sacré.
Toute vision de l'au-delà renferme son germe de
fanatisme, comme d'ailleurs toute doctrine en général.
Aujourd'hui, ce terme de spiritualité est devenu si
vague que l'on peut y mettre ce que l'on veut, c'est-à-dire
n'importe quoi.
En l'occurence, l'offre à l'heure actuelle est
pléthorique. Chacun peut se fabriquer une spiritualité
sur mesure, à la carte, avec les ingrédients les plus
improbables. Un certain nombre de ceux qui proposent des
voies d'épanouissement se font de gros sous. En fait, on
se leurre sur la spiritualité dès que l'on pense pouvoir
y accéder sans efforts et rapidement, c'est comme
espérer maigrir en buvant des tisanes. On ne peut
escompter aucun développement hors d'une discipline
personnelle et vouloir atteindre un plan supérieur tout
en abusant de ces fameux plaisirs de la vie revient à se
tromper d'objectif. La spiritualité n'est ni bonne ni
mauvaise en soi, elle est ce que chacun en fait en son
âme et conscience et, surtout, dans ses faits et gestes
les plus quotidiens. Depuis toujours l'être humain
envisage des transcendances, imagine des mondes célestes,
parie sur l'infini et se plie à une foule de rites. Il
en est qui à force d'invoquer l'invisible en viennent à
négliger leurs devoirs terrestres, pour d'autres au
contraire la pratique spirituelle aide à accepter notre
condition et la réalité de notre disparition. Ainsi
qu'en toute chose il s'agit peut-être de savoir garder
la juste mesure entre le relatif et l'absolu. Il en est
également qui ne professent aucune religion, ni
mysticisme ou autre forme de croyance spirituelle mais
s'appliquent à oeuvrer avec justice et bonté dans les
circonstances de chaque jour. Au fond, la spiritualité
n'est un exercice obligatoire pour personne, mais tant
mieux pour ceux et celles qui observent une conviction
particulière et s'en portent bien : leur engagement
rejaillira sur autrui. La spiritualité relève d'abord
d'un choix individuel, qu'il convient de n'imposer à
quiconque. Il s'agit àla fois d'une liberté intérieure
et d'un sentiment fort qui perdrait de sa substance à
être expliqué par des arguments rationnels.
Jacques Tornay
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