Architecture et franc-maçonnerie
(Alpina 6-7/2011)
Tout est architecture comme on affirme quelquefois que tout est symbole. Là où il y a volonté d'assembler des matériaux pour les disposer selon un certain ordre, il y a projet de construction, sur le plan matériel aussi bien que dans le domaine des idées. Toutefois, maîtriser les techniques ne suffit pas à rendre une oeuvre expressive et originale. Il y faut encore de l'inventiondans lamanière de procéder, ainsi que de l'imagination pour se démarquer de ce quiaété réalisé auparavant. Telle est la première fonction de l'art : faire oeuvre durable et unique. Les vrais bâtisseurs sont à la fois curieux et audacieux, loin des conservatismes sclérosants. Le thème de l'architecture est omniprésent en franc-maçonnerie, ne serait-ce que par l'évocation du GADLU, du temple avec ses symboles, et par ces morceaux de prose que l'on cisèle à l'intention de la loge. En fait, l'architecture représente plus que cela puisque son principe doit nous inspirer un authentique art de vivre et de penser. Une élaboration intérieure. On a énormément écrit et l'on s'étendra encore beaucoup sur l'architecture sacrée de ses débuts, ou considérés comme tels, à nos jours. Qu'entend-on au juste par l'adjectif sacré ? Ce serait singulièrement réduire la portée du terme que de le confiner aux pratiques religieuses ou à un quelconque hommage rendu à une divinité. On entre dans la dimension du sacré dès que se manifeste en soi undésir de se concevoir dans une perspective hors du monde visible. Il n'est pas nécessaire de se vouer à une entité céleste, toutes créées par les hommes, pour éprouver un besoin de transcendance. Tout être en possession de ses facultés peut élever son esprit et l'enrichir en permanence. À ce titre, nombre de créations architecturales d'ici et d'ailleurs nous invitent à de fertiles méditations, surtout lorsqu'elles contiennent l'un ou l'autre élément sortant de l'ordinaire sur lequel on s'interroge. On se dit alors que d'autres avant nous ont pensé ce que nous pensons aujourd'hui et il se crée une vaste chaîne humaine à travers l'espace et le temps entre les morts et les vivants. Le spirituel n'a pas le monopole du sacré. Chaque personne en a une part inaltérable. Aussi, reconnaître dans sa pleine dignité chacun de nos frères et chacune de nos sœurs en humanité, s'intéresser à ce qu'ils sont, c'est également être un architecte. Celui de la concorde universelle.
Jacques Tornay
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