Alpina 10/2001

Pas un jour ne passe sans que nous constations, par médias interposés ou de nos propres yeux, des entorses flagrantes à la justice. Elle peut être purement et simplement foulée aux pieds lorsque tout un peuple voit ses droits légitimes réprimés dans la violence. Sur le plan pénal combien d'enquêtes n'aboutissent pas, combien de dossiers sont clos prématurément; pourquoi l'un paie-t-il plus que l'autre pour un même délit? Quel mensonge condamne l'innocent et acquitte le coupable? Les raisons de s'indigner ne manquent pas. On connaît les principales entraves à la justice et à l'équité: influence de l'argent, impératifs économiques, raison d'Etat. Heureusement la justice a tout de même fréquemment gain de cause, en petit ou en grand, mais ses victoires sont discrètes car un dicton affirme que les bonnes nouvelles ne font pas recette.

Ce qui est juste ou ne l'est pas dépend de sa propre optique des choses et l'on sait peut-être ce mot de Bernard Shaw: «Quand un homme veut tuer un tigre, il appelle cela du sport. Quand le tigre veut le tuer, l'homme appelle cela férocité.»

Certains évoquent les différences de mœurs en guise de justification à des lois cruelles appliquées en quelque partie du monde, mais si l'on se veut membres d'une même famille humaine habitant cette terre et animés de l'amour du prochain comment accepter qu'un être souffre dans sa chair ou dans son esprit, quand ce n'est pas les deux, par la faute de son semblable? On peut concevoir un idéal de justice transcendant les particularismes lorsque l'intégrité de la personne humaine est en jeu. Hélas, les moyens et les conditions font souvent défaut à sa mise en œuvre. Dans les deux domaines dont il est question ici et qui devraient logiquement se compléter, le plus difficile semble être de concilier les intérêts de l'individu et ceux du groupe social auquel il appartient. La société démocratique recherche cet équilibre, jamais parfait, toujours fragile, entre le citoyen et la communauté. Toutefois, avant de fonctionner selon des systèmes officiels la justice et l'équité sont l'affaire de chacun(e) en son âme et conscience et ce n'est pas le moindre travail du franc-maçon que de tendre vers cet objectif car il s'inscrit en droite ligne dans la recherche de vérité. Comme on le dit, soyons sévère pour soi-même et indulgent envers autrui. Nous devons croire en la vertu de l'exemple lorsqu'il s'agit d'intégrité.

Jacques Tornay

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