Alpina 8-9/2001

L’initiation maçonnique a ceci de particulier qu’elle oblige le récipiendaire à prendre possession de lui-même, par son propre effort. Les symboles qu’il découvre et aura loisir de méditer l’appellent à l’introspection afin de se mieux connaître, de se mieux comprendre, et, exécutant ce travail qui ne cesse pas, d’aller vers la réalisation de soi la plus complète possible. Une cérémonie d’introduction ne sera jamais que virtuelle si le principal bénéficiaire ne se force pas à un changement personnel profond. Ce sont là des évidences, mille fois dites et redites, mais il faut les répéter pour être sûr de ne pas se tromper sur les raisons qui doivent pousser un profane à demander son entrée au temple. Et si le maçon en vient à s’écarter des principes de base il sera toujours temps pour lui de s’imprégner à nouveau de sa promesse d’apprenti, qui n’est autre que l’engagement à se perfectionner.

La vision maçonnique de l’homme se trouve, nous semble-t-il, contenue dans ce substantif: perfectionnement. Il inclut l’accomplissement en des proportions équilibrées de la personne publique autant que privée, matérielle autant que spirituelle, dans la poursuite d’une recherche individuelle selon ses aspirations. Le programme est exigeant; il s’agit d’une forme d’autodiscipline dont les règles ne sont écrites nulle part. Le privilège du franc-maçon n’est-il pas d’être en permanence conscient de la tache qu’il doit remplir, d’agir et de penser en connaissance de cause en utilisant les outils liés à la construction?

Nul ne peut se prononcer sur ce que l’homme devrait être; il serait même dangereux de s’y risquer car en voulant définir on simplifie inévitablement. En revanche, le franc-maçon peut tracer quelques repères en faveur de ses semblables, lui-même s’appliquant, dans l’idéal, aux vertus essentielles de la tolérance et de l’harmonie. En toute occasion il aura à cœur de se montrer à la hauteur de ses ambitions, d’instaurer un climat propice à de constructifs échanges. Une lumière qui ne se répand pas finit par s’épuiser.

La discorde apparaît davantage naturelle à notre espèce que la concorde, la guerre plus facile à mener que la paix. La première se déclare sans autre, par contre il faut travailler pour que règne la seconde. De même, la nature, les éléments, la configuration cosmique nous sont donnés une fois pour toutes, il n’y a pas à y revenir, tandis que l’humain, toujours enclin aux pulsions délétères, est une œuvre à bâtir chaque jour. C’est pourquoi il ne saurait y avoir de vision maçonnique de l’homme sans qu’intervienne d’abord l’idée de maîtrise de soi.

Jacques Tornay

<< Numéro 6-7/2001 Index Numéro 10/2001 >>
Alpina