Alpina 8-9/2003

Cinquième des arts libéraux, la géométrie est une science qui structure l'espace et un art qui crée des harmonies proportionnelles. Elle nous permet de mesurer l'environnement dans lequel nous évoluons à un temps donné. Nous nous émerveillons de ses applications infinies qui ont donné lieu à tant de découvertes. La géométrie est la science de l'homme car lui seul a la volonté de créer des formes parfaitement symétriques. La nature, elle, préfère l'asymétrie et des formes jamais absolument identiques. Les premières notions connues de géométrie remontent à plus de 2000 ans avant notre ère avec les peuples d'Egypte et de Babylone.

La continuité fut assurée par Euclide, le chef de file de mathématiciens dont les travaux devaient servir pendant vingt siècles environ de base à toute étude géométrique. Bien des philosophes s'y sont intéressés depuis les temps anciens jusqu'à nos jours, apportant leurs propres lumières. Ils ont créé une nouvelle forme de pensée afin de mieux éclairer l'homme dans la complexité de son fonctionnement intérieur. Cependant, l'écolier qui s'applique à résoudre un problème de géométrie est en général fort loin d'en éprouver un sentiment d'exaltation. Le théorème de Pythagore aura enchanté autant d'élèves qu'il en aura rebuté. Nous étions sans le savoir aux prises avec une connaissance immémoriale.

Depuis les premières confréries initiatiques le franc-maçon travaille évidemment sur le symbolisme de cette science universelle. Notre corde à douze nœuds, dessinant le triangle de Pythagore avec son angle droit, devient un instrument efficace sur le terrain et fonctionne à la fois comme règle, équerre et compas. Parmi les textes fondateurs le manuscrit Cooke insiste sur l'importance de la géométrie. Les Anciens Devoirs la placent également au centre de l'enseignement ésotérique et en font le pivot de l'action intellectuelle, morale et spirituelle. Dante ira jusqu'à dire qu'«elle est parfaitement blanche, en tant qu'elle ne comporte la tache d'aucune erreur, mais offre toute certitude pour elle et sa servante la perspective». On n'en finira sans doute pas de rechercher les implications de la géométrie dans les petites comme les grandes choses de l'existence vu que sa présence s'affirme partout. Gardons-nous cependant d'en faire un modèle figé car tout ce qui vit est mouvement.

Jacques Tornay

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