Alpina 3/2004
Pour beaucoup les mots «école», «enseignement» et «instruction» ont une
connotation péjorative car l’on pense à l’époque où l’on était obligé
d’apprendre sur des bancs de classe des connaissances jugées rébarbatives
dont on ne savait trop à quoi elles pourraient nous servir. Plus grave, il
s’agissait alors d’obéir à un maître, d’observer une discipline pénalisante
et de se soumettre à un code apparemment rigide et astreignant. Avec le
recul le temps scolaire n’apparaît plus si négatif chez la plupart, dès que
les matières apprises s’avèrent utiles pour se frayer un chemin.
La franc-maçonnerie est indéniablement un enseignement, elle
propose une instruction et peut être assimilée à une école sauf qu’elle ne
forme pas le récipiendaire en fonction d’un schéma préconçu. Ici l’intuition
remplace avantageusement la mémorisation et le didactisme dans sa tournure
commune n’a pas lieu d’être. Vouloir enseigner à la manière d’un professeur
serait contraire à la liberté de chacun dans sa recherche de vérité. Sans la
notion d’indépendance et de responsabilité ancrée au coeur de l’adepte la
maçonnerie ne serait pas une société où toutes les idées se discutent dans
un esprit de tolérance active et de fraternité ouverte. Car nul ne doit
exercer de contrainte sur son voisin, même avec la meilleure intention du
monde, ni déprécier une opinion qui ne correspondrait pas à la sienne.
Une volonté d’écoute caractérise le maçon hier comme
aujourd’hui. Il manifeste une disponibilité non à tout accepter mais à
estimer ce qu’il voit, entend et lit selon son expérience et sa sensibilité
personnelles. Cela est déjà une forme d’école en soi, ou d’apprentissage,
qui a le mérite de ne jamais finir. Comme l’a écrit Jean-Luc Laurent,
d’«Espérance et Cordialité»: «Ce n’est plus la nature qui met un être au
monde, c’est l’être lui-même qui, délibérément, se met en situation de se
recréer ou, tout au moins, de se transformer profondément». Transformation
qui consiste à tailler sa pierre brute, est-il besoin de le répéter? Avec
enthousiasme et dans la certitude de devoir apprendre et connaître sans
relâche.
Jacques Tornay
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