Alpina 8-9/2004

L’initiation maçonnique est transmise, mais la démarche qui vient ensuite et constitue le parcours initiatique proprement dit, elle, ne l’est pas. Cette dernière est personnelle, autonome, indépendante de toute contrainte extérieure qui voudrait en influer le cours. Du moins est-ce le cas dans l’idéal, là où l’initié se prend en main, comme on dit. Passé un certain stade de connaissance et d’aptitudes, l’être doit se diriger seul pour les choses qui le concernent, avec comme bagage précieux son acquis et surtout: ce qu’il est décidé à accomplir tout au long du chemin qui se profile devant lui - ne devons-nous pas être constamment en situation d’apprendre?

Il se rend là où le mène son désir allié à la raison, en étant suffisamment perméable aux idées qui l’enrichiraient mais vigilant aussi de ne laisser aucune d’entre elles entraver ce bel élan de liberté qu’il a choisi. Il n’est pas deux parcours initiatiques semblables. Il y a certes les balises, les repères, en l’occurrence nos symboles et les enseignements qui s’y rattachent. Chacun porte cependant sur eux un regard différent en fonction de son expérience individuelle, en vertu de sa sensibilité. S’il n’en était pas ainsi la maçonnerie serait composée de personnes partageant peu ou prou, dans leur vie, des attitudes et une vision identiques. Nous serions dans un schéma de pensée unilatérale, donc étroite. Or, une existence est rarement une ligne droite d’un point à un autre, malgré les efforts que l’on peut faire pour y tendre. Les virages de toute nature, à 180 degrés parfois, épargnent bien peu d’entre nous. Savoir les négocier, c’est aussi cela le parcours initiatique, et sortir renforcé de toute épreuve.

Chacun se dirige vers le but commun et travaille à le réaliser avec les moyens dont il dispose ou qu’il accepte de mettre en oeuvre. Le parcours initiatique dont nous parlons est une entreprise volontaire qui fait appel à notre meilleure énergie et ne peut acquérir sa pleine valeur sans volonté de perfectionnement. Ne sommes-nous pas appelés à nous édifier en permanence? Nous estimons que cette progression s’inscrit dans un mouvement naturel à l’espèce humaine, et elle ne réclame d’autre effort que celui d’un coeur et d’une conscience à leur juste place. Toute promesse allant dans cette direction s’adresse d’abord à soi-même. En définitive, le parcours initiatique s’apparente à sa propre alchimie intérieure.

Jacques Tornay

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