Alpina 12/2005

Qui dit modernité dit mode. Celle-ci peut durer plus ou moins longtemps, elle reste toutefois éphémère, transitoire, elle s’efface, disparaît, en laissant des traces d’importance variable. Ce qui était moderne il y a seulement dix ans ne l’est plus aujourd’hui. D’ailleurs nous sommes tous modernes bon gré mal gré, si cela signifie être de son temps, puisque installés dans notre époque avec ses bons et mauvais aspects. Cependant, sitôt qu’une dimension spirituelle entre en jeu, la modernité devient toute relative. Car être relié à une forme de transcendance implique de se pencher sur les grandes questions qui depuis toujours se posent à l’homme. Quel est le sens de la vie en général et de la sienne en particulier?

Comment remplir le mieux possible, pour soi-même et les autres, ce temps court qui nous est imparti sur la terre? Tant d’autres interrogations nous viennent lorsque nous essayons d’aller au-delà du contingent. De même, celui dont la tournure d’esprit est philosophique ne se contentera pas de la dernière thèse au goût du jour mais trouvera les vérités essentielles auprès des penseurs de tous les temps et lieux. Le franc-maçon s’attache d’abord à ce qui perdure et transmet une valeur du profond de lui-même.

Autre notion capitale du symbolisme: le perfectionnement de soi. Là aussi, nous passons outre aux différentes modernités qui se succèdent. Le développement est inscrit dans la vie de l’homme. Chaque génération lit les symboles antiques à sa façon. Le symbole vit, évolue, indépendamment d’un écrit pouvant le figer en doctrine. La nécessité du travail intérieur est liée à tout contexte historique. La pensée, la réflexion, la pratique altruiste sont universelles. Les formes changent, pas la substance, celle que nous offrent nos symboles. Et si l’on en vient aux idéaux de la maçonnerie, sur le plan éthique, peut-on dire qu’à l’heure actuelle, la tolérance, le dialogue des cultures, le droit à la dignité pour chaque être humain, l’accès à la connaissance, la liberté de conscience et de parole, l’indépendance de jugement sont des principes si bien implantés dans notre monde qu’il n’est plus besoin de s’en occuper? Evidemment non. De nombreux défis se présentent aux hommes de bonne volonté qui ont le cran et le ressort de les relever.

La franc-maçonnerie n’a jamais été passéiste. Sa tradition suppose le mouvement. Il y eut des changements au fil du temps et sans doute y en aura-t-il encore quant à ses modalités ou certaines formulations, mais son âme et le coeur de son enseignement ne pourront être altérés. Le maintien de ses lignes directrices est la raison de sa pérennité car on ne perdure qu’à la condition d’être fidèle à soi-même.

Jacques Tornay

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