Le courage civique. Que recouvre cette notion?
(Alpina 11/2010)

Dans la vie ordinaire, personne n'est courageux sur le plan civique, parce qu’il n’y a aucune raison de l'être en des circonstances ordinaires. Le vrai courage repond à l’événement qui met en danger, à l’adversité, àlatragédie, à une situation de péril. Accomplir ses devoirs de citoyen en temps normal est lamoindre des choses, l'esprit de civisme va ou devrait aller de soi et il n’y a pas à épiloguer à ce propos. Seules des conditions exceptionnelles font la preuve du courage individuel et collectif, ou de son absence. L’article IV des Principes maconniques de la Grande Loge Suisse Alpina commence ainsi: «Le Franc Macon suisse est fidèlement et entièrement dévoué à sa patrie». Ce postulat réclamant une précision, les rédacteurs ont ajouté: «Il reconnaît comme un devoir sacré de défendre les libertés et l'indépendance de son pays ainsi que de contribuer à maintenir la paix intérieure». Il n'y a pas à se méprendre sur le sens des mots libertés et indipéndance. Ces dernières ont été mises à mal ou carrément supprimées en bien des points du globe sous l'une ou l'autre dictature, ne serait ce qu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Le 10mars 1949, le Grand Maître de la Grande Loge Symbolique de Hongrie, Marcell Benedek, prononca un discours resté célèbre et ayant pour conclusion: «(… ) si je voulais résumer mon programme en une seule phrase, je dirais: vivre dans la dignité tant que c’est possible et mourir dans la dignité lorsqu’il le faut». Il faisait référence à la dissolution pressentie de la franc-maconnerie dans son pays – elle interviendra le 12 juin 1950 sur décret du ministère de l’Intérieur – et sans doute aussi à I'élimination physique d'un certain nombre de macons par le nouveau pouvoir. Dans les autres Etats de l’Est européen sous la férule communiste, les loges avaient déjà disparues. Maintenir sa dignité, ces trois mots ne résumeraient ils pas le courage dans sa forme la plus aboutie? Se laisser vaincre quand la lutte est devenue impossible mais garder en soi la flamme, si menue soit elle, qui nous rattache à la conscience humaine envers et contre tout. Au lieu de tant de livres inutiles publiés aujourd’hui sur la franc maconnerie, il en faudrait un qui réunirait des exemples de ces Frères et Soeurs qui à travers le monde ont subi des persécutions de toutes sortes et cependant n’ont jamais abdiqué leur idéal.

Jacques Tornay

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